Déclaration du Dr. Mukwege à l’issue du processus électoral chaotique en RDC
Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) traverse une crise multiforme qui met en péril son existence même, l’approche des élections générales du 20 décembre 2023 avait suscité auprès de nombreux compatriotes l’espoir de vivre pour la première fois une alternance réellement démocratique afin de mettre un terme aux crises récurrentes de légitimité des animateurs des institutions de la République et de refonder le contrat social sur des bases saines. C’est dans ce contexte que j’avais pris la décision de présenter ma candidature à la magistrature suprême pour répondre à l’appel des intellectuels, des organisations de la société civile et à la mobilisation des femmes qui ont cotisé pour couvrir les frais de la caution requise par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) pour tout dépôt de candidature à la présidentielle en RDC. Cette candidature était pour moi un acte de responsabilité. Répondant à l’appel de la base, j’ai travaillé à un projet de société et un programme pour « réparer et soigner le Congo de fond en comble » grâce à 12 sécurités-clés, avec comme objectifs stratégiques de restaurer la dignité de la Nation congolaise en mettant fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices qui gangrènent nos institutions. Malgré de nombreux obstacles, en allant à la rencontre de notre population lors de mes déplacements à travers le pays, j’ai pu réaliser à quel point ce projet de société répond aux aspirations de millions des compatriotes qui ont soif de mettre en œuvre le changement tant attendu pour redresser notre pays et le sortir de la violence et de la pauvreté. Malheureusement, force est de constater que ce quatrième cycle électoral n’a pas été organisé pour permettre aux citoyens de choisir librement et démocratiquement ses représentants mais plutôt pour préparer une nouvelle fraude électorale au bénéfice du régime en place, dans un climat de corruption généralisée. En amont des élections, avec certains autres candidats à la présidence, nous avions même introduit, en vain, une requête à la Cour constitutionnelle pour examiner la régularité du processus électoral en cours, arguant de multiples irrégularités, afin qu’elle ordonne à la CENI de les rectifier pour ne pas entacher la crédibilité et la transparence des élections à venir. Dans la foulée des élections générales, plusieurs rapports des missions d’observation électorale ont documenté de nombreux cas d’irrégularités, mettant à mal l’intégrité des résultats de différents scrutins et, en plus, la Commission d’enquête mise en place par la CENI elle-même a dévoilé des preuves tangibles d’actes frauduleux commis par certains candidats pendant le déroulement des élections. Dans une démocratie digne de ce nom, ces preuves auraient dû conduire à l’annulation pure et simple de tous les scrutins : présidentiel, législatif et municipal. Tel n’est pas le cas en République Démocratique du Congo. Denis Mukwege Prix Nobel de la Paix Email :