Mère Amazone : «Le Village Molokai appartient, désormais, à moi et mes six enfants»
Le Journaliste Jordache Diala et Mère Amazone, la veuve Papa Wemba
C’est par le surnom de «Mère Amazone» qu’elle a été vénérée, élevée et chantée pratiquement dans tous les albums de Papa Wemba. Mais, son vrai nom est Luzolo Marie-Rose. C’est avec cette femme que Jules Shungu Wembadio, alias Papa Wemba, a vécu et partagé sa vie conjugale de manière légitime jusqu’à ce que la mort les sépare. Mère Amazone avait souvent préféré d’appeler son défunt mari Papa. Rarement, elle l’appelait Jules ! Oui ! Ensemble, ils ont vécu pendant 46 ans et ont fait six enfants. Cette femme est aujourd’hui devenue veuve depuis que le Chef du Village Molokai est décédé en pleine scène, un 24 avril 2016 à Abidjan lors d’un spectacle dans le cadre du Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo (FEMUA). Que devient Mère Amazone, 7 ans après la disparition de Papa Wemba, le père de ses enfants et le patron -fondateur du groupe Viva-la-Musica ? Que retenir de l’héritage laissé par ce grand artiste de la rumba qui fait une carrière glorieuse de son vivant ? Ces questions ont trouvé des réponses exactes de la part de la veuve Wembadio au cours d’une interview exclusive qu’elle a accordée au quotidien Kinois «La Prospérité». Retrouvez la très célèbre « Mère Amazone à travers ce jeu des questions-réponses :
La Prospérité : Que devient mère Amazone Marie -Rose Luzolo, après la disparition brutale du père de ses enfants ?
Mère Amazone : Je suis la même ! Toujours avec mes enfants. Je me prépare comment stabiliser davantage les choses après la mort de Papa. N’eût été l’amour de Dieu envers moi, je ne sais pas ce que j’allais devenir. On peut raconter n’importe quoi sur moi mais j’attends les résultats. Je suis beaucoup concentrée dans la prière. Bientôt, vous allez voir les résultats de mon alliance avec Dieu. Quel que soit le combat, le Seigneur n’abandonnera jamais ! Je prie pour que ceux-là qui m’injuriaient, ne meurent pas pour voir comment Dieu va encore m’élever.
La Pros. : Qu’en est-il du dossier sur l’héritage laissé par Papa Wemba ?
Mère Amazone : Je profite de l’occasion pour remercier le chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi et son épouse, Denise Nyakeru, la Première Dame, ainsi que l’ensemble du gouvernement de la République, qui nous ont aidés dans ce dossier. Tout s’est bien passé. La Première Dame m’avait reçu et m’a beaucoup soutenu sur le plan administratif afin que le dossier puisse vite évoluer. Comme il a été décidé lors d’un Conseil des Ministres, le Président de la République avait instruit le gouvernement de voir la possibilité d’acheter la parcelle de Ma campagne. C’est le Ministère de la culture, qui s’est occupé de ce dossier. Le ministre de tutelle avait personnellement suivi de près toutes les démarches jusqu’à ce que la parcelle soit vendue. Il possédait tous les documents légaux (protocole d’accord de la famille et le jugement prononcé) vu les procédures juridiques en matière de succession dans notre pays. Aujourd’hui, il n’y a aucun problème entre la famille, les héritiers et moi. Je vous confirme que la résidence de Ma campagne a été achetée en bonne et due forme par l’Etat congolais avec tous les biens immobiliers qui s’y trouvaient à l’intérieur.
La Pros. : Ne pensez-vous pas qu’il allait être encore mieux si le gouvernement avait acheté le Village Molokai qui est considéré comme fief historique de Papa Wemba à Kinshasa ?
Mère Amazone : Concernant le Village Molokai, je voulais préciser que cette parcelle n’était pas un bien privé de Jules. Son père l’avait acquis auprès de l’ONEL en 1959. Molokai est juste un acronyme donné par l’artiste de son vivant. En réalité, Molokai était un bien commun. Donc, une parcelle familiale. Papa avait aussi ses frères et sœurs qui constituaient une grande famille de 16 enfants au total mais avec des mères différentes. Au mois de septembre 2021, tous se sont mis d’accord pour vendre cette parcelle appelée Village Molokai à Kinshasa. Ceux qui sont à l’extérieur du pays, ont envoyé les procurations à leurs avocats pour défendre leurs intérêts et récupérer leurs parts. Finalement, la parcelle a été vendue à une personne que je tais le nom. Alors après avoir vendu, j’ai fait une proposition à celui qui avait acheté Molokai de me la revendre. A la première tentative, le propriétaire avait refusé au début mais après plusieurs négociations, il a fini par céder. Imaginez à quelle dimension l’argent a parlé jusqu’à le convaincre ? Maintenant, le Village Molokai est devenu une propriété de Marie -Rose Luzolo. Désormais, la parcelle appartient à moi et mes six enfants. Avec mes avocats, nous avions terminé toutes les démarches, conformément à la loi du pays. Nous détenons tous les documents légaux (livret parcellaire, procès-verbal, avis favorable, acte de vente…). Le document de mutation entre le vendeur et l’acquéreur a été notarié à l’Hôtel de Ville de Kinshasa. Que l’opinion nationale retienne que je n’ai jamais acheté le Village Molokai auprès de la famille biologique de Papa.
La Pros. : Alors, que comptez-vous faire du Village Molokai dont vous êtes désormais propriétaire ?
Mère Amazone : Je vais faire quelque chose de merveilleux qui va marquer les fans de Jules. Je détiens déjà la maquette. Le décor est déjà planté. Nous avons plusieurs projets à réaliser avec mes enfants dans cette parcelle. Je vous signale que de son entrée au rez-de-chaussée, nous allons ériger une chapelle où sera placé un livre d’Or. Il sera décoré et embelli avec différentes photos de tous les musiciens qui sont passés dans Viva-la-Musica. Et aussi des personnalités qui ont côtoyé Papa Wemba. Car, cet endroit renferme son histoire, sa vie et sa carrière. Cette parcelle constitue notre histoire. Moi et mes enfants, nous faisons également partie de l’histoire de cette parcelle depuis 1970.
La Pros.: On vous accuse d’ignorer d’autres enfants de Papa Wemba qui sont nés hors mariage et aussi de s’accaparer de l’héritage. Comment réagissez-vous ?
Amazone : Je n’ai aucun pouvoir de refuser aux orphelins les biens laissés par leur père. Il revient à la loi de trancher en ce qui concerne l’héritage. Je ne suis pas l’Etat. La loi existe ! Aucun jour, je ne me suis présenté devant le juge pour s’opposer au dossier lié à la succession. Qui suis-je moi devant les lois de la République ? Je pense qu’il serait mieux de voir la famille biologique de Jules pour poser cette question que je trouve être déjà résolue. Il n’y a plus d’antécédent.
La Pros. : Lors d’oraison funèbre de Papa Wemba à la paroisse Notre Dame à Kinshasa, les autorités congolaises ont promis de construire un mausolée pour votre défunt mari à Matonge. Où en sommes-nous avec la promesse ?
Mère Amazone : Oui ! l’Etat congolais a fait cette promesse au vu du monde entier. La famille n’avait rien demandé. D’ailleurs, la presse en avait fait un large écho, à l’époque. Je continue à garder même quelques coupures des journaux publiés lors des obsèques au cours desquelles il y a les discours du Président de la République et le Gouverneur de la Ville qui ont fait cette déclaration. Dans le certificat d’inhumation de l’Hôtel de Ville, il est bien mentionné « Inhumation provisoire ». Les démarches se poursuivent parce que nous sommes dans la continuité de l’Etat. Que les gens arrêtent de dire que la tombe de Papa Wemba est abandonnée à la Nécropole. Qu’est-ce qui manquerait de lancer un appel de fonds pour construire ce mausolée ? Rien que ses frères et sœurs Tetela qui sont partout au monde, peuvent bien le soutenir mais on attend que les autorités honorent leur engagement. Je sais qu’il y a eu un changement de régime au sommet de l’Etat mais le dossier demeure. Je crois que la promesse s’accomplira et le mausolée sera érigé à Matonge.
La Pros.: Après la mort de Papa Wemba, Vous avez soutenu la réalisation du nouvel album de Viva-la-Musica. Pourquoi avez-vous pris aujourd’hui une distance dans la gestion de l’orchestre fondé et laissé par votre défunt mari ?
Mère Amazone : Cet album est un cadeau que j’ai offert aux jeunes musiciens qui sont restés encore fidèles à Viva-la-Musica après la mort de Papa. J’avais demandé à chacun d’amener sa chanson afin que je le produise ensemble dans un album collectif du groupe. 95% des frais ont été à ma charge pour la réalisation de cette œuvre. Lorsque Jules était encore vivant, les gens venaient nombreux au studio pour seulement assister à l’enregistrement mais surtout pour se faire et chercher les dédicaces. Ce qu’on appelle communément « libanga » dans le jargon musical en RDC. Malgré certains sont allés diaboliser mon nom pour des raisons que j’ignore jusqu’à présent, il faut retenir que j’ai réussi à produire ces jeunes musiciens de Viva. Je fais tout moi-même. De la répétition en passant par les séances d’enregistrement au studio jusqu’aux travaux de mixage et mastering. Que personne ne vienne vous mentir à ce sujet. Pour moi, l’idéal est de pérenniser le nom de mon mari.
La Pros. : Comment expliquez-vous alors que le dernier album souffre du manque de la promotion ?
Mère Amazone : J’avais demandé aux musiciens de s’occuper eux-mêmes de cette étape de la promotion. J’ai déjà fait ma part. Personnellement, je ne me suis pas vraiment rétablie complètement depuis le deuil. Mes enfants également ! Il revient maintenant aux personnes de bonne volonté de les aider pour la suite. Je remercie particulièrement Cornelly Malongi, qui s’est divisé en mille morceaux pour la réussite de ce projet. Sans oublier Didier Bokelo. J’ai vécu pendant 46 ans de vie conjugale avec Papa, mais on ne parlait pas de la musique. J’étais à la création de Viva-la-Musica. Raison pour laquelle je continue à le défendre mais concernant la musique, il faut toujours en parler avec Cornelly…
Propos recueillis par Jordache Diala