Convocation de l’électorat, les partis politiques devraient éviter la confusion

(Par Me Tshiswaka Masoka Hubert, Directeur Général de l’IRDH)
*Si l’on y prend garde, le processus électoral ne servira que quelques individus et leurs familles à contrôler l’appareil de l’Etat et ramener des conflits supplémentaires. (Lubumbashi, le 27 Juin 2023).
Les Bureaux de Réception et de Traitement de Candidatures (BRTC) à la députation nationale ont été ouverts, le 26 juin dernier, à chaque antenne de la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI). Cette ouverture fait suite à la cérémonie du 25 juin portant « Convocation de l'électorat pour la députation nationale ». Le décor est planté, donnant espoir à la construction d’une autre étape d’un Etat démocratique. Cependant, la liste de 910 partis politiques transmise à la CENI, le 23 juin dernier, par le Ministre de l’Intérieur, amène plus de confusion dans le chef des électeurs.
En plus du discours appelant à boycotter le processus électoral, 910 partis politiques se disputent 500 sièges de l’Assemblée Nationale, dans la totale cacophonie politique que le Gouvernement a le devoir d’éclaircir.
L’Exécutif prépare le prochain Parlement
L’esprit d’équité entre partis politiques ressort à l’article 4 de la « Loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques ». Celui-ci rappelle que les partis politiques ont droit à un égal traitement de l'Etat, les services publics et tout détenteur de l'autorité publique. En plus, le cinquième point de l’exposé des motifs, répété à l’article 25 (3e alinéa), dit expressément que « l'usage par un parti politique des biens et du personnel de l'Etat est strictement interdit, sous peine de dissolution ».
Le fait que les 910 partis politiques soient, en majorité, sous contrôle des membres du Gouvernement central, Gouverneurs de province ou fonctionnaires de l’Etat en fonction, est indice de déséquilibre dans le traitement des partis politiques.
Même dénomination pour plus d’un parti
Des partis politiques avec la même dénomination, en violation de l’article 7 de la même « Loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques » qui stipule que :
« Aucun parti politique ne peut adopter la dénomination, le sigle, les symboles et autres signes distinctifs d'un autre parti politique déjà enregistré par l'autorité publique compétente sous peine des sanctions prévues par la présente loi ».
Exemple des partis ayant adopté la même dénomination et sigle :
1. Union pour la Démocratie et le Progrès Social/Tshibala (UDPS) ;
2. Union pour la Démocratie et le Progrès Social/Mubake (UDPS/LE PEUPLE ;
3. Union pour la Démocratie et le Progrès Social/Kibassa (UDPS/KIBASSA) ;
4. Union pour la Démocratie et le Progrès Social/Tshisekedi (UDPS/TSHISEKEDI).
Contrairement au régime précédent qui visait à affaiblir l’UDPS par la démultiplication de son sigle, une fois au pouvoir, ce parti pouvait mettre fin à cette confusion dans le chef des électeurs.
Partis fantaisistes
La liste des 910 révèle aussi des partis politiques confusionnistes se réclamant être « Tshisekedistes », sans adhérer ni à l’UDPS dirigé par le Président Tshisekedi, ni constituer un seul parti ou regroupement politique « tshisekedistes ». A titre d’exemple, l’on peut citer :
1. Forces Tshisekedistes Nationales pour la Solidarité (FTSN) ;
2. Dynamique Tshisekediste pour le Changement Radical (DTCR) ;
3. Dynamique des Tshisekedistes pour la Démocratie et la Justice (DTDJ) ;
4. Les Démocrates Tshisekedistes Rénovés (DTR) ;
5. Alliance des Tshisekedistes Patriotes (ATP) ;
6. Alliance des Tshisekedistes Unifiés (ATU) ;
7. Alliance des Tshisekedistes par les Valeurs de Kasa-Vubu (ATVK) ;
8. Alliance de Soutien à Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo (ASOFATSHI).
Le Président Tshisekedi lui-même pouvait rappeler à tous ces partis politiques se réclamant de lui, le rôle constitutionnel d’éducation civique et de concourir à la cohésion nationale.
Opposition manque d’exemplarité
Autant que des partis fantaisistes soutiennent le Pouvoir, d’autres se réclament de l’opposition soutenant M. KATUMBI CHAPWE Moïse, sans adhérer à son parti, Ensemble pour la République (Ensemble). Exemple :
1. Parti National pour la Démocratie et le Développement (PND) de M. KALONDA DELLA IDI Salomon, Conseiller Spécial du Président d’ENSEMBLE ;
2. Alliance pour le Renouveau du Congo (ARC), de M. KAMITATU ETSOU Olivier, Directeur de Cabinet du Président d’ENSEMBLE.
3. Front Social des Indépendants Républicains (FSIR) de M. OKENDE Cherubin, Porte-parole d’ENSEMBLE ;
4. Conscience Républicaine pour la Démocratie et le Développement (CRDD) du Prof MULONGO KALONDA BAMPETA Huit, Conseiller et proche collaborateur du Président d’ENSEMBLE ;
5. Conservateurs de la Nature et Démocrates (CONADE) de M. MONI DELLA IDI Moïse, proche collaborateur du Président d’ENSEMBLE.
PLUS D’UN PARTI DANS UNE MEME FAMILLE BIOLOGIQUE
Contrairement à l’esprit de l’article 6 de la Constitution qui veut que les partis concourent à la cohésion nationale, ils servent à multiplier des chances de garder le pouvoir d’Etat en famille ou entre amis. A titre d’exemple :
1. UDPS dirigée par le Président TSHISEKEDI est doublée par l’UDPS/Kibassa du beau frère KIBASSA Augustin.
2. Le PND est dirigé par M. KALONDA DELLA IDI Salomon, frère du Président de CONADE, M. MONI DELLA IDI Moïse.
3. Union des Nationalistes Fédéralistes du Congo (UNAFEC) est de M. KYUNGU WA KUMWANZA Gabriel. Mais, son fils, M. KYUNGU KIBWE Lawrence dirige l’Alliance Nationale des Fédéralistes Kyungistes (ANAFEK).
DES PARTIS DONT DES DIRIGEANTS SONT DEJA MORTS
En violation de l’article 17 de la Loi sur l’organisation et fonctionnement des partis politiques evoquees ci-dessus exige que
« […] Tout changement dans la direction ou l'administration du parti et toute modification de ses statuts doivent, dans le mois qui suit, faire l'objet de déclaration au Ministère de l'Intérieur ».
A titre d’exemple l’on cite :
1. Union Congolaise pour la Liberté (UCL) de M. LOKONDO Henry-Thomas
2. Union des Nationalistes Fédéralistes du Congo (UNAFEC) de M. KYUNGU WA KUMWANZA Gabriel ;
3. Alliance Congolaise pour la Justice et le Développement (ACJD) de M. KOUVAS ILUNGA Michel ;
4. Conscience Nationale Congolaise pour le l’Action et le Travail (CONACAT) de M. KAZEMBE MUSONDA.
Recommandation
Afin que le processus électoral participe à la construction de la démocratie et la bien-être collectif, toutes les parties prenantes, au premier rang des organisations citoyennes, ont le devoir de surveillance de l’application des lois de la République et des principes démocratiques. A défaut, les élections ne serviront qu’aux petits groupes d’individus à s’accaparer de l’appareil de l’Etat, au détriment de la majorité de la population.
Comments est propulsé par CComment