Obsèques du Patriarche Daniel Palambwa : Jean-Marie Ntantu-Mey rend hommage au plus vieil artiste musicien chrétien congolais

OBSEQUES DE L’HONORABLE PATRIARCHE Daniel PALAMBWA ANDZWA EMPAK
Samedi 10 juin 2023
ORAISON FUNEBRE
Honorables, Excellences, Révérendes, Révérends, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, chers frères et sœurs en Christ, Tous à vos titres et qualités respectifs,
C’est une charge et un honneur mêlés d’une grande émotion pour de devoir prendre la parole ici et maintenant en vue de rendre un témoignage et un hommage à l’exaltante vie de cette personnalité qui a vécu tout un siècle sur cette terre des hommes.
Nous avons cité, l’Honorable patriarche Daniel PALAMBWA. Oui ! Le monde cultuel congolais est en deuil ! Le plus vieil artiste musicien chrétien congolais, centenaire, Daniel PALAMBWA, nous a quittés depuis le 24 mai dernier. C’est après un siècle, un an, un mois et douze jours de vie sur cette des hommes que le fondateur et Directeur artistique du chœur d’enfants « Pueri Cantores » de la paroisse Saint Augustin de Lemba a tiré sa révérence à partir de l’hôpital Saint Joseph de Limete.
Nous nous sommes beaucoup approché de lui ces dernières années suite au fait que, malgré son âge, il est demeuré très lucide et était à chaque messe matinale de 6h00 et à temps ! Ceci a tellement attiré notre attention que nous avons résolu de célébrer solennellement ses trois derniers anniversaires : 99 ans, 100 ans et 101 ans. Bien avant, de 1995 à 2001, Papa Daniel et les Pueri Cantores avaient accompagné le BAC dans les visites de vieux artistes écrivains, musiciens, hommes de théâtre...
Il s’agit notamment de Antoine Roge BOLAMBA, le Général LONHO MALANGI, André LUFWA MAWIDI, sculpteur du grand batteur de tam-tam Fikin, WENDO KOLOSOY, Père Chef KASHALA MWAN’A NTAMBWA, TABU-LEY, ILO BABLO... Papa Daniel PALAMBWA ANDZWA EMPAK a consacré sa vie dans une intense activité religieuse, d'enseignant, homme politique… dans les différents coins du Vicariat du Kwango, du Congo et du monde qui l'ont accueilli. Maître des classes « Intermédiaires », organiste virtuose, étudiant, Député, etc., son existence aura eu comme fil conducteur : l’éducation de la jeunesse.
Une jeunesse qu'il a contribué à encadrer et qui n'a pas manqué de le marquer de façon indélébile. Papa Danien est demeuré jeune d’esprit jusqu’à sa mort. Au moment où ce baobab, nous quitte, on est forcément embarrassé de parler de lui ne serait-ce qu’à cause du temps qu’il a plu à Dieu de lui accorder sur cette terre des hommes : plus de 100 ans ! Mais que retenir de son siècle de vie ? Quel héritage nous laisse-t-il ?
Pour y répondre, il faut suivre son parcours existentiel qu’il a lui-même résumé dans la formule : « A l’école de mon patelin ». Daniel PALAMBWA est né le 12 avril 1922 au village Isiengi, sur les bords de la Kamtsha, en territoire d’Idiofa, province du Kwilu, espace du Grand Bandundu. Après une année passée au « mavula » de son village, il est admis en 1935 à l’école primaire que les Pères Oblats de Marie Immaculée venaient d’ouvrir à la mission catholique de Ngoso où il y fréquente la 2ème, 3ème, 4ème et 5ème primaire.
En 1939, il est admis en 6ème année primaire à la mission catholique de Mwilambongo, qui lui ouvre les portes de l’enseignement secondaire. Elève studieux, il est admis en 7ème latine à Kikwit Sacré-Cœur en 1940. C’est pendant cette année scolaire que le jeune Daniel Palambwa reçoit un appel du Seigneur pour une destinée autre que celle du mariage. C’est sur cette toile de fond que le jeune Daniel demanda à ses éducateurs de devenir Frère Joséphite de Kinzambi.
En 1940, Daniel fait son premier départ pour Kinzambi où il entreprit ses études d’humanités pédagogiques. Pendant cette formation, le jeune homme y rencontre un homme exceptionnel le Père Joseph Guffens, missionnaire au Kwango depuis 1921 et supérieur du Petit Séminaire à partir de 1937. C’est lui qui assume l’initiation des jeunes candidats-frères à leur responsabilité. Après le Noviciat fait en 1943-44 et deux années passées à Kinzambi pour parachever sa formation, le Frère Daniel Palambwa est envoyé en 1946 à la mission catholique Djuma.
La prestation du Frère Daniel Palambwa à Djuma fut si positive que c’est à lui que les Supérieurs font appel en 1948, pour aller démarrer à Kinzambi, la classe de 9ème créée pour la première fois dans le système scolaire du Kwango, une classe destinée aux jeunes d’élite devant affronter plus tard l’université. C’est avec grande fierté que Daniel eut la joie pendant ce deuxième séjour à Kinzambi, de participer au grand mouvement formatif naissant au Congo. Il fera sienne la devise épiscopale de Mgr Guffens : « Préparer au Seigneur un peuple parfait ».
Cet idéal trouva sa pleine réalisation sur les bords de la Lukula, à la mission catholique Kingungi qui reçoit le Frère Daniel Palambwa de 1949 à 1956. Il y déploie un apostolat intense à travers plusieurs activités parascolaires. Il continua ce travail à Kikwit Sacré-Cœur où il reprit la 2ème Normale en 1958, puis à Kinzambi où il alla en 1959 lancer l’Ecole métropolitaine « de programme belge ». Ses Supérieurs décident de le retourner sur le banc de l’école : d’abord à l’Ecole Normale Moyenne d’Elisabethville (Lubumbashi) durant l’année académique 1960-1961, puis à l’Université Catholique de Louvain en Belgique, à Cambridge à Londres et à Bruxelles durant l’année académique 1961-1962.
Sa présence en Occident lui fit mieux découvrir les nouvelles exigences de l’Eglise en Afrique et mieux apprécier la culture congolaise réhabilitée par le vent du Concile Vatican II. Ainsi, à son retour au pays, Daniel Palambwa qui avait déjà 40 ans, avait non seulement une riche carrière d’enseignant, mais aussi un riche bagage scientifique et culturel.
Son 4ème séjour à Kinzambi permit d’illuminer ce passé : tout le monde était fier de ce fils du pays maîtrisant la langue de Shakespeare qu’il enseignait à l’Ecole d’Auxiliaires et au Petit Séminaire de Kinzambi. Hélas ! Plusieurs chocs existentiels avaient largement miné son ardeur religieuse et sa santé morale n’était plus à la mesure de son zèle apostolique. Ayant consulté des personnes d’âge et d’expérience, il présenta sa démission en 1963 et migra vers Kinshasa où il avait abandonné l’enseignement pour le monde politique.
Dans son travail, Daniel Palambwa faisait aussi preuve d’une autorité héritée à n’en point douter de Mgr Guffens. C’est sans doute cela qui lui valut la charge d’assister administrativement le Comité d’Etat d’urgence mis en place à Kikwit en 1964, au Kwilu en rébellion.
Il s’en acquitta tant et si bien que lors des élections de juillet 1965, il fut élu dans la circonscription électorale d’Idiofa. Et après un passage éclair à Bandundu, au poste de Secrétaire Permanent du M.P.R. pour le District du Kwilu en 1967, il fut réélu Député National suppléant en 1977.
Pendant dix-sept ans, Daniel Palambwa fut engagé activement en politique. Mais concomitamment, à partir de 1968, la création et la consolidation de l’I.N.P.P. (Institut National de Préparation Professionnelle) sera sa deuxième occupation. Vingt-six années durant, cette activité lui permit de faire pour toute la jeunesse du Congo, ce qu’il avait réalisé au Kwilu.
Il s’agissait d’une grande entreprise très enivrante : offrir au pays des cadres de haut niveau capable de lier la théorie à la pratique. Après l’I.N.P.P., papa Daniel Palambwa a poursuivi sur un autre plan, le but qui lui était apparu comme essentiel pour l’Eglise et pour le peuple du Congo.
Il a, à partir de 1993, lancé la belle expérience combien fructueuse des Pueri Cantores. Cette école de musique sacrée, en même temps une manécanterie, aura été une des plus grandes joies de sa vie. Pendant un quart de siècle, il a reçu, aidé, soutenu ces enfants dont il percevait le rôle dans la formation de la nation. Il voulut leur consacrer ses dernières forces, ce qui a permis plus d’un de briller musicalement en Afrique et en Europe. Pendant les dernières années de sa vie, Papa Daniel Palambwa resta lucide et continua à distribuer sans se lasser. Il aimait recevoir et soutenir spirituellement ses amis.
La vie de Daniel Palambwa a été le reflet d’une conviction, héritée de Mgr Joseph Guffens son formateur : « Il n’y a pas de travail plus important, plus beau, plus noble et plus enthousiasmant que préparer la relève, que d’amener la génération suivante à la table du savoir ». C’est parce qu’il fit sien cet idéal que, pendant plus de quatre-vingts ans, Papa Daniel se consacra à la formation spirituelle et intellectuelle de ces jeunes Congolais et qu’il a vécu comme un enseignant, jusqu’à dédaigner certaines promotions. « Peu, mais bien et profond ». Telle est la devise existentielle qui peut légitimement s’appliquer au parcours qu’a réalisé Daniel Palambwa durant ses 101 ans d’existence, mais aussi dans sa vie d’époux et de père puisqu’il a été marié à Maman Perpétue Makila de 1965 à 1990 où Dieu l’a rappelée auprès de Lui.
De cette union naquirent six enfants, dont trois filles et trois garçons. Oui ! Il n’y a pas de travail plus important, plus beau, plus noble et plus enthousiasmant que de préparer la relève, que d’amener la génération suivante à la table du savoir ! - Merci Papa Daniel ! - Merci d’avoir formé les jeunes jusqu’à la fin de ta vie ! - Repose dans la félicité éternelle auprès de Ton Seigneur Dieu que tu as servi avec amour et générosité !
Au revoir Papa Daniel !
A la famille de Papa Daniel, nous exprimons le vœu le plus adent de bien vouloir instituer en un musée et en un lieu de visite comme chez Nelson MANDELA en Afrique du Sud.
Kinshasa, le 10 juin 2023
S.E Jean-Marie Ntantu-Mey
Tél. : +243 82 34 87 815
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