Dans le cadre de sa traditionnelle adresse de fin d’année, RDC : Martin Fayulu déplore l’absence totale de rigueur dans la gestion du trésor public
Ce lundi 30 décembre 2024, l’opposant Martin Fayulu a adressé au peuple congolais son message de vœux dans lequel il dresse un bilan en rapport avec la situation qui sévit sur l’ensemble du territoire national. Il note «L’absence totale de rigueur dans la gestion du trésor public qui accentue les problèmes auxquels la RDC fait face ». Il fustige en même temps la tentative de réforme constitutionnelle alors que selon lui, «Il n’y a ni nécessité ni opportunité pour un tel projet. Ce que le peuple congolais attend, ce ne sont pas des modifications constitutionnelles opportunistes et intempestives, mais des actions concrètes et courageuses qui empêchent le régime d’honorer toutes les promesses faites au peuple », et d’ajouter : « la Constitution ne donne pas non plus le droit de dilapider les deniers publics ».
Adresse de l’opposant congolais Martin Fayulu au peuple congolais !
Congolaises et Congolais, très chers compatriotes,
En cette fin d’année 2024, je rends grâce à l’Eternel, Dieu Tout-Puissant, qui nous a protégés et soutenus malgré les épreuves. Malheureusement, beaucoup de nos compatriotes nous ont quittés à cause de la maladie, des accidents, de la pauvreté ou encore des violences causées par les groupes armés, notamment les supplétifs de l’armée rwandaise appelés M23 et certaines milices exploitant nos richesses naturelles.
A ceux qui pleurent leurs proches, à ceux qui portent dans leur chair et leur esprit les stigmates de ces violences, et à tous ceux qui luttent pour survivre face à la mauvaise gouvernance et à la prédation de nos ressources, j’exprime ma profonde compassion. Que Dieu se souvienne de chacun d’eux et répande sa miséricorde sur tout notre peuple.
Je rends un hommage émouvant à mon Directeur de Cabinet, Jean-Claude Mwalimu Solo Sabiti, que Dieu a rappelé à Lui le 23 octobre dernier.
Mes chers compatriotes,
Notre pays traverse une période sombre, marquée par un désordre savamment orchestré depuis le hold-up électoral de 2018, suivi par le simulacre d’élections de 2023. Toutes les contrées du pays sont en proie à un recul social. La situation désastreuse du Grand Kasaï, courageusement décrite par le Gouverneur du Kasaï Central, L’Archevêque de Kananga et l’évêque de Mwene-Ditu, illustre la détresse de notre pays tout entier et une absence de vision qui conduit le pays lentement mais sûrement vers un suicide collectif. Le bilan est accablant. Ce n’est pas une opinion, c’est un constant qui s’impose.
- La corruption et le vol gangrènent nos institutions.
Les défis de la RDC sont multiples et requièrent une mobilisation méthodique des ressources de l’Etat. Hélas, des milliards de dollars sont détournés à travers des projets fictifs et des contrats léonins. Les ressources du peuple sont dilapidées et les frais de corruption sont tellement légion que beaucoup ne s’en émeuvent plus. Le banditisme d’Etat d’une minorité prédatrice et le train de vie surréaliste des institutions doivent interpeller chaque Congolais. Il s’agit là de votre argent, gagné à la sueur de votre front. Indignez-vous ! Aux voleurs en col blanc tapis dans les institutions, je vous renvoie à Dieu et aux images de fin de règne des régimes qui affament leur peuple et vivent dans l’excès aux frais du contribuable.
Cette absence totale de rigueur dans la gestion du trésor public accentue les problèmes auxquels nous faisons face :
- La sécurité est inexistante.
Le M23 contrôle plus de 130 localités au Nord-Kivu. Je répète, 130 ! Les ADF continuent leurs massacres à Béni, Butembo, Lubero, Irumu et Mambasa. Les armées rwandaises, ougandaises et burundaises opèrent dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Tout cela, sous le regard impuissant de ce qui reste de l’Etat. Les groupes armés de tout bord sévissent en Ituri. Les « Mobondo » dérangent la quiétude des citoyens dans le grand Bandundu, à l’Est de Kinshasa et dans une partie du Kongo Central. Le pays compte aujourd’hui plus 8 millions de déplacés internes. Une telle situation devrait mobiliser l’attention de n’importe quel Gouvernement avec un minimum de sérieux. Chez nous, le sujet est traité avec une légèreté déconcertante et le champagne coule à flot au sommet d’un Etat failli et faible.
- Notre armée est abandonnée.
Après six ans au pouvoir, le régime n’a pas réussi à doter le pays d’une force militaire capable de défendre notre souveraineté. Nos soldats, courageux mais sous-équipés, affrontent des forces ennemies bien armées. L’argent dilapidé à Kinshasa, à lui seul, pourrait changer le rapport de force sur le terrain.
- La diplomatie est défaillante.
Face aux manœuvres de Paul Kagame et à ses accusations mensongères contre notre pays, le gouvernement brille par son absence de stratégie et d’action de dissuasion concrète. Nous sommes réduits à des salves lyriques qui frisent la comédie et dénotent un manque de sérieux qui rassure l’ennemi sur les faibles capacités intellectuelles de son adversaire. Aujourd’hui, la faiblesse diplomatique de la RDC a réussi à ancrer dans l’opinion internationale l’idée selon laquelle les FDLR seraient une responsabilité congolaise. Pourquoi le gouvernement congolais ne demande-t-il pas à Monsieur Kagame de discuter avec les FDLR et de neutraliser les M23 ?
Là où ça blesse, c’est qu’en pareille circonstance, il paraît évident que tout leader censé chercherait un temps soit un peu à tisser le lien entre citoyens et favoriser la cohésion nationale. Mais non.
- Le tribalisme primaire du régime divise notre nation.
Nous observons un repli identitaire au sommet de l’Etat avec une opposition constante entre les frères dits « de sang » et les autres « compatriotes ». Une seule tribu bénéficie de nominations privilégiées dans les postes étatiques. On constate également des flux migratoires savamment orchestrés vers Kinshasa et Lubumbashi, dans le but de renforcer une influence tribale et de déstabiliser les manifestations de l’opposition et de la résistance. Nous refusons que nos frères et sœurs soient instrumentalisés à des fins machiavéliques et purement politiciennes.
En parallèle de tous ces maux :
- La pauvreté explose.
Plus de 80 millions de Congolais vivent dans une des pauvretés les plus abjectes de la planète. Depuis 2019, la dépréciation du franc Congolais a considérablement aggravé la situation, rendant la vie insoutenable pour les familles congolaises.
Au-delà des discours populistes, le constat est sévère :
- L’éducation et la santé s’effondrent.
Les grèves des fonctionnaires, des médecins et des enseignants se multiplient. La gratuité de l’enseignement demeure un mirage. Le chômage est à son comble. La jeunesse, abandonnée à elle-même, voit son avenir compromis.
Suite à ces défaillances éducatives et à l’éclatement du contrôle parental qui en découle :
- Le banditisme urbain prospère.
Les « Kulunas » et autres gangs terrorisent nos villes. Pire, ces jeunes sont souvent instrumentalisés par le pouvoir pour mater la résistance politique.
- Les Infrastructures sont en ruine.
Les routes de desserte agricole sont impraticables, ce qui accentue l’exode rural. L’exploitation illégale de nos ressources naturelles ne cesse d’empirer. A Kinshasa, capitale de 17 millions d’habitants, les embouteillages et les bouchons pourrissent la vie des citoyens, et la moto est devenue le principal moyen de transport. Les coûts en termes de perte de productivité se chiffrent par certaines de millions de dollars. Encore une fois, il ne s’agit pas là d’une opinion : chaque Congolais constate ces réalités dans sa vie quotidienne.
- Les droits humains sont piétinés.
Les opposants, activistes et journalistes sont enlevés, arrêtés et emprisonnés arbitrairement. Pour preuve, le 01 septembre dernier, Monsieur Gires Manzanza, membre de l’ECIDE, a été lâchement abattu par un policier devant le siège du parti et son corps est encore à la morgue. Aussi, trois membres du parti, Madame Aimée Tabala, Messieurs Océan Lusanga Mulopo et Pierre Ngadiadia ont été enlevés le dimanche 22 dernier pour une destination inconnue jusqu’à présent.
Face à ce bilan désastreux, l’honneur aurait depuis longtemps imposé la démission. Il n’y a aucune honte à regarder ses concitoyens en face et à admettre son incapacité face aux problèmes multidimensionnels auxquels fait face le pays.
Comble du drame, dans ce contexte désastreux, le régime choisit une fuite en avant en ouvrant, de manière inopportune, le front d’un éventuel changement ou d’une révision de la Constitution.
Cette initiative hasardeuse survint à un moment où le pays est en guerre et perd chaque jour des pans entiers de son territoire. Elle constitue une démonstration supplémentaire du suicide collectif dans lequel le régime veut entraîner le pays. Les mots ne peuvent pas décrire à quel point je suis révulsé de voir une telle absurdité encouragée par certaines élites, des flatteurs qui vivent aux dépens de l’Etat. Il s’agit là d’une énième distraction, et les Congolais le savent. Nos priorités sont ailleurs.
Chers compatriotes,
Nous ne laisserons pas cette tentative de manipulation aboutir. En ces temps de crise, il n’y a ni nécessité ni opportunité pour un tel projet. Ce que le peuple congolais attend, ce ne se sont pas des modifications constitutionnelles opportunistes et intempestives, mais des actions concrètes et courageuses pour relever les défis cruciaux auxquels notre pays est confronté. Ce n’est pas la Constitution qui empêche le régime d’honorer toutes les promesses fallacieuses qu’il a faites au peuple. La Constitution n’empêche pas de doter nos forces armées de moyens efficaces. La Constitution n’empêche personnes de libérer les 130 territoires. La Constitution ne donne pas non plus le droit de dilapider les deniers publics. Un régime incompétent peut changer la Constitution 100 fois, les mêmes maux produiront les mêmes effets. Il y a problème d’homme, pas de texte.
Nos efforts doivent être concentrés sur quatre priorités :
- Restaurer l’intégrité territoriale : Mettre un terme à la guerre menée par le M23 et les forces étrangères afin de libérer nos terres et de restaurer la souveraineté nationale.
- Mettre fin à la prédation des ressources publiques : Réduire le train de vie excessif des institutions et mobiliser les fonds nécessaires pour renforcer notre armée, financer des infrastructures essentielles et améliorer les conditions de vie des Congolais.
- Construire un véritable Etat de droit: Garantir le respect des droits humains, la justice et l’équité pour tous.
- Préparer des réformes institutionnelles ambitieuses: Réviser la loi électorale, restructurer la Commission électorale et la Cour constitutionnelle afin de créer les bases d’élections véritablement transparentes, crédibles et apaisées.
Voilà pourquoi je réitère mon appel à nos pères spirituels pour réunir, dans le cadre du processus de Kinshasa, toutes les parties prenantes autour du thème : Vérité-Réconciliation-Cohésion nationale afin d’œuvrer pour un Congo libre, fort, digne et prospère, et non pour satisfaire des ambitions personnelles ou partisanes.
Nous appelons la SADC, l’Union Africaine et les Nations Unies à soutenir le processus de Kinshasa pour faire avancer celui de Luanda.
J’exige la libération de Jean-Marc Kabund, Seth Kikuni, Mike Mukebayi, Jacky Ndala, du député provincial Alain Siwako, du député honoraire Jean-Paul Ngahangondi, des militants pro-démocrate Delgat Idengo, Mwamisyo Ndungo King, Fiston Isambiro, Djimy Nzialy, Zarco Sefu, de trois membres de l’ECIDé et de tous les autres prisonniers d’opinion. Le régime doit cesser les intimidations et arrestations arbitraires.
Peuple congolais, comme en janvier 2015, mobilisons-nous pour dire :
NON AU CHANGEMENT DE LA CONSTITUTION, A LA PRESIDENTIALITE A VIE EN RDC !
Je demande instamment à Monsieur Félix Tshisekedi de cesser les mensonges, la manipulation et la démagogie.
Congolaises et congolais, très chers compatriotes,
En ce 30 décembre 2024, je tiens à vous adresser mes vœux les plus sincères de paix, de bonheur et de prospérité pour l’année 2025. Que Dieu bénisse chacun de vous, qu’il illumine le Congo de Sa lumière pour que nous retrouvions enfin la paix, la sécurité et la dignité.
Soyons unis et déterminés pour relever notre pays.
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo et son vaillant peuple !
Je vous remercie.
Fait à Kinshasa, le 30 décembre 2024