Le Retour de Joseph Kabila à Goma : les Quatre Masques d’un même Projet

(Par l’Ambassadeur Jean Thierry Monsenepwo, Communicateur de la République)
Prologue : Une arrivée, mille signaux
Le 18 avril 2025, Joseph Kabila foule le sol de Goma. Une apparition millimétrée, orchestrée avec une sobriété presque militaire : pas de drapeau national, pas d’accueil officiel, aucun protocole républicain. Rien qui ne rappelle un ancien Chef de l’Etat rentrant dignement au pays. Et pourtant, cette arrivée n’a rien d’un retour anodin. Elle s’apparente à un acte inaugural.
Le signal d’une stratégie à plusieurs couches, d’une manœuvre politique au service d’un projet ténébreux. Goma n’est pas seulement une ville meurtrie par la guerre : elle est, dans ce cas précis, le ventre de l’agression, le cœur battant d’un plan de démembrement national.
Dans ce dossier, nous proposons quatre scénarios stratégiques permettant de décrypter la démarche de Joseph Kabila.
Quatre angles qui, mis ensemble, dévoilent le visage réel d’un projet dangereux pour l’unité nationale.
Scénario I – L’aveu en acte : Kabila, père de l’AFC
Le Président Félix Tshisekedi, à deux reprises, l’a affirmé sans ambages : « Joseph Kabila est derrière l’AFC, la plateforme politico-militaire pilotée par Corneille Nangaa et adossée au M23 et au Rwanda ».
Ce que la parole présidentielle a formulé, l’acte posé à Goma vient le confirmer avec brutalité. Kabila aurait pu revenir par Lubumbashi, Kinshasa ou tout autre espace contrôlé par l’Etat. Il a choisi Goma, épicentre de la rébellion, zone partiellement occupée par des forces étrangères.
Ce choix n’est pas anodin.
Il est hautement symbolique : Kabila ne revient pas au Congo, il retourne dans le dispositif qu’il parraine.
Souvenons-nous aussi de ses prises de parole depuis l’Afrique du Sud : il n’a jamais condamné le M23. Il a même plaidé pour le retrait des forces de la SADC de la région du Nord-Kivu, en alignement total avec les intérêts du Rwanda.
Dès 2024, nous l’avions dit : « Joseph Kabila est l’ombre logistique, politique et financière derrière l’AFC ». A l’époque, ce fut l’objet d’insultes et de campagnes de diffamation. Mais l’Histoire, elle, parle avec des faits — et le sang des Congolais est aujourd’hui témoin de cette vérité.
Aujourd’hui, alors que Kigali, acculé par la pression diplomatique internationale, se voit contraint de retirer progressivement ses troupes du territoire congolais, il devient urgent pour le système de substituer la vitrine militaire rwandaise par une vitrine politique congolaise : c’est ici que Kabila se “titularise” dans le projet qu’il a incubé. Il devient la façade nationale d’un plan transfrontalier.
Scénario II – La tentative de relance d’un projet militaire en déclin
Ce scénario repose sur une lecture tactique de l’échec : le projet de conquête rapide, façon AFDL 1996-97, n’a pas fonctionné.
L’AFC peine à fédérer. Le M23, malgré l’armement rwandais, stagne sur le terrain. Les Congolais ne suivent pas. L’opinion publique nationale ne s’est pas retournée contre le pouvoir légitime. Le coup narratif tenté par Nangaa a échoué.
Et c’est ici que Kabila entre en scène, non pas comme un leader en exil, mais comme une figure d’autorité historique venant injecter une dose symbolique à une insurrection qui patine.
Ce retour vise à repositionner la coalition rebelle comme un projet structuré, avec une profondeur historique, une légitimité imaginaire. Il tente de convertir une rébellion sans âme en un “mouvement politique” en lui offrant un “parrain”. Lui-même.
Et si Goma n’est qu’un point de passage, c’est probablement le Katanga, sa terre d’influence, qui est dans le viseur stratégique.
Scénario III – Le caméléon tactique : de chef de guerre à “artisan de paix”
Ce scénario, plus sournois, mise sur le retournement narratif. Lorsque l’option militaire échoue, l’option politique entre en jeu.
Joseph Kabila se présente alors comme l’homme de la réconciliation, le pont entre le chaos et la paix, le sage retiré qui revient pour apaiser les tensions. Il espère être perçu comme un arbitre, alors qu’il est au cœur même du déséquilibre.
Il souhaite devenir un interlocuteur incontournable dans les futures négociations- celles qui viendront lorsque la communauté internationale, fatiguée du conflit, proposera une table de discussion. Sûrement selon le plan du duo ECC-CENCO.
Ce scénario repose sur une tentative de blanchiment politique : faire oublier son rôle dans le déclenchement du conflit pour se vendre comme facteur de sa résolution.
Mais pour nous, la mémoire est intacte :
- les infiltrations dans l’administration,
- les relais économiques dans les entreprises minières,
- les appuis diplomatiques détournés,
- la logistique rebelle organisée depuis l’intérieur du pays. Tout cela porte un seul nom : Joseph Kabila.
Scénario IV – La rupture constitutionnelle : vers une République sécessionniste de Goma
C’est peut-être le plus extrême des scénarios, mais certainement pas le plus improbable.
En entrant par Goma, Kabila entre dans un espace où les éléments d’un État parallèle sont déjà en place :
- une administration de fait (judiciaire, fiscale, logistique),
- une autorité politico-militaire (AFC – M23 – RDF),
- une diplomatie souterraine (via le Rwanda et ses relais à l’étranger),
- une économie de guerre, adossée aux minerais.
Il devient possible, dans cette configuration, d’imaginer une déclaration unilatérale d’autonomie, voire la proclamation d’une République séparatiste de Goma.
Et Joseph Kabila, fort de son passé présidentiel, deviendrait la figure morale, sinon politique, d’un territoire balkanisé. Ce serait la validation d’un processus amorcé depuis des années, par petites touches : une balkanisation de fait, portée par des Congolais eux-mêmes.
Conclusion : Ce n’est pas un retour, c’est un signal !
Le 18 avril 2025 n’est pas une simple date. C’est un marqueur historique. Celui où un ancien Président, loin d’agir comme un homme d’Etat, choisit la zone de guerre pour réapparaître comme acteur politique.
Ce n’est pas un retour républicain. C’est un retour à la subversion. À la division. A la duplicité.
Et le peuple congolais, les institutions républicaines et la communauté internationale doivent comprendre une chose : ce n’est pas une visite que nous avons vue à Goma. C’est une déclaration silencieuse de guerre.
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