Journée internationale de l’accès à l’information, Constant Mutamba : ‘‘Moi, je consacre toujours minimum 40% de mon budget à la communication’’
Après la Journée internationale de la Radio, le 13 février, et celle de la liberté de la presse, le 3 mai, la célébration de la Journée internationale de l’accès universel à l’information intervient le 28 septembre de chaque année. A l’hôtel Sultani de Kinshasa, la crème intellectuelle a cogité autour du thème : « Impact du nouveau cadre légal sur la liberté de la presse et l’écosystème de l’information en RDC ». Faisant d’une pierre deux coups, Constant Mutamba, Ministre de la Justice et l’un des panélistes, a porté sur les fonts baptismaux l’ouvrage du journaliste Patient Ligodi.
Le baptême de ce livre intitulé «Cadre légal des médias en RDC : Acquis et défis en perspective », s’est fait sous le regard du représentant du Ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, du représentant personnel du Rapporteur de l’Assemblée nationale, le Professeur Jacques Djoli, du tout nouveau Président de l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC), Kamanda wa Kamanda, de la Directrice-pays adjointe d’Internews, Noémie Kilembe, du Secrétaire Général de l’Ong Journaliste en Danger (JED), Tshivis Tshivuadi, des Députés nationaux et autres personnalités.
Dans son allocution, le Ministre de la Justice a félicité son collègue Patrick Muyaya pour avoir initié ce nouveau cadre légal qu’est l’Ordonnance-loi du 13 mars 2023 sur la liberté de la presse. « Un Ministre qui entre au Gouvernement et n’apporte pas des réformes n’en ai pas un. C’est donc, à mon humble avis, un touriste qui a été nommé pour se balader aux fonctions d’Etat. Parce qu’il est anormal de gouverner sans reformer. », a lâché Constant Mutamba. Il a promis d’encourager le Ministre de la Communication et des Médias à parachever les initiatives des réformes qu’il a entamées, notamment sur la question de la dépénalisation des délits de presse.
Cet excellent orateur a dit ne pas supporter que les journalistes deviennent des « cobayes » des politiques, des magistrats et des avocats. Selon lui, les responsables politiques doivent faire en sorte que cette liberté de la presse soit réelle et non utopique. Il veille à ce qu’aucun journaliste ne soit arrêté de manière arbitraire. Pendant les 100 premiers jours du Gouvernement Suminwa, il s’est évertué à préserver le droit d’accès à l’information, la liberté de la presse.
En revanche, celui ou celle qui commet des abus doit répondre de ses actes, a-t-il martelé. Car la question de responsabilité pénale est individuelle. Comme exemple, Mutamba a fait allusion à l’arrestation de la journaliste Denise Dusauchoy pour des propos allant au-delà du journalisme. Mutamba en a appelé à la responsabilité des journalistes sur les actes qu’ils posent. « Autant le cadre légal consacre cette liberté de la presse, autant vous êtes astreints à un certain nombre de devoirs pour ne pas polluer l’environnement socio-politique, pour ne pas contribuer à l’émergence de l’immoralité dans notre société. Il a invité la corporation journalistique à extirper les moutons noirs, les brebis galeuses.
L’accompagnement des médias est déterminant pour un acteur politique ou responsable étatique. Le Ministre d’Etat a reconnu que la communication est la colonne vertébrale de l’action politique, le centre de gravité de la société et de tous les secteurs de la vie nationale. Il faudra donc investir dans le journaliste en cessant de le paupériser. « La presse c’est le quatrième pouvoir », a-t-il rappelé. « En tant que Ministre et même bien avant, moi je consacre toujours minimum 40% de mon budget à la communication ». C’est pourquoi l’on parle de Mutamba tout le temps. « Je sais l’importance de la communication. Pour moi, le journaliste est un roi. Vous ne pouvez pas transformer la société sans la communication. Tous les révolutionnaires du monde ont utilisé la communication comme outil pour véhiculer les idées révolutionnaires (Malcom X, Martin Luther King, Lumumba, Fidèle Castro) », a martelé ce membre du Gouvernement.
Auparavant, la Directrice-pays adjointe d’Internews avait plaidé pour le vote au Parlement de la proposition de loi d’accès à l’information publique. C’est depuis l’année 2021 que ce texte a été mis en veilleuse et fait ainsi partie des arriérés parlementaires. Elle espère que ladite proposition de loi sera inscrite à l’ordre du jour de la nouvelle législature. Noémie Kilembe a indiqué que celle-ci ne concerne pas seulement les journalistes mais l’ensemble de la population. Toute rétention de l’information d’intérêt public est un crime puni par la loi.
Quant au premier intervenant, le Secrétaire Général de JED, il a mis en exergue la précarité dans laquelle vivent les organes de presse en RD Congo. Ce qui les expose à la corruption, à la manipulation, et même, à la mendicité. Tshivis Tshivuadi a dénoncé le fait que, dans la pratique, le nouveau cadre légal n’est toujours pas appliqué concernant notamment les infractions de presse, l’octroi de l’aide publique aux médias, l’indépendance des médias publics ou le renforcement des mécanismes de régulation ou d’autorégulation.
« Au moment où nous célébrons pour la énième fois cette Journée internationale pour l’accès universel à l’information, cela fait 15 ans aussi que manifestement la RDC refuse de se doter de cette loi sur l’accès à l’information malgré les multiples plaidoyers menés à cet effet par les organisations des médias et la société civile. Plus de 15 ans aussi que le gouvernement continue de tergiverser sur cette question de la dépénalisation des délits de presse. Faut-il rappeler que la loi d’accès à l’information tout comme la dépénalisation des délits de presse sont cruciales pour promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre le fléau de la corruption qui gangrène tous les secteurs de la vie nationale. C’est la loi d’accès à l’information qui obligera les mandataires de l’Etat à rendre compte de leur gestion… », s’est indigné Tshivuadi.
Dans son speech, le représentant de JED a également demandé au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) dont l’une des missions essentielles consiste à protéger la liberté de la presse, de lever toutes les décisions prises ces derniers mois, notamment pour interdire aux médias de diffuser des informations en rapport avec la rébellion de l’Est de la RDC, pour ne plus diffuser des débats ou des émissions à téléphone ouvert et à propos des interventions militaires ou même d’interviewer ceux qu’ils appellent « Forces négatives », un terme vague et imprécis qui laisse la porte ouverte à des interdictions arbitraires.
Ce samedi 28 septembre 2024, Journée internationale de l’accès universel à l’information, a donc vécu. Les lampions se sont éteints à Sultani hôtel.
James Mpunga Yende