dans un entretien exclusif, RDC : Alain Lubamba wa Lubamba proposedes leviers pour restaurer la confiance dans la monnaie nationale !

Dans un contexte économique marqué par la réappréciation du franc congolais face au dollar, la question de la confiance en la monnaie nationale refait surface. L’Honorable Alain Lubamba wa Lubamba, Analyste et fin observateur des dynamiques économiques nationales, livre une analyse profonde sur les enjeux liés à la perception de la monnaie nationale, les responsabilités des institutions et les leviers possibles de redressement. « Un pays qui évalue tout en devises étrangères traverse une crise de confiance, mais ce n’est pas une fatalité », a-t-il affirmé dans cet entretien exclusif repris intégralement ci-dessous.
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC L’HONORABLE LUBAMBA
La Prospérité : Honorable, comment interpréter la situation d’un pays où la population évalue son pouvoir d’achat non pas dans sa monnaie nationale, mais en devises étrangères comme le dollar ou l’euro ? Et surtout, que faut-il faire pour que les citoyens retrouvent confiance en leur propre monnaie, comme c’est le cas dans d’autres pays ?
Hon. Alain Lubamba : Ces deux questions touchent à des dimensions clés : la confiance dans la monnaie nationale, la souveraineté économique et la psychologie collective vis-a-vis de la monnaie nationale.
1. Généralement, lorsque la population évalue son pouvoir d’achat en devises étrangères, cela reflète une crise de confiance dans la monnaie nationale. Plusieurs causes peuvent expliquer ce phénomène :
- Une inflation élevée ou instable qui fait perdre à la monnaie sa valeur et sa crédibilité ;
- Une dollarisation de fait ou officielle, comme c’est le cas en RDC depuis 2001 ;
- Un manque de stabilité macroéconomique, avec des politiques fiscales ou monétaires peu rigoureuses ;
- Une perception psychologiquement négative de la monnaie nationale, souvent liée à des périodes de crise.
2. Pour restaurer la confiance dans la monnaie nationale, il faut une action coordonnée sur trois plans :
a. Du côté du Gouvernement et de la Banque Centrale :
- Renforcer la stabilité macroéconomique et éviter les déficits ;
- Gérer prudemment les réserves en devises et limiter la création monétaire excessive ;
- Encourager la production locale pour réduire la dépendance aux importations ;
- Garantir l’indépendance de la Banque Centrale et publier des données économiques transparentes.
b. Du côté des leaders d’opinion :
- Valoriser l’usage du franc congolais dans les médias, les débats, les conférences ou autres rencontres publiques ;
- Lutter contre l’auto-dénigrement collectif, du genre : " on ne vaut rien", " notre monnaie ne sert à rien " ;
- Sensibiliser et encourager les jeunes et les influenceurs à adopter un discours positif, mais lucide sur la monnaie nationale.
- Former les vendeurs et vendeuses des marchés à la gestion de leurs petits commerces en monnaie nationale.
c. Du côté de la population :
- Mieux comprendre le rôle de la monnaie et sa relation avec la souveraineté ;
- Associer le franc congolais à la fierté comme c'est le cas pour notre équipe nationale de football, les Léopards.
En quelques mots, un pays qui pense et agit en devises étrangères traverse une crise de confiance. Mais ce n’est pas une fatalité. D’autres nations s’en sont sorties. Si vous le souhaitez, je peux vous donner des exemples concrets.
Oui, justement, pouvez-vous nous citer des exemples de pays qui ont connu la perte de confiance en leur monnaie, mais qui ont réussi à renverser la tendance ?
Avec plaisir. Voici trois cas emblématiques :
1. L’Allemagne
Après la Première Guerre mondiale, l’Allemagne a connu une hyperinflation extrême. Le mark ne valait plus rien. En 1924, une nouvelle monnaie est introduite : le Rentenmark, suivi du Reichsmark.
Mais c’est après 1945, avec le Deutsche Mark, associé à une forte Banque centrale (la Bundesbank) et au plan Marshall, que la population retrouve confiance.
Le Deutsche Mark devient un symbole de prospérité nationale.
2. Le Pérou (années 1980–90)
L’inflation atteint 7 500 %. Le sol est abandonné au profit du dollar. En 1991, sous Fujimori, le nuevo sol est introduit.
Des politiques strictes et une Banque centrale indépendante rétablissent la stabilité.
Comme résultat : le sol retrouve de la valeur. La population recommence à l’utiliser.
3. La Turquie (années 1990–2005)
La livre turque perd toute crédibilité, atteignant 1 000 000 unités par billet.
En 2005, l’État supprime six zéros pour créer la nouvelle livre turque, avec une campagne de communication et des réformes économiques.
Comme résultat : la monnaie retrouve une certaine stabilité, même si des défis persistent.
Quelles leçons retenir au regard de ces 3 exemples :
- Une réforme monétaire doit être accompagnée de politiques cohérentes ;
- La communication publique est essentielle ;
- Une monnaie stable peut devenir un symbole de souveraineté nationale ;
- La Banque centrale doit être indépendante et crédible.
Depuis quelques semaines, le franc congolais s’apprécie face au dollar. Pourtant, les prix restent élevés et la population peine à ressentir cette évolution dans son quotidien. Quel est votre message aux autorités, aux acteurs économiques et aux citoyens ?
L’appréciation du franc congolais est une avancée encourageante. Mais si elle ne se traduit pas par une amélioration concrète du pouvoir d’achat, elle risque d’être perçue comme une illusion. L'implication de tous est indispensable.
■ À LA BANQUE CENTRALE :
-Bravo pour les efforts fournis. Mais il faut communiquer davantage à travers divers canaux pour expliquer cette évolution ;
- Avec le concours du gouvernement, mettez en place des mécanismes de régulation des prix, pour que cette appréciation profite réellement aux citoyens ;
- Renforcez les liens entre la monnaie nationale et les outils numériques (M-Pesa, Airtemoney, Afrimoney, Orangemoney) pour faciliter son utilisation quotidienne.
■ AUX OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES :
- Ajuster les prix en fonction du taux de change officiel est une responsabilité patriotique ;
- Une économie moins dollarisée est plus stable et protège vos marges à long terme.
■ AUX LEADERS RELIGIEUX :
- Montrez l’exemple en acceptant les dons et offrandes en franc congolais ;
- Enseignez que croire en sa monnaie, c’est croire en son pays.
■ AUX LEADERS POLITIQUES & SOCIÉTÉ CIVILE :
- Sensibilisez vos membres sur l'importance de la monnaie nationale ;
- Luttez contre la spéculation ;
- Encouragez l’éducation économique et le commerce local en monnaie nationale jusqu'en milieu rural.
■ À LA POPULATION CONGOLAISE :
- Vous avez raison d’être prudents. Mais reconstruire une nation commence aussi par la confiance ;
- Utilisez le franc congolais est un acte de patriotisme économique ;
- Exigez la transparence sur les taux de change publié par la Banque Centrale du Congo, l'affichage des prix en franc congolais, et faites entendre votre voix.
L’exemple inspirante est celle de la Corée du Sud en 1997 en ce qui concerne le patriotisme et la mobilisation populaire
En 1998, en pleine crise financière, la Corée du Sud a lancé un appel national : les citoyens ont offert au gouvernement plus de 226 tonnes d’or (bijoux, montres, lingots,...) soit près de 2 milliards de dollars, pour rembourser la dette du pays.
Comme résultat : la monnaie sud-coréenne, le won a retrouvé sa stabilité, appuyée par une résilience collective et une mobilisation nationale historique.
Ce modèle montre que la monnaie n’est pas qu’un outil économique, c’est un symbole d’unité, de confiance et de souveraineté.
Honorable, quel est votre mot de la fin ?
Je remercie sincèrement les autorités monétaires pour les efforts en cours.
Mais j’insiste sur un point : une monnaie forte ne suffit pas. Il faut qu’elle soit utile, crédible et respectée dans la vie quotidienne. Cela demande une implication collective, une vision politique claire et une adhésion citoyenne durable.
Je soutiens sans réserve les réformes amorcées par le gouvernement et la Banque Centrale du Congo. C’est maintenant que se joue la crédibilité de notre système monétaire… et donc de notre Etat.
Comments est propulsé par CComment