Le Congo que nous cherchons !

(Par le Prof. Patience Kabamba)
Nous ne le cherchons pas dans un future messianique, mais aujourd’hui. Les évènements du Congo conduiront surement à des changements importants. Le présent MDW souscrit à ces changements , mais pas nécessairement un changement d’individus ou de régime bien que cela puisse toute fois constituer une condition nécessaire, pas suffisante. De quel Congo rêvons-nous ? Dans quel monde voulons-nous vivre ? Le MDW d’aujourd’hui a pour but d’exposer une proposition positive pour la RDC.
A chaque introduction de mes cours d’anthropologie, je demande à mes étudiants de me dire ce que font leurs parents. Plus de la moitié de la classe dit que leurs papas travaillent mais leurs mamans restent à la maison; elles ne travaillent pas, disent-ils.
Nous sommes soumis à une définition du travail imposée par le capitalisme. En effet, dans le capitalisme, on ne travaille que lorsqu’on met en valeur le capital. Dans le capitalisme ne travaille que celui ou celle qui produit de la valeur économique. Cette définition du travail qui est devenue normalisée, fait que même les jeunes étudiants pensent que leurs mamans qui les nourrissent et entretiennent leurs foyers chaque jour, ne travaillent pas.
Le capitalisme a fait main basse sur la définition du travail et de la valeur. Aujourd’hui, n’est reconnue comme valeur que la valeur capitaliste. Des nombreux commentaires sur le MDW de la semaine dernière au sujet du salaire remis à tous les congolais à partir de 18 ans tournaient autour du fait qu’on ne peut pas remettre de l’argent aux gens qui ne travaillent pas. Ces remarques montrent comment nous sommes prisonniers de la définition capitaliste du travail et de la valeur.
Le Fond Monétaire International, communément connu comme FMI, considère les enseignants congolais comme des non-productifs car pour cette institution capitaliste, travailler, c’est produire de la valeur économique. Les enseignants qui produisent de la valeur non-marchande sont classés sur la rubrique de la dépense car ils sont payés à partir de l’argent récoltés auprès des entreprises productrices des valeurs économiques. Ainsi lorsque le FMI demande de réduire les dépenses de l’État, la réduction des salaires des enseignants est sur la ligne de myrrhe. Nous allons montrer que les enseignants sont des producteurs des valeurs et non des consommateurs. Ils produisent de la valeur non-marchande. Travailler dans le capitalisme, C’est produire de la valeur marchande. Lorsque les détracteurs du salaire à vie disent que les Congolais ne feront rien s’il sont payés quel que soit ce qu’ils font, ils se réfèrent à ce qui s’est imposé à tout le monde comme définition du travail.
Pierre Bourdieu disait que toute imposition d’une définition laisse toujours de côté plusieurs collatéraux possibles. Une définition d’un concept n’épuise pas toutes les dimensions complexes du concept en question. Lorsqu’on définit une chose, on laisse toujours de côté d’autres dimensions possibles de la définition. J’aimerai ici remettre en scelle la dimension anthropologique de la valeur. Dans la perspective anthropologique du monde, la femme au foyer travaille ; l’enseignant travaille et produit de la valeur non-marchande. La personne qui ne produit rien en terme d’argent, mais répare les toitures des maisons de vieilles personnes dans un village, travaille. Le travail est une nécessité anthropologique. La définition capitaliste du travail est une définition parmi tant d’autres. Malheureusement, cette définition capitaliste s’est imposée à tout le monde et s’est normalisée.
La production dans la conception anthropologique du travail.
Dans le travail capitaliste un entrepreneur privé recourt généralement à un emprunt à la banque pour se procurer des moyens de production. Les grandes industries en font autant de sorte que le travailleur qui est payé à la tâche, travaille pour rembourser une dette contractée par l’usine. L’entrepreneur privé travaille pour s’acquitter de sa dette. Les investissements se font ainsi. Dans la dimension anthropologique du travail, nous proposons des investissements par subventions ou par un crédit public. Des fonds publics seront alloués aux entreprises pour se procurer des moyens de productions, ainsi va-t-on travailler non pas pour rembourser une dette, mais pour faire avancer la reproduction de la communauté. La banque centrale, par exemple, va subventionner les achats des moyens de production de sorte que les gens ne travaillent pas pour rembourser une dette ; Ils travaillent pour l’avancement de la communauté. Un investissement par la subvention permettra de produire de la valeur économique qui ne bénéficiera pas à une banque à qu’il faut rembourser un prêt.
Dans la perspective que nous proposons, il y a une souveraineté populaire sur le travail. L’infirmière va soigner non pas pour rembourser une dette, mais parce qu’elle aime son travail et son ambition personnelle d’assumer une responsabilité dans la communauté et dans le monde. L’argent qui sera distribué a vie à partir de 18 ans sera produit par la communauté à travers des investissements par subvention (non par endettement). Il en sera de même de la création monétaire par subvention et non par endettement comme dans le capitalisme.
Il fait partie de l’ambition humaine légitime de vouloir construire une société saine et prospère. La démarche scientifique participe de cette ambition. C’est pourquoi, elle mobilise la rigueur, la précision, et la qualité. Il y a des découvertes scientifiques qui ne peuvent se faire que sur une échelle macro-sociale. La division de travail est à ce niveau d’intégration globale. C’est la conjugaison des intelligences qui permet de mettre en place un vaccin, par exemple. Il faut une certaine intégration mondiale dans la manière d’organiser la division de travail pour réaliser cette ambition anthropologique d’une société riche et prospère.
Jusqu’aujourd’hui cette ambition anthropologique est prise en charge par le capitalisme, mais de la pire manière. En refusant le productivisme capitaliste, on ne refuse pas l’ambition humaine d’une vie saine et prospère pour tous les êtres humains. Notre perspective garde cette ambition anthropologique d’une vie bonne sans la dimension fétichiste du profit capitaliste tous azimuts. Les crédits publics seront mis à la disposition des caisses communes selon les échelles locales, provinciales et nationales.
Pour accompagner cette ambition, il faut un État communiste que nous définissons comme l’ensemble des fonctions collectives nécessaires inscrites dans un système institutionnel opérant avec des caisses économiques aux niveaux local, provincial et national. Les investissements locaux feront partis des choix au niveau local, de même pour les investissements régionaux ou nationaux. L’État sera multiscalaire et fonctionnera selon le principe de subsidiarité.
Le MDW d’aujourd’hui veut donc reconnaitre la valeur produite par les parents, les enseignants et tous les congolais qui recevront un salaire quel que soit ce qu’ils feront. Nous avons voulu sortir le travail de sa définition capitaliste. Et c’est au présent qu’il nous faut subvertir cette définition qui s’impose comme naturelle. La valeur marchande fait partie de l’économie. L’économie est l’appropriation collective par des individus de ce qui leur appartient. C’est le lieu concret de l’expression de leur puissance collective.
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