Minerais critiques : le Kasaï central ne peut rester à l’écart du nouveau partenariat RDC–Etats-Unis
(Par Belhar Mbuyi, Directeur Général de Bena-Luluabourg.org)
La signature récente de l’Accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda a ouvert une nouvelle séquence diplomatique et stratégique pour la région des Grands Lacs. Mais au-delà de cet acte politique majeur, un tournant tout aussi décisif s’est joué en marge de cet événement : le renforcement inédit du partenariat entre la RDC et les Etats-Unis d’Amérique. Sous la conduite du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, la RDC a conclu avec Washington un Accord économique stratégique et un Mémorandum d’entente sécuritaire, consacrant une relation désormais fondée sur la durée, la confiance et des intérêts mutuellement structurants. La Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a d’ailleurs qualifié cette journée d’« historico-stratégique » pour l’avenir économique du Congo.
Retrouver sa place dans les chaînes de valeur mondiales
Dans un contexte mondial marqué par la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques, l’Accord économique RDC–USA constitue une opportunité historique. Il repose sur trois piliers majeurs : la sécurité des minerais stratégiques, la création d’une Strategic Asset Reserve (SAR) et la mise en place d’un Strategic Minerals Reserve (SMR).
Ce cadre vise à garantir une gestion transparente des ressources minières congolaises, tout en offrant aux investisseurs américains un droit de premier regard sur certains projets stratégiques, notamment autour du cobalt, du cuivre et du germanium.
Les engagements américains portent également sur la modernisation du corridor Sakania–Lobito, le développement du Grand Inga, l’industrialisation des zones minières, la lutte contre l’exploitation illicite des minerais et la formalisation du secteur artisanal. Pour la première fois de son histoire, la RDC est officiellement reconnue comme Partenaire stratégique des États-Unis d’Amérique.
Le Kasaï central : un angle mort à corriger
Dans ce contexte porteur, il est impératif que toutes les provinces à fort potentiel stratégique soient intégrées à cette dynamique, au premier rang desquelles le Kasaï central. Cette province, longtemps oubliée, recèle en effet deux minerais classés critiques à l’échelle mondiale : le nickel et le chrome.
Le nickel est aujourd’hui un minerai clé de la transition énergétique. Il est indispensable à la fabrication des batteries lithium-ion destinées aux véhicules électriques et au stockage d’énergie, ainsi qu’aux alliages de haute performance. Sa production mondiale étant fortement concentrée dans quelques pays, la demande croissante liée à la décarbonation en fait un métal stratégique à substituabilité limitée.
Le chrome, extrait principalement de la chromite, est tout aussi critique. Il est irremplaçable dans la fabrication de l’acier inoxydable, des alliages spéciaux utilisés dans l’aéronautique, la défense et certaines technologies énergétiques. Là encore, la forte dépendance mondiale à quelques pays producteurs renforce son caractère stratégique.
Un potentiel connu… mais resté inexploité
Ce potentiel du Kasaï central n’est pas nouveau. Déjà en 2007, lors des négociations des contrats sino-congolais, la Chine avait manifesté un intérêt marqué pour le nickel et le chrome de cette province. Des études avaient confirmé la qualité des gisements. Mais faute d’électricité et d’infrastructures, le projet n’avait pu aboutir, poussant les partenaires à se rabattre sur le cuivre et le cobalt.
Aujourd’hui, les conditions peuvent et doivent changer.
L’électricité et les infrastructures : les clés du décollage
Si le Président de la République ambitionne, à juste titre, de faire de la RDC une plaque tournante mondiale de la production des batteries électriques, la question énergétique est centrale. Les partenaires américains pourraient jouer un rôle déterminant dans la construction de la centrale hydroélectrique de Katende et dans le financement du soutirage du courant d’Inga II vers Tshimbulu, afin d’alimenter l’industrialisation du Kasaï central.
Parallèlement, le désenclavement de la province est indispensable. Le raccordement au corridor de Lobito, via la route Kananga–Kalamba-Mbuji à la frontière angolaise, permettrait d’évacuer efficacement la production vers les marchés internationaux.
Une opportunité stratégique pour la RDC
La RDC dispose désormais de tous les éléments nécessaires à la fabrication des batteries électriques :
– le cobalt, dont elle est le premier producteur mondial ;
– le lithium du Tanganyika et du Haut-Lomami, avec les plus grandes réserves mondiales connues ;
– et le nickel du Kasaï central, de très bonne teneur (3,8 %), avec des réserves estimées à près de 16 milliards de dollars.
Un appel au Chef de l’Etat
Je lance donc un appel respectueux à Son Excellence Monsieur le Président de la République, afin que l’exploitation du nickel et du chrome du Kasaï central soit intégrée parmi les minerais critiques proposés aux partenaires américains.
Cet appel s’inscrit pleinement dans la vision exprimée par le Chef de l’État lui-même lors de la conférence Investing in African Mining Indaba à Cape Town, en février 2023, où il s’était engagé à lancer de nouvelles explorations de nickel dans le Kasaï central, avec pour objectif une exploitation rapide au service de la transition énergétique mondiale.
Le Kasaï central ne demande pas des faveurs. Il réclame avec espoir simplement sa juste place dans la nouvelle architecture économique et stratégique du Congo.



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