Cardinal Fridolin Ambongo Besungu, Monseigneur Frigence Muteba et Monseigneur Donatien Shole : Conseillers spirituels ou fauteurs de trouble pour la République Démocratique du Congo ?
(Par Jean Aimé Mbiya Bondo Shabanza, Haut cadre de l’UDPS/Tshisekedi, Chrétien engagé et membre du Corps du Christ)
Introduction : Une Eglise face à ses dilemmes spirituels et politiques
Depuis plusieurs années, les interventions publiques et médiatiques du Cardinal Fridolin Ambongo Besungu, une figure de proue de l’Église catholique en République Démocratique du Congo (RDC), suscitent des débats vifs. Ses discours, souvent perçus comme des prises de position politique, créent des divisions. En tant que guide spirituel, il se trouve dans une position ambiguë où ses engagements, parfois politiques, risquent de brouiller la frontière entre son rôle d'évêque et de citoyen.
Ce phénomène ne se limite pas au Cardinal Ambongo. D’autres figures influentes de l’Église, telles que Monseigneur Frigence Muteba et Monseigneur Donatien Shole, bien que leurs parcours diffèrent, sont également au cœur de controverses similaires. Leur engagement pour la justice sociale est salué par certains, mais il ne manque pas d’interroger sur la ligne de démarcation entre la mission spirituelle et l’implication partisane. Cet engagement religieux dans les affaires politiques divise l’opinion publique et met à l’épreuve l’unité du peuple congolais et de l’Église elle-même.
Il est donc essentiel de se poser la question : ces prélats sont-ils toujours des guides spirituels, ou sont-ils devenus des acteurs politiques de premier plan ? L’Église peut-elle réellement demeurer fidèle à sa vocation morale et spirituelle tout en intervenant dans un contexte aussi politisé que celui de la RDC ?
Un rôle spirituel compromis par la politique ?
L’Église catholique, dans ses enseignements, se veut être un acteur de paix et de réconciliation, en dehors des clivages politiques. Or, lorsque des figures emblématiques comme le Cardinal Ambongo prennent position sur des enjeux politiques sensibles, cela soulève des questions légitimes : Les actions de ces hommes d’Église menacent-elles la neutralité et l’unité de l’Église en RDC ? Ne sont-ils pas en train de diluer leur mission spirituelle en se mêlant de questions temporelles ?
Le Pape Benoît XVI, dans son ouvrage La Doctrine sociale de l’Église, rappelle que l’Église doit éviter de se mêler des affaires politiques et privilégier la réconciliation et l’unité. Il insiste sur le fait que les membres du clergé doivent incarner les valeurs universelles de justice et de paix sans se confondre avec les acteurs politiques. Cette ligne directrice est appuyée par le théologien Karl Rahner, qui souligne que l’Église doit rester à l’écart des affaires politiques pour préserver sa mission spirituelle. Le rôle des prélats, dans ce contexte, est avant tout celui de médiateurs et réconciliateurs, non de leaders politiques.
Les prises de position de ces hommes d’Église ne devraient-elles pas être fondées sur la réconciliation, l’unité et la guidance morale, plutôt que sur la polarisation politique ? L’Église, si elle veut rester fidèle à son message chrétien, doit éviter de devenir un instrument au service d’un camp ou d’un autre.
Un engagement risqué pour l’Église ?
L’engagement de ces figures de l’Église dans les débats politiques pose la question de leur responsabilité vis-à-vis de l’Église et de la société. L’Église catholique, selon ses principes fondamentaux, doit être un havre de paix, loin des querelles partisanes. Cependant, l’alignement public de certains membres du clergé sur des positions politiques bien précises alimente des tensions internes au sein même de l’Église.
Le Pape François, dans Evangelii Gaudium, rappelle que l’Église doit se garder de toute implication partisane. Loin de se laisser instrumentaliser à des fins politiques, l’Église doit “porter un témoignage évangélique” qui transcende les clivages politiques. En intervenant dans les débats politiques, ces prélats risquent non seulement d’affaiblir l’indépendance de l’Église, mais aussi de compromettre son rôle de bâtisseur de ponts entre les différentes factions de la société congolaise.
L’Évangile, dans Matthieu 5:13-16, appelle les chrétiens à être “sel de la terre” et “lumière du monde”, des principes souvent mis à l’épreuve lorsque des figures religieuses s’engagent dans des débats politiques. Leur mission est-elle encore de dénoncer les injustices sociales dans un esprit de réconciliation, ou bien ces prises de position alimentent-elles une division qui fragilise l’Église et la société ?
Une responsabilité collective : L’engagement spirituel avant tout
Les membres du clergé, en tant qu’autorités spirituelles, ont une responsabilité particulière envers la société. Ils sont appelés à être des instruments de paix, de justice et de réconciliation, mais non des leaders politiques. L’histoire de l’Église nous enseigne que les hommes de Dieu sont appelés à servir le bien commun, sans se laisser entraîner dans des luttes politiques qui risquent de déchirer le peuple de Dieu.
L’exemple de l’archevêque Oscar Romero, qui a constamment insisté sur l’importance d’un engagement chrétien non partisan, reste pertinent. Il a prôné la dignité humaine dans un esprit d’unité et de justice sociale, sans se laisser entraîner dans les luttes politiques. Cet engagement chrétien pour la justice sociale, dans un esprit de réconciliation, devrait être l’inspiration principale pour les membres du clergé en RDC.
De plus, l’Évangile dans 1 Pierre 2:13-14 exhorte les chrétiens à être “soumis à toute institution humaine pour l’amour du Seigneur”, soulignant que les leaders religieux devraient éviter de se politiser au point de perturber l’harmonie sociale. Les décisions prises par les hommes d’Église doivent favoriser la paix et l’unité, en encourageant un dialogue inclusif et en évitant de devenir des figures politiques.
Conclusion : Une question de responsabilité spirituelle et de discernement
L’engagement politique des hommes d’Église en République Démocratique du Congo soulève des dilemmes éthiques et spirituels importants. Leur rôle est-il toujours celui de guides spirituels, ou bien ont-ils franchi une ligne où leur influence devient trop partisane ? Les divisions qu’ils créent, tout en se présentant comme défenseurs des droits humains et de la démocratie, risquent-elles de saper les valeurs chrétiennes qu’ils sont censés incarner ?
L’Église doit se rappeler que son rôle est de servir de modèle de paix et d’unité pour le peuple congolais. Le Pape François appelle à une Église qui, tout en étant présente dans la société, ne se laisse pas emporter par les passions politiques. Il est temps pour les princes de l’Église de se souvenir que leur pouvoir spirituel doit être au service du bien-être de tous les Congolais, en préservant la paix et l’unité, au lieu de se perdre dans des luttes politiques qui risquent de diviser de manière irréparable.
La société congolaise, aujourd’hui plus que jamais, a besoin de réconciliation, non de partis pris.
Références
- Pape Benoît XVI, La Doctrine sociale de l’Église.
- Pape François, Evangelii Gaudium.
- Karl Rahner, théologien allemand, sur le rôle de l'Église dans la société.
- Oscar Romero, sur l’engagement social de l’Église sans partisanerie politique.