Crise institutionnelle à l’Assemblée nationale, RDC : Vital Kamerhe choisit la grande porte !

Notifié par voie d’huissier et, après avoir répondu à chacune des préoccupations des pétitionnaires, le 19 septembre 2025, devant la commission spéciale et temporaire instituée à cet effet, Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a choisi la voie de la démission, ce lundi 22 septembre 2025 devant la Conférence des présidents, que celle du vote à bulletin secret de chaque Député national pour une possible déchéance de ses fonctions. Une démission déposée «pour des raisons de convenance personnelle», a-t-il indiqué dans sa lettre adressée au 1er vice-président de cette Chambre basse du Parlement, bien avant l’ouverture de la plénière convoquée pour présenter le rapport final de la Commission spéciale et temporaire mise en place pour auditionner d’un côté, les cinq membres du bureau visés dont le président et les pétitionnaires de l’autre côté.
Ci-dessous, son allocution dans son intégralité.
Allocution de l’Honorable Président de l’Assemblée nationale à l’occasion de la présentation du rapport de la commission spéciale et temporaire
Kinshasa, le 22 septembre 2025
Honorable Président de Céans,
Honorables Députés et Estimés Collègues,
Cela fait maintenant quelques semaines que notre auguste Chambre est propulsée au cœur de l’actualité politique de notre pays. Contre ma volonté, l’attention s’est focalisée sur ma modeste personne.
Dans l’exercice de leur liberté d’expression, certains, ici ou à l’extérieur, ont multiplié à mon endroit critiques acerbes et attaques violentes, largement médiatisées. Mais d’autres, nombreux, m’ont témoigné sympathie et soutien sincère. Aux uns et aux autres, je tiens à dire : merci infiniment.
Fort malheureusement, ce débat sur la déchéance éventuelle de quelques membres du Bureau de l’Assemblée nationale a fini par occulter les véritables défis prioritaires auxquels notre pays est confronté. Ce sont pourtant ces défis qui cristallisent les attentes du peuple que nous représentons, et qui donnent à notre action toute sa substance patriotique : l’unité et la cohésion nationale, la défense de la souveraineté et l’intégrité territoriale, le progrès économique et social. Voilà ce qui devrait capter toute notre énergie.
Je me réjouis que la plénière d’aujourd’hui mette un terme à cette parenthèse, afin que, dès demain, nous retrouvions le chemin de l’essentiel : conjuguer nos efforts pour répondre aux aspirations du peuple qui nous a mandatés.
L’essentiel, c’est aussi de ne pas oublier qu’en ce moment, nos sœurs et nos frères du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri vivent dans l’angoisse et paient le plus lourd tribut d’une guerre injuste qui nous est imposée.
L’essentiel, c’est encore de garder à l’esprit qu’il nous reste de nombreuses batailles à mener et de nombreux défis à relever, au premier rang desquels le chômage et la pauvreté.
L’essentiel, enfin, c’est d’être capables de sacrifier une part de nos intérêts présents, au nom de la construction radieuse d’un avenir collectif.
Honorables Députés, Estimés Collègues,
À travers une pétition qui m’a été notifiée par voie d’huissier, un groupe de Collègues a mis en cause ma responsabilité en qualité de Président de notre auguste Chambre.
Une lecture minutieuse de cette initiative montre que l’essentiel des préoccupations soulevées porte sur le traitement à réserver aux Honorables Députés.
Au nom du principe de redevabilité, auquel je suis profondément attaché et qui constitue un fondement de toute société démocratique, je me suis soumis à la procédure mise en place et j’ai répondu à chacune des préoccupations des pétitionnaires, le 19 septembre 2025, devant la commission spéciale et temporaire instituée à cet effet.
Aux termes de l’article 31 du Règlement intérieur de notre Chambre, la responsabilité d’un membre du Bureau, y compris celle du Président, ne peut être mise en cause que par l’initiative exclusive des Députés nationaux.
C’est dire que le quorum de recevabilité, lié au nombre de signatures, ne peut être apprécié qu’à condition que la qualité de chaque signataire soit indiscutablement établie. Dans le cas contraire, par bon sens et par droit, l’initiative est frappée d’irrégularité et ne saurait produire aucun effet.
Or, dans le cas présent, comme je l’ai relevé devant la commission, la pétition sous examen est entachée d’irrégularités. Le cas le plus flagrant réside dans le fait qu’elle n’est pas l’œuvre exclusive de Députés nationaux, puisqu’un des signataires, le numéro 42, est introuvable sur la liste actualisée des Députés de la présente législature. Ainsi, la pétition visant la déchéance du Président de l’Assemblée nationale a été portée par deux catégories de signataires : des élus d’une part, et un non-élu d’autre part.
D’aucuns soutiennent que ma personne constitue un blocage à l’amélioration des conditions de travail et du bien-être des Députés nationaux. Bien au contraire, dans un contexte marqué par les défis sécuritaires consécutifs à la guerre à l’Est, une mesure de réduction du train de vie des institutions avait été prise par le Gouvernement pour mieux soutenir l’effort de guerre. Il va de soi qu’une telle mesure ne pouvait épargner notre Institution.
Honorables Députés, Estimés Collègues ;
Mieux que quiconque, porté par la conviction et l’amour de la patrie, j’ai activement œuvré à l’avènement d’une alternance pacifique dans notre pays, en faveur de Son Excellence Monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République et Chef de l’État.
Aujourd’hui, je me réjouis de constater que nombreux sont ceux qui nous ont rejoints et ont épousé cette conviction que nous étions si peu à partager en son temps : celle d’une refondation de notre État autour du Président Félix Antoine Tshisekedi.
J’ai consacré l’essentiel de ma vie à la recherche et à la consolidation de la paix, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie de notre population. Je voudrais vous rassurer : je ne suis animé ni de colère ni de ressentiment envers qui que ce soit. Mon cœur est trop étroit pour s’encombrer de tels fardeaux ; il s’emploie à entretenir l’amour fraternel et à cultiver les vertus du pardon.
Honorables Députés, Estimés Collègues ;
Le vote attendu ici, quel qu’en soit le résultat, porterait immanquablement un coup dur aux acquis auxquels j’ai contribué et que nous sommes tous appelés à préserver.
Je prends donc la mesure du spectre de la division et des clivages qui menacent de fragiliser la cohésion nationale et l’harmonie institutionnelle, pourtant indispensables à la réussite de notre projet collectif : restaurer la paix, impulser le développement et renforcer le rayonnement de notre pays.
Au moment de vous inviter à cet exercice singulier, et avant de clore mon propos, permettez-moi de m’en référer aux Saintes Écritures, dans le Premier Livre des Rois. L’unité et la cohésion de la majorité parlementaire, autant que celle de notre peuple, ne sont-elles pas à l’image de cet enfant disputé à la cour du Roi Salomon ?
À la proposition de diviser en deux cet enfant que j’ai tant porté et choyé, afin que chaque camp en obtienne une partie, je préfère, à la manière de la vraie mère, réaffirmer mon attachement à un seul camp, le seul digne du combat de toute une vie et transcendant les clivages conjoncturels et sociologiques : le camp de la République.
Convaincu de ce qui précède, et tout en réitérant ma loyauté à la Nation congolaise, à ma famille politique et à son Chef, je voudrais vous annoncer, en toute responsabilité, sans débat ni vote, que j’ai démissionné de mes fonctions de Président de l’Assemblée nationale.
Honorables Députés, Estimés Collègues ;
À vous, j’exprime mon amour fraternel et ma gratitude sincère pour les moments partagés au service de notre beau pays. À toutes celles et ceux qui m’ont apporté un soutien spontané dans cette épreuve, je dis merci. Aucun mot n’est assez fort pour exprimer ma reconnaissance. Sachez que vous pouvez toujours compter sur moi.
Je veux également m’adresser à nos collègues pétitionnaires. Merci à vous aussi. Merci, car au-delà de l’épreuve, il y a l’apprentissage. Chers frères et sœurs, ce qui nous unit est infiniment plus fort que ce qui nous divise. À votre démarche démocratique, j’ai apporté des réponses précises devant la commission spéciale et temporaire. Je n’ai aucun doute que notre lanterne à tous a été éclairée.
Ma gratitude s’adresse aussi au personnel administratif et aux assistants parlementaires qui abattent un travail remarquable avec zèle et abnégation.
À celui qui me succédera, je souhaite plein succès dans la conduite de notre Chambre. Que l’Éternel lui accorde la sagesse et la force nécessaires pour relever ce grand défi. Je vous invite à lui apporter tout votre soutien.
Enfin, un mot à notre jeunesse parlementaire : chers jeunes députés, vous êtes à la fois le présent et l’avenir de notre nation. Soyez toujours conscients de cette responsabilité. Travaillez avec acharnement et discipline. Vivez pour l’Histoire !
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo, son peuple et ses institutions.
Je vous remercie.
Vital KAMERHE LWA KANYIGINYI NKINGI
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