Mot du week-end : Y aura-t-il ou pas de dialogue entre les Congolais ?

Mot du week-end : Y aura-t-il ou pas de dialogue entre les Congolais ?

(Par Kabamba Patience)

Certaines voix congolaises appellent d'urgence au dialogue inter Congolais. La nature de ce dialogue sera une sorte d’introspection, remontant aux récentes élections organisées par des organisations de soutien à la démocratie telles que la CENI et la Cour constitutionnelle. Ce dialogue consistera en un examen point par point de ce qui n'a pas fonctionné au niveau de la CENI et de la Cour Constitutionnelle ; deux organisations censées être neutres sont devenues hautement politisées. On peut donc imaginer le dialogue comme un remède correctif contre le produit de ces structures que sont l’Assemblée Nationale et le Sénat.
Autrement dit, nous pouvons imaginer comment poursuivre la vie de la nation en présence d’un ensemble de personnes qui sont légalement élues parce qu’elles sont déclarées telles par la CENI et la Cour Constitutionnelle, mais qui sont illégitimes parce que ce n’est pas par la véritable volonté du peuple qu’elles sont là. Ce dialogue nous permet donc de discuter des voies et moyens de créer le type de légitimité qui manque à la direction actuelle de nos institutions.
L'appel au dialogue se justifie également par le fait que nous devons réfléchir ensemble à la défense appropriée de notre pays, en tenant compte des pressions militaires et sociales que le Rwanda exerce sur nous. Le Rwanda perturbe la vie de ses compatriotes de l’Est depuis près de trois décennies. Dans le cadre du dialogue national congolais, nous réfléchirons à des stratégies nationales pour combattre notre ennemi commun.
Aujourd'hui, quand on est à Kinshasa ou dans n'importe quelle ville de l'Ouest, on n'a pas l'impression que le pays est en guerre et que la majeure partie du territoire est occupée par les forces rebelles. Grâce au dialogue, nous pouvons créer une prise de conscience nationale selon laquelle si une partie du Congo est attaquée, le Congo tout entier est attaqué.
Enfin, le dialogue congolais-congolais permettra de préparer au plus tôt l’échéance de 2028 pour éviter le chaos des dernières élections. Les préparatifs pour l’échéance de 2028 évoqués ici ne sont pas un ajustement entre partis politiques, mais plutôt une manière de répondre à nos aspirations et de libérer la créativité du peuple congolais et prévenir la catastrophe électorale connue en 2023. Ce n’est pas seulement au niveau du changement de direction des institutions qui soutiennent la démocratie, à savoir la CENI et la Cour Constitutionnelle, mais surtout au niveau de la réforme de fond de ces institutions.
Une autre partie de la population a peur du dialogue parce que nos politiciens nous ont habitués aux dialogues qui sont en fait une tactique du partage du gâteau du pouvoir. En effet, plusieurs dialogues internes et externes ont eu lieu en République démocratique du Congo. Cela s'est traduit par la nomination d'un nouveau Premier Ministre et de nouveaux ministres.
Il est peu probable que le résultat de ces dialogues fasse progresser l’appareil d’État. Les changements de leadership se sont produits sans changer l’esprit ou le style de leadership.
A quoi servirait un autre dialogue si les résultats seraient les mêmes ?
Cette opinion est répandue chez la plupart des peuples congolais, qui rejettent l’idée d’un dialogue entre les peuples congolais. Les gens ont également peur du dialogue car il pourrait devenir un prétexte pour proposer des amendements constitutionnels. Cette question est devenue une question très brûlante.
En effet, la constitution de 2006, approuvée par référendum, visait à pacifier le pays, embourbé dans une guerre civile non résolue. Puisque la situation a changé, nous devons aussi changer cette constitution.
Pour d’autres, en cas de changements majeurs dans la Constitution, les deux dispositions dites « verrouillées » devraient rester en vigueur. C’est la forme de l’État, un État unitaire avec un système semi-présidentiel. Cela signifierait qu'un rôle plus important serait accordé au Parlement, dont la majorité donnerait un Premier ministre et chef du gouvernement.
De plus, le mandat présidentiel est limité à cinq ans et ne peut être prolongé qu'une seule fois. Les électeurs ont gravé ces deux articles dans le marbre. Aucune modification de la Constitution ne peut l’affecter. La Constitution de 2006 reposait sur la tension productive entre le gouvernement et l’institution Président de la République. A l'exception du Premier ministre Ilunga Ilukamba, les autres Premiers Ministres se sont montrés si complètement soumis qu'ils ont donné l'impression que nous étions dans un système pleinement présidentiel.
Le dialogue, qui vise à modifier la Constitution pour affecter ces deux articles et permettre à l'actuel chef de l'Etat de remettre les pendules à zéro pour se représenter une nouvelle fois, rencontre une forte opposition dans le pays.
La Constitution est un texte qui rassemble des personnes diverses et issues d’horizons différents. Vous vous reconnaissez dans ce document presque sacré. Il n'y a pas de pays sans constitution. Les inquiétudes de l'opposition quant à la possibilité d'un dialogue qui pourrait justifier une réforme constitutionnelle ne sont en aucun cas frivoles ou insensées. En fait, le risque est réel que l’interdiction constitutionnelle soit modifiée afin de rester au pouvoir pendant plus d’une décennie.
Tout Congolais mûr résisterait à une telle tentative.
Les amendements à la Constitution doivent être salués car, avant d’être normatifs, ils sont avant tout des dispositions anthropologiques. La Constitution définit un type de relation sociale dans une communauté, une relation sociale qui a été codifiée en 2006 sous la forme de la Loi fondamentale qui nous régit de manière normative et coercitive. A mesure que ces relations sociales évoluent, les conditions de leur codification changent également, et les lois doivent être modifiées pour refléter les nouvelles conditions de codification. Le contenu des articles bloqués est préservé car les conditions qui ont conduit à leur fermeture - le désir irrésistible de rester au pouvoir - sont toujours valables aujourd'hui.
Toute tentative de le débloquer serait une atteinte à la fois à l'anthropologie du droit et à sa normativité. L’article 64 de la constitution stipule que tout congolais est obligé de résister aux tentatives de prise du pouvoir par des partis illégitimes.
Enfin, une large opinion congolaise appelle à ce dialogue pour les trois raisons énumérées ci-dessus. A savoir :
1) S'unir en tant que nation contre les envahisseurs rwandais.
2) Réaliser une évaluation sans concession des structures qui soutiennent la démocratie (CENI et Cour Constitutionnelle) dans le but de dépolitiser en profondeur ces structures.
3) Tirez les leçons du désastre électoral de 2023 et se préparer à l’échéance électorale de 2028. Comme nous l’a rappelé à plusieurs reprises le professeur Matthieu Yangambi, de l’Université nationale de l’éducation, ce dialogue est extrêmement important.
Il faut aussi tenir compte des réticences de ceux qui craignent un dialogue qui pourrait conduire à un partage du gâteau ou à une modification de la constitution des dispositions bloquées. Ce danger est bien réel et non imaginaire. Cependant, face à ces dérives, nous pouvons appeler au dialogue tout en restant vigilant sur ces deux dimensions.
Il est possible d'avoir un dialogue entre Congolais qui n'aboutisse pas au partage de gâteaux ou à l'amendement de dispositions constitutionnelles bloquées. Ce dialogue nous permettra non seulement de corriger les excès de la CENI et de la Cour Constitutionnelle, mais aussi de nous unir contre un ennemi commun, le Rwanda, pour que l'est et l'ouest de ce pays soient dans la même atmosphère lorsqu’une partie du pays est attaquée. Ensemble, nous répondrons de manière appropriée aux défis posés par l’agression Rwanda par des milices interposées…

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