Affaire Bukanga-Lonzo : Kamuleta va-t-il s’opposer à Kamerhe ?

Affaire Bukanga-Lonzo : Kamuleta va-t-il s’opposer à Kamerhe ?

L’affaire Bukanga-Lonzo, qui remonte à près d’une décennie, a récemment refait surface dans l’actualité congolaise, par les tensions institutionnelles qu’elle ravive au plus haut niveau de l’Etat en pleine période de guerre que traverse la RDC. L’ancien Premier Ministre Matata Ponyo, aujourd’hui Député National, est poursuivi devant la Cour Constitutionnelle pour un présumé détournement. Le procès, dont la prochaine audience est fixée à ce mercredi 23 avril 2025, divise profondément l’opinion et les institutions.

Une procédure entachée de biais ?

La principale pierre d’achoppement : Matata Ponyo bénéficie d’une immunité parlementaire. En vertu de la Constitution congolaise, aucun député ne peut être poursuivi sans l’autorisation préalable de l’Assemblée Nationale.

Or, dans ce cas précis, aucune levée d’immunité n’a été constatée. Le Président de l’Assemblée Nationale, Vital Kamerhe, l’a fermement rappelé au parlement, appelant la Cour constitutionnelle à respecter la hiérarchie des normes et les droits fondamentaux des élus.

Dieudonné Kamuleta sous pression ?

Face à cette interpellation institutionnelle, Dieudonné Kamuleta Badibanga, Président de la Cour constitutionnelle, se retrouve à la croisée des chemins : s’opposer frontalement au président de l’Assemblée nationale ou suspendre la procédure dans le respect de la Constitution. L’attitude de la Cour à maintenir les audiences, en dépit de ce vide juridique, alimente les soupçons de partialité et de manipulation politique.

Un procès hautement politique ?

En toile de fond, le climat est électrique. Moïse Katumbi, leader de l’opposition, ainsi que son proche collaborateur, le Sénateur Salomon Idi Kalonda, dénoncent un « procès politique ». Cette interprétation trouve un écho dans une frange de l’opinion qui estime que la justice congolaise peine encore à prouver son indépendance.

La justice doit faire plus que juger

Dans un pays où les institutions souffrent d’un déficit chronique de confiance, la justice est appelée à jouer un rôle de réconciliation et de crédibilité, non de règlement de comptes. Elle doit faire plus que juger : elle doit convaincre — dans la forme comme dans le fond. Et cela commence par le respect strict des procédures, surtout lorsqu’il s’agit de personnalités revêtues de mandats électifs.

La question n’est plus uniquement juridique, elle est aussi politique, parce qu’elle touche à l’équilibre des pouvoirs dans un contexte où l’opinion publique reste marquée par la méfiance envers les institutions ; morale, parce qu’elle soulève l’exigence d’impartialité et d’exemplarité dans un État qui se veut démocratique ; et institutionnelle, parce qu’elle engage la crédibilité de la Cour constitutionnelle elle-même, gardienne ultime de l’ordre républicain.

Dans ce contexte tendu, le Président de la Cour, Dieudonné Kamuleta Badibanga, est face à un dilemme d’Etat.

Va-t-il céder à la logique d’une procédure précipitée, manifestement politisée, qui fait fi de la protection parlementaire garantie à Matata Ponyo en tant que Député national ?

Ou optera-t-il pour la voie de la sagesse constitutionnelle, telle que préconisée par Vital Kamerhe, Président de l’Assemblée nationale, qui en appelle au respect strict des textes et à la préservation de la séparation des pouvoirs ?

Ce choix est loin d’être anodin. Il ne concerne pas seulement le sort d’un ancien Premier ministre, fût-il influent ou controversé. Il cristallise un moment de vérité pour l’ensemble de l’architecture judiciaire congolaise.

La décision de la Cour constitutionnelle aura des répercussions sur la confiance du peuple dans ses juges, sur la lisibilité de l’État de droit, et sur la perception internationale de la justice congolaise.

Dans une démocratie encore fragile, chaque entorse à la procédure affaiblit les fondements de la République. Et chaque courage institutionnel à dire non à la pression politique la renforce. Voilà pourquoi l’issue de cette affaire pourrait, à bien des égards, marquer un tournant historique. Soit dans le sens du droit. Soit dans celui de l’arbitraire.

JK/CP

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