Renforcer la sécurité dans les transports en RDC : l’instauration de bilans psychologiques d’aptitudes de sécurité devient une urgence.

Renforcer la sécurité dans les transports en RDC : l’instauration de bilans psychologiques d’aptitudes de sécurité devient une urgence.

La RDC fait face à un fléau majeur et persistant : l’insécurité dans le secteur des transports. Bien que l’accès à des données fiables soit quelque peu difficile, les statistiques existantes sur les accidents dans ce secteur (route, ferroviaire, fluvial, lacustre,..) révèlent une situation préoccupante, témoignant de l'urgence d'agir pour protéger la vie des Congolais. Le drame qui vient d’endeuiller, une fois de plus la république, avec le naufrage sur le fleuve Congo d’une embarcation rapide entre Brazzaville et Kinshasa le 22 avril dernier en est une fois de plus l’illustration. Le secteur des transports en RDC est de plus en plus le théâtre de milliers de blessées, des morts. Par conséquent, cela doit interpeler notre responsabilité collective. 

Face à cette situation tragique, la question de la sécurité dans les transports, ainsi que celle de la protection des personnes et des biens, devient essentielle. Il est crucial que nous prenions conscience de notre responsabilité. À qui la faute ? Elle revient à nous tous, en raison de notre négligence dans l'élaboration d’un cadre adapté au fonctionnement de ce secteur à risque. Plus précisément, la responsabilité incombe d’abord à ceux à qui la nation a confié la gestion des transports, l’entretien des infrastructures, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre de règles communes pour l’organisation de la circulation routière, ferroviaire, fluviale, lacustre et aérienne. Ensuite, elle revient à tous les citoyens, entreprises et propriétaires du matériel roulant, en raison du manque de maintenance et d’entretien suffisants, de l’état de vétusté de leur parc, ainsi que du fait de conduire sans permis, du non-respect du code de la route, de la vitesse excessive, de la conduite anarchique, voire sous l’emprise de psychotropes. Ces facteurs aggravent la situation et sont généralement cités comme causes des accidents.

Cependant collectivement, nous avons souvent l’habitude d’oublier que conduire un véhicule n’est pas une chose anodine. En réalité, c’est une activité complexe qui exige un état mental vif et la mobilisation des capacités perceptives, motrices et cognitives qui garantissent une conduite en toute sécurité. En effet, que vous soyez au volant d’un véhicule léger, d’un PL, d’un bus, d’un car, d’un camion, d’un engins TP, d’une locomotive, d’un bateau, le conducteur doit être capable d’analyser au mieux son environnement pour pouvoir agir et réagir en conséquence. Car l’erreur humaine reste une cause majeure d’accidents. 

Or en RDC, l’on constate que les processus neuropsychologiques impliqués dans la conduite du matériel roulant tels que l’attention soutenue, la vigilance, la concentration, la vitesse perceptive, le traitement de l’information, le temps de réaction, les capacités mnésiques, les capacités à gérer des situations complexes et le stress ne sont guère évalués systématiquement comme cela peut se faire dans certains pays africains et ailleurs.

A l’inverse, l’exercice du métier de la conduite de trains, en France par exemple, est soumis également à la vérification psychologique des aptitudes de sécurité, aussi bien lors du recrutement initial qu’en cours de carrière (renouvellement, reconversion et reclassement professionnel) conformément au décret du 29 juin 2010 et à l’arrêté du 06 août 2010. Il en est de même pour d’autres métiers ferroviaires comportant des tâches essentielles de sécurité ferroviaire. Pour la conduite routière lors de la suspension d’un permis de conduire, les obligations règlementaires pour sa reprise imposent, entre autres comme examens, la vérification psychologique des aptitudes de sécurité en lien avec la conduite.

La situation tragique d’accidentologie en RDC doit conduire les pouvoirs publics ainsi que les employeurs des secteurs de transport, minier et autres à systématiser les bilans psychologiques d'aptitudes de sécurité et à les concevoir comme une option intéressante dans la lutte contre ce fléau. Ces bilans ont pour objectif de vérifier si les personnes évaluées ne présentent pas de déficiences psychologiques, en particulier au niveau des aptitudes opérationnelles, et s’il existe des facteurs affectant leur personnalité, susceptibles de compromettre l’accomplissement des tâches de vigilance et de concentration en toute sécurité.

Bien que moins fréquents que les accidents routiers en RDC, les accidents ferroviaires restent néanmoins préoccupants, notamment en raison de la vétusté des réseaux ferrés (défaillances techniques, absence de signalisation ferroviaire adéquate, accès non sécurisé aux voies et aux emprises ferroviaires par les piétons). Ces incidents mettent en danger la vie des agents et des voyageurs. En introduisant des bilans psychologiques d’aptitude à la sécurité pour les conducteurs de train et le personnel ferroviaire chargé des tâches essentielles de sécurité, les entreprises ferroviaires pourraient s’assurer que seuls les candidats disposant des capacités psychologiques nécessaires pour gérer des situations critiques soient recrutés.

Le transport fluvial et lacustre constitue un élément vital du commerce et de la logistique dans certaines provinces en RDC. Les naufrages des embarcations et diverses baleinières demeurent fréquents. Ainsi, ils illustrent la nécessité d'une réglementation stricte et d'une formation adéquate pour les opérateurs de ce mode de transport. La généralisation des bilans psychologiques d'aptitudes de sécurité pourrait contribuer à ce processus en garantissant que les équipages soient non seulement techniquement compétents, mais aussi psychologiquement aptes à faire face aux situations complexes inhérentes à leur métier.

L’industrie minière se présente, elle également, comme un des secteurs à risque avec d’innombrables accidents dus à des conditions de travail difficiles et à une gestion des risques parfois insuffisante. Dans ce contexte, la sécurité des travailleurs doit être une priorité absolue.

De manière générale, en complément des efforts à fournir au niveau des infrastructures, de la maintenance et de la réglementation, la mise en place de bilans psychologiques d’aptitude à la sécurité pourrait avoir des effets positifs durables pour tous : usagers, travailleurs et employeurs (entreprises, etc.). En intégrant ces évaluations dans les processus de recrutement et de gestion des carrières, les entreprises peuvent, d’une part, s’assurer que leurs employés possèdent non seulement les compétences techniques nécessaires, mais aussi les caractéristiques psychologiques appropriées. D’autre part, cela pourrait contribuer à réduire les coûts liés aux accidents et à améliorer la productivité, grâce à une main-d’œuvre mieux adaptée aux exigences de sécurité.

Enfin, la systématisation de ces bilans offre une approche proactive pour renforcer la sécurité dans les secteurs à haut risque, tout en favorisant une culture de sensibilisation et de prévention.

Ces bilans sont réalisés par un psychologue du travail et portent sur l’évaluation des aptitudes cognitives, motrices et comportementales, grâce à des tests psychotechniques informatisés. À l’issue de cette démarche, une synthèse individuelle des aptitudes psychologiques à la sécurité est délivrée. La passation des tests et l’entretien avec le psychologue nécessitent une demi-journée.

Claude Mwangelu

C2M Consulting

Président-Associé,

Consultant RH, Psychologue du travail et des organisations

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