Fr Unikin : Hommages à Edouard Dominique Longandjo Okitakekumba
Un professeur Emérite nous quitte !
Né le 24 septembre 1950 à Wete-Nkoy dans la province de Sankuru, Edouard Dominique Longandjo Okitakekumba est décédé dans la nuit du 2 au 3 mars 2024 à Kinshasa.
Inscrit à l’Université Nationale du Zaïre, au Campus de Lubumbashi, il a obtenu deux diplômes de licence : en anthropologie et en sociologie. Retenu comme Assistant en 1975, et promu Chef de Travaux, il a défendu sa thèse de doctorat en sociologie en 1981. Le thème était : « La paysannerie zaïroise et la loi de développement inégal (contribution à la critique de la théorie de la dépendance). Il a poursuivi sa carrière académique à la Faculté des sciences sociales, politiques et administratives de l’Université de Lubumbashi. Après les étapes réglementaires de Professeur Associé, Professeur et Professeur Ordinaire, il a accédé au titre de Professeur Émérite à l’Université de Kinshasa après la Décision du Conseil d’Administration des Universités n°02/RB/CAU/2006.
Il a assuré aussi des enseignements à l’université de Bujumbura au Burundi en 1989. Le domaine de ses enseignements était étendu : Anthropologie générale, Anthropologie physique, Anthropologie politique, Sociologie générale et africaine, Sociologie rurale approfondie, Sociologie des organisations, Méthodes de recherche en Sciences sociales, Méthodes de développement communautaire, Sociométrie, Politique de développement rural, Histoire de la pensée économique, Mythologie, Évolution de l’espèce humaine, Population et Société en RDC.
En tant que chercheur, il a fait partie de plusieurs sociétés savantes en RDC, et à l’étranger. Il a été membre et animateur, au quotidien, d’une dizaine de Centres de recherche et de laboratoires. Signalons particulièrement le Laboratoire des Sciences Sociales Appliquées de Lubumbashi, en sigle Labossa, dont il est le fondateur.
Dans le cadre de Labossa, il a publié plusieurs ouvrages : Praxis et pouvoir du peuple. Un schéma pour scruter les illustrations démocratiques ; Levez-vous et marchons. Éléments de catéchisme politique ou le sens du combat ; Pour désoccidentaliser la sociologie. Confusion d’un apatride, K. Marx comme paradigme ; Lyanja ou l’éloge du régime atypique. La démocratie avancée. Textes choisis pour témoigner son historicité et son invisibilité ; De la révolution sociale copernicienne. Le néocolonialisme en mode de la démocratie. Six heures d’exercices pratiques de sociométrie pour repenser le politique ; Non à l’abjuration, une étude sociologique, un acte de libération ; De l’autorité de la Coutume. Structure sociale et épée de Damoclès, une page de critique de droit coutumier, en ce compris de droit économique ; Observer en sociologie. Synthèse d’Auguste Comte par rapport à ses inventions ; Auto réflexions critiques et violence. Le degré zéro de l’anthropologie praxéologie.
Enseignant, chercheur, il a été formateur des formateurs. Il a été promoteur de thèses de doctorat en Philosophie, en Relations internationales, et en Sociologie. Il a été membre de plusieurs jurys de thèses en Géographie, en Agronomie, en Psychologie et en Sciences de l’éducation.
Il a assumé des responsabilités académiques dans les établissements où il est passé. A Lubumbashi, il a été secrétaire du Département de Sociologie et Anthropologie, Vice-Doyen chargé de l’enseignement et de la recherche, Directeur du Centre Interdisciplinaire pour le Développement près le bureau du Recteur afin de servir d’interface université-société. A l’Université de Lodja, il a été Doyen de la Faculté des Sciences politiques et administratives. A l’Université Notre-Dame de Tshumbe, il a été Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences politiques et administratives.
Outre l’enseignement et la recherche, le professeur émérite Longandjo Okitakekumba a rendu des services importants à la société. En 1988, il a été consultant international de l’UNICEF et du PNUD pour étudier la situation de la femme, des mères et des enfants au Zaïre. Il a travaillé avec l’Eglise Catholique. Sous Mgr. Kabanga, Archevêque de Lubumbashi, il était consultant de la dynamique des commissions de l’archidiocèse. Sous la présidence du Cardinal Etsou, il était consultant au Secrétariat de la Commission Episcopale Justice et Paix. Il a été désigné Ambassadeur universel de la paix et de développement international.
Il a pris part à la Conférence Nationale Souveraine en 1991 en qualité d’invité dans la composante des personnalités marquantes, et il fut désigné 2ème Vice-président de la Commission des Assassinats et Violation des droits de l’homme. A l’issue de ces assises, il fut coopté Conseiller de la République, membre du Haut Conseil de la République, Parlement de Transition. En 1997, à l’arrivée de l’A.F.D.L, il s’engage. Laurent Désiré Kabila le désigne membre du Directoire national et 1er Secrétaire Général Adjoint des Comités du Pouvoir Populaire en charge de l’idéologie et de l’organisation politique.
Last but not least, en 2006, l’année où il accède à l’éméritat, le professeur Edouard Longandjo a été investi NKUMADONJO, chef coutumier de Wete-Nkoy. Il était descendant du lignage aîné de Wete-Ngoy. Sur le plan familial, il était grand-père et père de 10 enfants dont l’un est Ph.D. en Sciences physiques et enseignant chercheur à l’Université Cap Town en Afrique du Sud. Son grand-frère Rudolph Lokadi est aussi professeur émérite à l’Université de Kinshasa.
Je termine cette notice biographique par un échange que nous avons eu. Le professeur Longandjo était très fier de ses deux bibliothèques de plus de 740 documents écrits et publiés, installées à Kinshasa et à Wete-Nkoy. Il en parlait avec beaucoup de chaleur. Il y avait des ouvrages, des thèses de doctorat et des mémoires de licence et de D.E.A., des articles de revues scientifiques nationales et internationales, des textes des grandes conférences universitaires, des rapports de séminaires et ateliers, etc… Et nous nous demandions que deviennent les bibliothèques constituées avec passion par les professeurs durant leur vie lorsqu’ils meurent.
Adieu, cher compagnon ! Nous te disons merci pour les services rendus. Tu as donné le meilleur de toi-même. Ton travail ici s’achève. Tu as combattu le bon combat. Ta besogne est accomplie. Honneur à ton courage, à ta persévérance, à ta grande discipline. Paix à ton âme ! Dieu te fasse miséricorde ! Que la terre de nos ancêtres te soit douce et légère !
Jean-Marie Mutamba Makombo
Professeur émérite/Université de Kinshasa
