56ème Lettre Sociale Congolaise : En ouvrant les travaux de la nouvelle politique salariale des agents publics de l’Etat le 24 avril 2025, le Président de la République a-t-il mis en exergue le besoin de restaurer le nouvel ordre social issu de la tradit

« C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.
Chères lectrices, chers lecteurs,
- « La nouvelle culture commence là où le travail et le travailleur sont traités avec respect » telle est la citation de Maxime Gorki qui montre l’importance que revêt la nouvelle politique salariale des agents publics de l’Etat initiée par le Chef de l’Etat si cette dernière(politique salariale » passait du formel au réel.
- L’ouverture des travaux de la nouvelle politique salariale des agents publics de l’Etat par le Président de la République le 24 avril courant n’est pas un fait anodin, car, dans l’histoire sociopolitique congolaise, le 24 avril 1990 est la date du discours présidentiel d’avènement de la 3ème République consacrant le retour au pluralisme politique et syndical.
- En République démocratique du Congo, le pluralisme politique et syndical est tellement protégé qu’il ne pas faire, selon le 4ème point de l’expose des motifs de la constitution congolaise du 18 février 2006, l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
- Le pluralisme politique tel que prescrit au point 4 de l’exposé des motifs et à l’article 6 de la constitution congolaise est à la base de la mise en place d’un nouvel ordre politique prescrit au 3ème paragraphe de ce même exposé des motifs de la même constitution congolaise sur base duquel le peuple choisit souverainement au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles.
- Pour qu’il ait cohérence entre le pluralisme politique et le syndical, la mise en place d’un nouvel ordre politique a créé un besoin de la mise en place d’un nouvel ordre social(syndical) fondé sur le pluralisme syndical prescrit au point 4 de l’exposé des motifs et à l’article 38 de la Constitution congolaise sur base duquel les salariés choisissent leurs représentants syndicaux et les délégués syndicaux au terme des élections sociales(syndicales) pluralistes, libres et démocratiques.
- Rappelons que le droit syndical garanti par le pluralisme syndical prescrit par la constitution congolaise fait partie, selon le point 5 de l’article 61 de la constitution congolaise ci-haut citée, des droits de défense auxquels il ne peut être dérogé en aucun cas, même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé.
- Revenons ainsi au pluralisme politique et syndical pour préciser que le discours présidentiel du 24 avril 1990 d’avènement de la 3ème république avait ainsi mis fin au parti unique (Mouvement Populaire de la Révolution, en abrégé, MPR) et au Syndicat unique (Union Nationale des Travailleurs du Zaïre, en abrégé, UNTZa) instaurés après le coup d’Etat opéré par Mobutu Sese Seko du 24 novembre 1965.
- Il demeure ainsi fondé de préciser que le retour au pluralisme politique et syndical est le résultat de l’engagement et la détermination pour la liberté et la démocratie de 13 parlementaires parmi lesquels figurait Etienne Tshisekedi wa Mulumba d’heureuse mémoire.
- L’engagement et la détermination de ces 13 parlementaires se montrent au travers l’épigraphie de leur lettre ouverte que voici, je cite : « Celui qui a la conscience d’avoir mérité de son pays et surtout de lui être encore utile, celui qui ne se rassasie pas une vaine célébrité et qui dédaigne les succès d’un jour pour une véritable gloire, celui qui veut dire la vérité, qui veut faire le bien public indépendamment des mobiles mouvants et de l’opinion populaire, cet homme porte en lui la récompense de ses services, le charme de ses peines, le prix de ses dangers ; il ne doit pas attendre la moisson, la destinée de son nom que du temps, le juge incorruptible qui fait justice à tous »,fin de citation. Cette lettre ouverte de ces 13 parlementaires a été publiée en 1980 par Jean François Bayart.
- Intériorisée, cette épigraphie a permis à l’un de ces 13 parlementaires, en l’occurrence Etienne Tshisekedi wa Mulumba de construire, au fil des années, une tradition démocratique congolaise avec la liberté et la démocratie comme idéologie de base de lutte contre la dictature. C’était ainsi que dans son discours programme à la conférence nationale souveraine, Etienne Tshisekedi(1992) avait présenté la liberté et la démocratie comme des idéaux pour lesquels lui et ses compatriotes d’infortune avaient lutté et consacré toute leur vie ces dernières décennies là.
- La liberté et la démocratie constituent l’idéologie de la tradition démocratique congolaise, car, Claude Lefort cité par Kabuya Lumuna Sando(2011) précise que l’idéologie est « un corpus de thèses ou appareils des croyances qui ont fourni l’armature de diverses pratiques collectives ». De son côté, dans son document intitulé « La tradition syndicale congolaise trahie » paru au quotidien Le Phare n°5294 du 28 mars 2016, NGANDU Nkongolo Jean Joseph revient avec le dictionnaire Littré (2008 :84) qui définit la tradition comme « tout ce que l’on fait ou pratique par tradition, c’est-à-dire, par une transmission de génération en génération à l’aide de la parole ou l’exemple ». C’était à ce titre qu’Etienne Tshisekedi wa Mulumba s’était illustré par sa lutte pour la liberté et la démocratie qui a fait prendre conscience aux congolaises et congolais de jouer leur rôle de souverain primaire.
- Les congolaises et les congolais qui avaient adhéré à la lutte pour la liberté et la démocratie ont été appelés « peuple acquis au changement » par Etienne Tshisekedi. A son tour, le peuple acquis au changement a donné, entre 1991 -1992, le nom de Moise à Etienne Tshisekedi.
- La rencontre Moise et peuple acquis au changement a mis en exergue les quatre fonctions de l’idéologie qui ont forgé la confiance mutuelle entre Etienne Tshisekedi comme leader aspirant au pouvoir et le peuple acquis au changement comme son futur gouverné. Selon Kabuya Lumuna cité ci-haut les quatre fonctions de l’idéologie sont : 1) légitimer le détenteur du pouvoir ou l’aspirant au pouvoir par la tradition ou par l’élection ; 2) expliquer pourquoi le détenteur du pouvoir ou l’aspirant au pouvoir est « l’homme qu’il faut » ; 3) justifier que le détenteur du pouvoir ou l’aspirant au pouvoir est normal et bienfaisant pour les gouvernés; 4) convaincre les gouvernés que la présence du détenteur du pouvoir ou l’aspirant au pouvoir est normal et bienfaisant.
- C’était ainsi qu’élu premier ministre à la Conférence Nationale Souveraine et considérant le travail comme l’élément fondamental du nouvel ordre social, découlant du pluralisme syndical prescrit au point 4 de l’exposé des motifs et aux articles 36 et 38 de la constitution congolaise, pour atteindre le progrès social, Etienne Tshisekedi présenta la définition de la politique salariale juste et décente parmi ses priorités au plan social.
- Hélas, cette politique salariale juste et décente n’a jamais été définie étant donné qu’Etienne Tshisekedi n’était jamais parvenu à exercer les fonctions de premier ministre pour lesquelles il a été élu. Pourtant, dans sa tribune intitulée « La nouvelle société zaïro-congolaise vue par Etienne Tshisekedi », Mbokolo Yongeli Essime cité par Ngandu Nkongolo Jean Joseph(2021) montre que « l’opposant historique s’imaginait un Etat de droit où la justice sociale serait le socle du partage équitable et équilibré des ressources naturelles ».
- Toutes choses restant égales par ailleurs, l’on ne peut que situer la nouvelle politique salariale des agents publics de l’Etat initiée par le président de la République dans la définition de la politique salariale juste et décente d’Etienne.
- Dès lors, la nouvelle politique salariale des agents publics de l’Etat étant une innovation sociale, il importe de préciser que dans une innovation sociale, la nouvelle réponse à un besoin mal satisfait implique la participation des bénéficiaires à cette réponse. Dans le cas sous nos yeux, les bénéficiaires sont des agents publics de l’Etat parmi lesquels figurent ceux jouissant du droit syndical, c’est-à-dire le droit qu’ont ces agents de former des syndicats et d’élire leurs représentants syndicaux et des délégués syndicaux pour les représenter auprès de l’Etat Employeur. Sans être exhaustif, on cite les agents de carrière des services publics de l’Etat, les magistrats, les membres du personnel de l’enseignement supérieur, universitaire et de la recherche scientifique.
- Ce sont donc ces agents publics de l’Etat qui doivent participer à l’élaboration de la réponse au besoin mal satisfait qui est la justice sociale et équitable ou à défaut leurs représentants élus démocratiquement.
- Malheureusement, l’improvisation de certains agents publics de l’Etat et d’autres personnes sans mandat syndical ni le mandat des agents de l’Etat n’a pas permis l’éclosion d’un nouvel ordre social congolais. Dans ma 50ème lettre sociale congolaise intitulée « Pour que le temps ne légitime pas la carence documentaire de représentation des magistrats comme salariés au sein de la magistrature congolaise », j’ai montré qu’il n’existait pas de délégation syndicale des magistrats en République démocratique du Congo. De même, pour les agents de carrière de services publics de l’Etat, depuis le 24 avril 1990, les élections sociales n’ont été organisées qu’une seule fois en octobre 2013. Il y a donc carence de représentation des agents de carrière étant donné que le mandat syndical est de 3ans. Par conséquent, le mandat syndical des agents de carrière élus délégués syndicaux en 2013 avait expiré depuis octobre 2016.
- Le droit de défense dont découle le droit syndical garanti par constitution congolaise étant protégé par le point 5 de l’article 61 de la même constitution congolaise, l’absence des représentants des agents publics de l’Etat jouissant du droit syndical est une violation de la constitution congolaise.
- Face à cette violation du droit syndical, l’un des droits fondamentaux de l’homme garanti par la constitution congolaise, l’adresse du Père de la démocratie congolaise, Etienne Tshisekedi(1992), au peuple acquis au changement mérité d’être rappelé ici, je cite : « M’adressant à ce peuple, je lui rappelle pour lui faire prendre conscience que nos peines ne sont pas encore terminées. Maintenant que grâce à son courage il a retrouvé la liberté et la démocratie, il faut qu’il en use pour pouvoir être maitre de son destin », fin de citation. Ce rappel doit être constamment mis en exergue pour que les agents publics de l’Etat jouissant du droit syndical qui sont allés voter leur président de la République, leurs députes nationaux et provinciaux ainsi que leurs conseillers communaux le 20 décembre 2023, élisent aussi leurs représentants des travailleurs sur le plan social.
- Les élections sociales sont aussi une exigence de la démocratie. La mauvaise gouvernance dans beaucoup de services publics de l’Etat est consécutive au rejet de la démocratie sociale. Ce rejet contribue à l’affaiblissement de notre régime démocratique. Un syndicat sans mandat des travailleurs salariés qu’il prétend défendre est un danger non seulement pour la démocratie, mais aussi pour les travailleurs salariés.
- J’ai fait ma part avec ma coupe pleine.
Fait à Kinshasa, le 07 juillet 2025
Jean Joseph NGANDU NKONGOLO
Anthropobibliologue, Chercheur, Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail.
E-mail :
+243 994 994 872
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