De grâce, cessez de présenter Félix Tshisekedi en "poseur des pièges"...

De grâce, cessez de présenter Félix Tshisekedi en "poseur des pièges"...

(Par Omer Nsongo die Lema)

Cette ligne de défense adoptée sous Etienne Tshisekedi de son vivant et que l'on veut relancer sous Félix Tshisekedi est tout ce qu'il y a de contreproductif, car elle accrédite la thèse d'un leadership non sincère à l'égard de tout partenaire ou de tout adversaire approché !

"Sacrifiables à tout moment "

Participant les 9 et 10 octobre 2025 à la 2ème édition de Global Gateway Forum tenu à Bruxelles, le chef de l'État congolais a créé la surprise en tendant la main à son homologue rwandais. Dans une partie de son discours visiblement improvisée (à cette étape, il ne se réfère pas au texte), il déclare, s'adressant précisément à Paul Kagame : "Je prends à témoin ce forum et le monde entier pour vous tendre la main afin que nous fassions la paix des braves et cela demande que vous donniez l’ordre aux troupes du M23 qui sont soutenues par votre pays d’arrêter cette escalade qui a fait suffisamment de morts ; nous les comptons par millions depuis des années (...) «l’histoire nous jugera. Il est temps d’arrêter et de nous tourner vers la paix et le développement ». Signé Présidence de la République Démocratique du Congo.

Que Félix Tshisekedi se soit abstenu de rappeler les propos va-t-en-guerre déversés sur Paul Kagame au cours de ces trois dernières années, c'est tout à fait compréhensible. Mais, il n'est pas sans savoir qu'il y a une contrepartie à donner et qui se devine : la neutralisation des Fdlr (ce qui n'est rien) puisqu'en termes de dangerosité, ce groupe armé rwandais est "maitrisable", pour paraphraser l'autre.

Or, dans cette contrepartie, il y a aussi et surtout les Wazalendo. Comment ces derniers pourraient-ils réagir en se découvrant désormais "sacrifiables" à tout moment ?

Formons l'espoir que le Gouvernement va leur trouver une alternative crédible.

La fable du garçon berger qui criait au loup...

C'est vrai que Tshisekedistes purs et durs comme Tshisekedistes modérés ont été pris au dépourvus, à l'instar d'ailleurs des Wazalendo et sans doute des FARDC. Ça se remarque dans le florilège des réactions, chacun y allant avec son argumentation pour féliciter Félix Tshisekedi de sa lucidité, de sa perspicacité, de sa sagacité.

Cet effet de surprise est le même ressenti un certain 24 avril 1990 lorsque le maréchal Mobutu décida de la dissolution du MPR Parti-Etat à l'insu de bon nombre de ses proches.

A l'époque, les réseaux sociaux n'existaient pas.

Ce qui est toutefois vrai, c'est que l'acte "héroïque" de Mobutu avait affecté la confiance des hauts cadres du Parti et de l'État. Les caciques s'étaient découvert "sacrifiables". Le MPR Fait privé ne s'en remit jamais.

Croisons les doigts pour que son puîné consanguin (UDPS) ne connaisse pas le même sort avec l'acte "héroïque" de Félix Tshisekedi à Bruxelles.

Ce qui est déjà gênant dans le narratif développé par les communicateurs du parti présidentiel, c'est le recours au vieil argument appelé "piège".

Ceux de notre génération s'en souviennent : lorsqu'il était visiblement constaté une bavure dans le chef d'Etienne Tshisekedi, la réponse mécanique que sa communication utilisait s'appelait "piège". D'où les manchettes des tabloïds pro-UDPS du genre "Etienne Tshisekedi a piégé Mobutu". "Piège tendu par Etienne Tshisekedi à Laurent-Désiré Kabila". "Joseph Kabila est tombé dans le piège d'Etienne Tshisekedi". La tactique du piège passait pour un exploit.

Et voilà que la communication actuelle de Félix Tshisekedi  récupère cet argument, oubliant que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

En effet, dès lors que la tactique politique du leadership de L'UDPS consiste à piéger adversaires et partenaires qu'on approche, c'est que les partenaires et les adversaires avertis sont "préparés" à ne pas croire dans toute initiative de...bonté.

C'est un peu comme dans la fable d'Esope relative au garçon berger qui criait au loup. Deux fois, le jeune homme s'était joué des villageois alors qu'il n'y avait aucune menace. La troisième, la menace était réelle. Criant au loup, il sera simplement ignoré des villages qui ne croyaient plus à ses cris.

Ainsi, à force de lier au piège ses faits et gestes aujourd'hui comme on le faisait hier pour Etienne Tshisekedi, on détruit en réalité le leadership de Félix Tshisekedi.

En contrepartie de quoi ?

Et pour cause !

Tendre la main à Paul Kagame n'est pas le problème. C'est plutôt un acte courageux à saluer, à féliciter.

Prendre à témoin les chefs d'État ou de Gouvernement ainsi que des acteurs institutionnels européens et américains présents au forum de Bruxelles n'est pas non plus un problème. C'est une bonne chose.

Le problème est plutôt de *les prendre au dépourvu* !

Si, avant de s'exprimer, le Président Félix Tshisekedi a mis dans la confidence quelques-uns de ses interlocuteurs en fonction de leur notoriété, c'est bon. Cas des Présidents africains Joao Lourenço et Cyril Ramaphosa. Ou du ministre belge des Affaires étrangères Maxime Prévôt sinon du conseiller de Donald Trump pour l'Afrique Massad Boulos.

Si, par contre, cela n'a pas été le cas, alors il a commis une faute diplomatique. Ceci de un.

De deux, il a réduit la crise à une dimension diplomatique pendant qu'il a conscience du fait qu'au départ, il y a eu le Processus interne (Nairobi devenu Doha) et le Processus externe (Luanda devenu Washington).

L'annonce de Bruxelles intervient comme un rejet de Nairobi-Doha et de Luanda-Washington. Nous y revenons plus bas.

De trois, quand on tend publiquement la main à quelqu'un, on n'expose pas publiquement les conditions.

Malheureusement, Félix Tshisekedi l'a fait. Cela apparaît comme un marché (pour ne pas dire un chantage) puisqu'il réclame de Paul Kagame l'arrêt de tout soutien au M23.

Il est de notoriété publique que  malgré toutes les preuves réunies contre lui, le chef de l'Etat rwandais continue de nier son soutien à ce mouvement, de même la présence de ses troupes sur le territoire congolais.

Accepter la main tendue de Félix Tshisekedi c'est une chose. Accepter le désarmement du M23 en est une autre puisque ça veut dire, pour lui, reconnaissance de l'un et de l'autre. Reconnaître l'agression veut dire se soumettre à  toutes les conséquences qui en découlent en droit international.

À supposer, du reste, que Paul Kagame en vienne à jouer le jeu, Félix Tshisekedi ne peut que s'attendre à une contrepartie ! Celle que Doha était déjà en train d'envisager.

Or, du moment que l'annonce de l'initiative de Bruxelles intervient au lendemain même de celle de la suspension de sa facilitation, Doha est en droit de se considérer comme pris au piège !

Dans la même logique, l'annonce de l'initiative de Bruxelles intervient au lendemain de la décision de Kinshasa de surseoir à la signature de l'accord économique négocié avec le Rwanda sous l’égide des États-Unis, signature subordonnée au retrait complet des forces rwandaises présentes sur le territoire congolais.

Washington est aussi en droit de considérer cela comme un piège !

Aussi, Américains et Qataris pourraient interpréter l'acte posé à Bruxelles comme un recentrage de la diplomatie congolaise sur l'Union européenne ; la diplomatie américano-qatarie ne s'étant pas révélée favorable à Kinshasa.

Il aurait fait d'une pierre deux coups

Félix Tshisekedi aurait par contre créé un grand événement non pas en se limitant à tendre la main à Paul Kagame, mais en plus en le prenant au mot, c'est-à-dire en annonçant la convocation du Dialogue national, lui qui jure par tous les dieux que la crise sécuritaire à l'Est est une affaire congolaise.

C'est justement ce que  recommandent à Félix Tshisekedi l'Union africaine, les Etats africains comme l'Angola et l'Afrique du Sud ainsi que les organisations communautaires africaines que sont la CEEAC, la SADC, l'EAC et la CIRGL. Pour info, il prend la présidence rotative de celle-ci pour l'exercice 2025-2026 !

C'est, du reste, vers le même Dialogue que le poussent  Américains, Européens et Asiatiques.

Conséquence : autant il a déclaré à Paul Kagame pour le volet diplomatique qu' "Il n'est jamais trop tard pour faire du bien", autant aurait-il dû le faire pour le volet politique et boucler la boucle.

Agir autrement peut avoir pour conséquence de se laisser prendre à son propre piège !

Les jours à venir seront édifiants...

Omer Nsongo die Lema

@omernsongo

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