S'étant finalement révélé positif, le contrat sino-congolais peut aussi être dupliqué dans d'autres provinces sur base de leurs ressources naturelles...
(Par Omer Nsongo die Lema)
C'est tout de même incroyable que tout le poids de la reconstruction nationale repose essentiellement sur l'exploitation minière au Katanga alors que chacune des 26 provinces du pays a des ressources pouvant profiter aussi à l'ensemble du pays ! Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, Joseph Kabila aura réussi à faire bouger les lignes en donnant son OK à une pratique que les Occidentaux détestent en affaires : le TROC. Ainsi en est-il du contrat sino-congolais basé sur l'exploitation minière en contrepartie des infrastructures de base.
Au-delà de tout ce qui s'est dit et continue de se dire autour de ce contrat, l'évidence est que le régime Tshisekedi n'a pas remis en cause le principe du troc. L'Avenant n°5 signé le 14 avril 2024 entre, d'une part, le Gouvernement congolais et, d'une part, le GEC (Groupement des Entreprises Chinoises), le renforce plutôt parce qu'il permet de financer la construction de plus ou moins 5.000 kms des RN (Routes Nationales) en vue de relever le défi de l'interconnexion. Preuve qu'il y a possibilité de faire mieux.
« …Nous sommes prêts à conclure des accords similaires avec d'autres partenaires »
En effet, dans son discours sur l'état de la Nation du 6 décembre 2007, Joseph Kabila avait expliqué en cinq points les raisons pour lesquelles la RDC s'était tournée vers la Chine après le refus poli des Occidentaux de financer la reconstruction nationale, pourtant promesse faite aux Congolais par l'Union européenne pour les encourager à participer massivement au référendum constitutionnel de décembre 2005.
Considérant que « Pour la première fois dans notre histoire, le peuple congolais pourra enfin voir à quoi aura servi son cobalt, nickel ou cuivre », Joseph Kabila avait fait cette annonce décisive : "...nous sommes prêts à conclure des accords similaires avec d'autres partenaires". Entendez, voir par exemple les entreprises américaines opérer dans l'exploitation pétrolière en contrepartie des infrastructures de production d'eau ou d'électricité, les entreprises françaises opérer dans l'exploitation forestière en contrepartie des infrastructures scolaires, les entreprises allemandes opérer dans l'exploitation des ressources touristiques en contrepartie des infrastructures immobilières (cités résidentielles), etc. La suite est connue : il n'y a pas eu un autre contrat de troc, les puissances économiques occidentales n'ayant pas apprécié la formule.
Pourtant, si le contrat sino-congolais n'avait pas été combattu entre autres par l'Opposition (aujourd'hui rattrapée), peut-être que les ressources de l'ex-Orientale (dont l'Ituri), de l'ex-Kivu (Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema) seraient exploitées différemment. Probablement que le Rwanda ou l'Ouganda ne s'y seraient pas aventurés face aux majors occidentaux qui n'auraient pas toléré des groupes armés et des armées de l'étranger entretenir l'insécurité dans leurs installations ! Peut-être que les ressources de l'ex-Equateur, de l'ex-Léopoldville (Kinshasa, Bandundu et Kongo Central) ou de l'ex-Kasaï ne seraient pas en train de mourir de vieillesse, pour paraphraser un participant à la CNS parlant du poisson du lac Tanganyika.
On ne peut pas trouver que du mal dans le troc
Avouons-le : c'est tout de même aberrant qu'une bonne partie du poids de la reconstruction nationale revienne au Katanga seul pendant que le pétrole de Muanda peut aussi servir à aménager une route à Lisala, le bois de La Tshuapa une école à Lubao, les huiles de Kenge un centre médical à Kiwanja, comme le chantait si bien Joseph Kabasele dans l'une de ses chansons consacrées à l'indépendance en 1960.
Certes, selon les principes macro-économiques établis et auxquels des pays comme la RDC sont astreints, le Gouvernement n'a financer le développement national en gérant bien les recettes budgétaires constituées des recettes fiscales, douanières et domaniales générées particulièrement par les industries extractives.
L'expérience des industries installées justement au Katanga est édifiante. Si, par exemple, la Sicomines n'avait pas profité du contrat sino-congolais pour financer la construction du barrage hydroélectrique de Busanga, c'est-à-dire si la Sicomines avait versé au Gouvernement les dividendes et les taxes au titre des recettes budgétaires, assurément ce barrage n'aurait pas été aménagé à temps et la crise énergétique au Lualaba se serait accentuée. Car le Gouvernement se serait retrouvé avec d'autres urgences, et Busanga aurait attendu les jours « meilleurs ».
De même que si la Sicomines n'avait pas financé, dans le cadre du même contrat sino-congolais, la voirie urbaine de Kinshasa en prévision du Cinquantenaire de l'Indépendance en 2010, on ne sait pas ce qui serait advenu de Kinshasa quinze ans après !
Au regard de ce qui précède, on ne peut pas trouver que du mal dans le troc.
Au final, l'Etat ne perd rien du troc
L'Anapi (Agence nationale pour la promotion des investissements) ne dira pas le contraire : chacune des 26 provinces de la RDC est dotée de ressources naturelles "vendables" sur le marché international. En d'autres mots, toutes les 26 provinces ont des ressources à même de favoriser leur développement.
Du reste, dans sa banque de données "sur les potentialités et les opportunités d'investissements existant dans les différents secteurs d'activités et dans les différentes provinces du pays", elle a une cartographie fiable et viable.
Quand, cependant, il se constate qu'en cinq ans, on a certes obtenu des offres d'investissements restées malheureusement sans suite, c'est que quelque chose cloche quelque part.
L'exemple le plus éloquent est celui des Zones Économiques Spéciales. Elles ne sont performantes que dans les reportages des cellules de communication. Sur le terrain, par contre, il n'y a pas grand-chose.
A partir de cet instant, on doit changer de narratif, de paradigme, d'approche.
Dès lors que la Constitution reconnaît à la République Démocratique du Congo la propriété exclusive des ressources du sol et du sous-sol, c'est au Gouvernement congolais que revient la responsabilité de définir la politique nationale d'investissements. C'est en fonction de cette responsabilité que le régime Kabila avait permis en 2008 la signature du contrat sino-congolais et le régime Tshisekedi l'a amendé au travers de l'Avenant n°5.
Preuve, si besoin est, de la capacité du Gouvernement d'ouvrir toutes les ressources naturelles congolaises à des partenariats similaires.
Au final, l'Etat ne perd rien du troc.
Il se constate d'ailleurs que le regard soupçonneux qu'on avait là jusque-hier sur Sicomines devient de plus en plus positif à la lumière des travaux qui se font à Kinshasa avec les Rocades et dans l'Axe Katanga-Kasaï les Routes Nationales Nguba-Mbuji-Mayi et Kananga-Kalamba Mbuji.
C'est sûr que sans le contrat sino-congolais, le Gouvernement, malgré toute sa bonne volonté et toute sa capacité, se serait retrouvé en difficulté de les faire avancer.
Avec le troc, il est en train d'en relever le pari.