Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, Paris : Sama Lukonde plaide l’octroi du crédit carbone au bénéfice des populations congolaises
Le Premier Ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, s'est confié à la presse à l'issue du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, tenu les 22 et 23 juin à Paris, Capitale de la République française. Le Chef du Gouvernement s'est montré satisfait d'avoir porté haut la voix de la République démocratique du Congo à ces assises de grande portée économique et financière pour les différents pays du monde, le continent africain en particulier y compris la RDC. Le premier des warriors a donc représenté valablement le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, à ce grand rendez-vous des Chefs d'Etat et des Gouvernements du monde.
Contexte du sommet mondial
Face à la presse, le Premier Ministre Sama Lukonde a tout d'abord vanté la position de pays solution qu'occupe la RDC en ce qui concerne les questions liées à la lutte contre le changement climatique. «Je suis venu ici en représentation de Son Excellence Monsieur le Président de la République qui, lui, était invité à ce grand rendez-vous mondial pour une réflexion sur le nouveau pacte financier. Ces questions financières se retrouvent directement liées aux questions de climat et de développement du pays. Et partout où on parle climat, vous le savez, la RDC, c'est 60% du bassin du Congo en termes des forêts. C'est 10 % d'eaux douces mondiales, 52 % d'eaux douces au niveau africain. C'est ce que nous représentons, sans compter nos tourbières, sans compter nos forêts de Miombo que nous partageons au niveau de la SADC et que toutes entrent dans le système de lutte contre le réchauffement climatique, avec l'absorption du gaz carbonique. Et donc, partout où on parle des questions de climat, le Congo, pays solution de par son apport forestier, mais aussi de par son apport du point de vue des énergies nouvelles et des métaux de transition énergétique, doit toujours être présent. C'est une option que nous avons levée. Et donc, nous sommes venus pour cela», a dit, d'entrée de jeu, le Chef du Gouvernement.
Crédit carbone
Le Chef du Gouvernement a passé aussi en revue les questions du crédit carbone. «Là, c'est la question du crédit carbone qui vient sur la table. Nous disons que nous sommes pays solution, à trois titres. Le premier, c'est d'abord de dire nous avons 62% des forêts du bassin du Congo, que nous partageons avec 16 autres pays, mais à l'intérieur de la seule RDC, nous avons 62%. A côté de cela, nous avons des tourbières, des mangroves, qui permettent aussi de capter les gaz à effet de serre. Aujourd'hui, nous parlons de près de 3% des gaz à effet de serre qui sont émis, que nous pouvons, nous, capter », a relevé Sama Lukonde.
Réforme des institutions financières
En effet, dans son intervention, Sama Lukonde est revenu sur les discussions au centre du débat notamment, d'importantes réformes proposées pour assouplir et rendre efficace le système financier mondial, à travers les deux principales institutions financières internationales, en l'occurrence la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international.
A l'en croire, tous les participants sont tombés d'accord sur la nécessité de réformer ces deux institutions financières, mises sur pied, il y a 80 ans, à Breton Woods sans les pays africains, mais aussi sur la nécessité de prendre en compte la souveraineté de ces derniers (les pays africains), dans le choix des projets et des secteurs auxquels il faut orienter les financements.
« Mais au-delà de ça, parler des objectifs, qui avaient été fixés du point de vue du financement mondial. Parce qu'il fallait finalement qu'on se pose la question, pourquoi on s'est retrouvé là et quelle orientation, nous, on devrait donner. Et bien sûr, nous avions des propositions à faire. A Paris, le Congo était là pour faire entendre sa voix. On est revenu sur l'analyse du système financier, qui passe par deux grandes structures : le Fonds monétaire international et la Banque Mondiale, à côtes desquelles, on trouve un système des banques de développement au niveau de différents continents », s’est-il exprimé.
Et de poursuivre en ces termes : « Nous sommes revenus sur les objectifs qui avaient été assignés à ces deux grandes structures. Il y a quatre-vingts ans, à Breton Woods. Toutes les nations de cette époque-là s'étaient réunies pour dire qu'il faut faire une lutte contre la pauvreté post guerre mondiale. Il fallait répondre à la question sociale et de développement des pays. Et donc aujourd'hui, c'est un constat à faire. Et on se rend compte à cause de derniers faits récents, notamment la pandémie de Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne que face à tout cela, nous avons des pays qui sont toujours pauvres. Nous avons des pays encore beaucoup plus endettés qu'ils ne l'étaient avant. Et finalement les objectifs de permettre aux différentes couches sociales, aux différentes populations d'avoir accès aux systèmes de base, c'est-à-dire l'éducation, l'eau, l'électricité, n'a pas beaucoup avancé, surtout en l'Afrique. Et donc l'Afrique dit, au moment où ces discussions se sont faites, nous n'étions pas là. La RDC y compris. Et donc aujourd'hui, on doit regarder de notre point de vue, l'accès à l'eau, à l'électricité, différents projets avec ces structures-là (FMI, BM), qu'est-ce que cela a donné ».
Pour clôturer ce chapitre de son récit, le Premier Ministre a affirmé ce qui suit : «On se rend compte à partir de ce moment-là que le système a été trop lourd. Beaucoup de procédures et des notations qui doivent toujours s'en suivre sur chaque projet et qui finalement ont rendu le système inefficace. Cela n'a pas permis d'atteindre la cible. Tout ce qui était visé, c'était un impact au niveau social. Ce qui n'a pas été atteint. Le Congolais lambda ne s'est pas retrouvé. Deux choses ont été mises en exergue ici. D'abord, revoir le système. Nous avons obtenu qu'il faut une réflexion qui doit être menée par tout le monde pour restructurer ces deux institutions, le FMI et la BM, revoir leur efficacité et les adapter à notre système actuel avec tout ce à quoi nous faisons face. C'est clair. Tout le monde (que ce soit les pays du nord comme les pays d'Afrique et de l'Asie), est d'accord que ça n'a pas fonctionné et nous devons restructurer, revoir absolument le système de fonctionnement. Mais surtout assouplir les procédures ».
Partenariats équilibrés
Par ailleurs, il a souligné le fait qu'il faut, dans le nouveau système préconisé, privilégier les partenariats, avec des investissements privés. «Nous, on aimerait orienter les financements vers les partenariats, parce que l'endettement, on est revenu sur le taux, sur lequel, nous nous endettons, nous pays africains, la RDC y compris, ça n'a rien à voir avec ce qui se fait avec les pays du nord. C'est deux poids, deux mesures. Nous, ça ne nous agrée plus. Aujourd'hui, vaut mieux aller vers les projets de partenariat. D'où aussi le besoin d'avoir des investissements privés. Et donc ouvrir cette porte à avoir cette tripartite où les Etats doivent rester souverains sur le choix de leurs projets. Parce que ça aussi, c'était un problème. On vient avec un accompagnement financier important, on vous impose de notations difficiles à atteindre. Cela fait trainer les projets. On vous impose des agences qui sont supposées vous suivre dans la mise en œuvre des projets, avec des lourdeurs qui s'en suivent. Puis finalement, on vous impose aussi quelques fois, pas de manière orientée, mais obligeante, les secteurs dans lesquels vous devez investir, même si on s'était mis d'accord au départ même des projets », a-t-il décrié.
Et de souligner : « Les pays se disent aujourd'hui, maintenant nous sommes conscients de nos problèmes. Il faudrait que nous puissions revenir dans notre souveraineté en termes de choix des projets. Là où on se rend compte qu'il y a un besoin important, l'État peut donner sa part, nous pouvons avoir ce financement qui peut venir de l'extérieur, nous pouvons laisser une ouverture pour les privés qui viendraient à ce moment-là à des conditions avantageuses, pour pouvoir permettre aux projets de démarrer et avoir plus d'investissements qui pourraient venir du secteur privé... Donc, l'idée, c'était de dire que chaque fois qu'on va investir un dollar du point de vue institutionnel, on devrait avoir un dollar aussi qui viendrait du privé. C'est l'idée qui a été donnée. On va se mettre là-dessus pour travailler et voir comment est-ce que cela peut se matérialiser, surtout en mettant un cadre fiscal qui va permettre cela ».
La Pros.