Fonds décaissés puis volatilisés, Kinshasa : le CREFDL dénonce la faible exécution des travaux d’infrastructures routières dans la ville !
Le Centre des Recherches en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), a récemment publié un rapport exhaustif sur la mise en œuvre des projets d'infrastructures routières dans la ville de Kinshasa, entre 2021 et 2023 notamment, les projets ‘’Tshilejelu’’ et ‘’Zéro trous’’. Ce document vise à renforcer la transparence et la redevabilité des autorités vis-à-vis des investissements publics dans la capitale. L’enquête menée par le CREFDL s’inscrit dans le cadre d’un suivi rigoureux des investissements publics transférés aux provinces et aux Entités Territoriales Décentralisées (ETD). En se concentrant sur 27 artères de Kinshasa, le rapport vise à susciter un débat sur l’impact des dépenses publiques sur la vie quotidienne des habitants. Cette présentation a eu lieu vendredi 8 novembre 2024 au Centre d’Etudes pour l’Action Sociale (CEPAS) dans la commune de la Gombe.
Le rapport révèle que des marchés publics d'un montant total de 171 millions de dollars auraient été attribués entre 2021 et 2023 pour moderniser la voirie urbaine. Cependant, il est constaté dans ce rapport que 70,5 millions de dollars ont déjà été financés, représentant seulement 40,9% du taux de décaissement prévu. De plus, ces fonds seraient intraçables dans les lois de finances des années concernées.
Le CREFDL met en lumière des incohérences notamment, l’inclusion dans certains projets de tronçons inexistants. Par exemple, les cas de Tshilombo et Lunionzo, deux voies supposées être réhabilitées dans la commune de Matete, pour lesquelles des fonds auraient été alloués, et dont selon les habitants, n’existent pas. Des cas de double attribution de marchés à des prestataires différents ont également été évoqués dans ce rapport, soulevant des questions sur la gestion des projets.
‘’Nous avons constaté que tous les projets en cours d’exécution n’ont pas fait l’objet d’une étude de faisabilité au préalable. Des études qui devraient en principe permettre à l’OVD d’offrir aux kinois des routes de qualité, afin de résoudre les problèmes des embouteillages dans la ville. Après notre descente sur terrain, nous avons remarqué que les travaux ne sont pas réalisés en bonne et due forme. Vous avez l’avenue Shaba, où il devrait y avoir de l’éclairage public, la direction Ethiopie dans la commune de Kasa-Vubu qui devait être réhabilitée. La remise des travaux a été effectuée mais l’exécution peine à suivre’’, a indiqué M. Valery Madianga, Coordonnateur du CREFDL.
Par ailleurs, ce rapport dénonce le recours abusif à la procédure d'exception pour la passation des marchés publics, ce qui, selon lui, nuit à la transparence. Aussi, il fait allusion à une rétrocession de 2% que bénéficierait le Ministère des Infrastructures et des Travaux Publics dans chaque projet. Une mesure jugée comme un gaspillage des fonds publics, à en croire les résultats de ces enquêtes, car celui-ci dispose des frais de fonctionnement octroyés par l’Etat.
En outre, le CREFDL souligne la négligence dans le contrôle de la qualité des matériaux de construction et l'absence d'études préalables pour plusieurs projets. D’après cette structure, cela aurait conduit à un nombre élevé d'avenants et à un gaspillage considérable de ressources, aggravant la situation des infrastructures routières déjà en dégradation.
Face à ces constats alarmants, le CREFDL a formulé plusieurs recommandations. S’adressant au Parlement, cette organisation de la Société Civile appelle à l’interpellation du Ministre des ITP, Alexis Gisaro, pour expliquer la gestion des 70,5 millions de dollars investis. A la Première Ministre, elle est appelée à retirer l'arrêté ministériel accordant une rétrocession de 2% ; initier un audit de tous les projets d'infrastructures lancés à Kinshasa entre 2020 et 2023 ; prendre des mesures conservatoires contre les responsables de l’OVD ; suspendre l’exécution de tous les projets de voirie et établir une commission d’évaluation ; assurer le respect des principes des marchés publics ; et enfin, interdire la gestion centralisée des projets relevant des compétences des provinces.
Quant à la Cour des Comptes, le CREFDL l’a appelée à initier un audit complet des projets d'infrastructures à Kinshasa.
Ce rapport du CREFDL est un appel urgent à la responsabilisation des autorités sur la gestion des fonds publics destinés aux infrastructures. Les recommandations formulées, si elles sont mises en œuvre, pourraient contribuer à améliorer la transparence et l’efficacité des investissements publics, et ainsi répondre aux besoins de la population de Kinshasa. L’avenir des projets d’infrastructures dans la capitale dépend de l’engagement des acteurs concernés à rectifier le tir et à garantir une meilleure gouvernance.
Nathan Mundele