Un monument pour Mama Mbilia Bel, Phénoméne-Etoile
(Par le Professeur Kentey Pini-Pini Nsasay, Cerdotola/Inadep &
Université de Bandundu)
Dans cet article je vais un plaidoyer en faveur de Mama Mbilia Bel artiste musicienne de notre pays parmi les plus grands et les plus sublimes. Ce plaidoyer est adressé aux autorités, dirigeants de notre pays à tous les niveaux du pouvoir mais également, à tous les concitoyens amoureux de la nation congolaise affectueusement appelée « Kongo eloko ya makasi ». Car c’est à travers les œuvres, le marteau du forgeron, que cette force, cette dynamique, de transformation doit se manifester. Construire un monument imposant pour honorer Mama Mbilia Bel contribuera à ne pas douter à la réalisation du nouveau Kongo, celui de nos rêves.
Mbilia Bel est un nom connu au Kongo des plus jeunes aux ainés. Partout dans le monde ce nom honore notre pays à cause de son talent extraordinaire de chanteuse et de danseuse hors pair. C’est le Seigneur Tabu Ley qui l’avait révélée en tant que telle. Car, c’est lui qui avait annoncé au Kongo entier ébloui que Mbila Bel était un phénomène tel qu’on en trouve que tous les cinquante ans. Ce qu’elle-même avait reconnu dans sa célèbre chanson « Phénomène – Etoile filante ». La révélation de Tabu Ley avait eu lieu en 1974 après la sortie de sa célèbre chanson Mpeve ya Longo chantée d’une voix divine par Mbila Bel, alors très jeune. Elle venait de faire ainsi une entrée fracassante dans l’arène musicale congolaise après bien d’autres Mamans de talent comme Lucie Eyenga, Abeti Masikini, Mpongo Love ou encore Tsala Mwana, et bien d’autres.
Il est vrai que toutes ces Mamans avaient des talents immenses. Elles méritent toutes des monuments pour marquer leur distinction dans notre société. J’ai été très heureux de trouver une avenue baptisée du nom de Mama Tshala Mwana à Masina Sans-fil. J’espère qu’il y a d’autres avenues ou rues semblables qui témoignent notre reconnaissance nationale envers ces célèbres Mamans Congolaises.
Mais, le monument à Mama Mbilia Bel se justifie plus que ceux des autres Mamans actuellement d’abord à cause de son talent immense, mais surtout parce qu’elle est encore vivante. Et ce serait une première de vraiment récompenser une personne célèbre de son vivant. Elle-même pourrait être présente à l’occasion de l’inauguration de cette œuvre. Car quand on a tant donné aux autres, on est aussi content de recevoir un peu d’eux pas seulement en apprenant que vos belles mélodies sont écoutées dans des maisons et dancings, mais aussi que les mélomanes et les dirigeants vous rendent honneur avec une belle œuvre, un monument en votre honneur. Mama Mbila Bel sera si heureuse de découvrir son monument construit par la nation. Elle aura les larmes aux yeux.
Professeur Kentey Pini-Pini Nsasay, Cerdotola/Inadep & Université de Bandundu
Ce monument à Mama Mbilia Bel sera aussi un monument à Mama Kongo, la mère de la nation. Car dans notre tradition ancestrale la femme n’est pas célébrée en tant que femme, sexe différent de celui de l’homme, mais en tant que mère, Mama, celle qui donne naissance à l’humanité. Dans notre tradition, célébrer la femme en tant que femme n’a pas beaucoup de sens parce qu’il n’y a pas de raison objective de le faire. La femme est femme comme l’homme est homme. Il n’y a ni mérite ni honte à cela. Par conséquent il n’y a pas de raison de célébrer la femme. Par contre, célébrer la mère de l’humanité, notre mère à tous, hommes et femmes, est un devoir pour chacun de nous. C’est ce que nous apprend la tradition.
En effet, ce qui frappe d’emblée les observateurs extérieurs en Afrique c’est le rôle prépondérant de la mère dans la succession qui est matrilinéaire. En règle générale, et contrairement à ce qu’on croit la succession au trône dépend de la femme-mère parce que ce ne sont pas les propres fils du roi ou du chef qui lui succèdent mais plutôt ceux de ses sœurs, ses neveux. Le grand Cheikh Anta Diop nous apprend qu’en droit noir, le principe est que le domicile conjugal est le domicile de l’épouse. La demeure des mariés est, dans tous les sens du terme, la maison de la femme. Dans ce sens, en Afrique traditionnelle, c’est le mari qui se déplaçait s’il voulait cohabiter (que ce soit de manière temporaire, épisodique ou permanente) avec son épouse. Même actuellement le foyer conjugal demeure sous l’entière responsabilité de la mère, la maîtresse de la maison.
Jusqu’aujourd’hui, partout chez nous en Afrique, c’est la femme-mère qui reçoit la garantie sous forme de dot dans l’alliance qu’est le mariage. Car sans la mère il ne peut avoir ni clan ni village, ni cité, ni pays. Toute agglomération vit par la présence bienheureuse de la mère. A son retour à la maison, les enfants jubilent, ils sont heureux, car maman est revenue. La mère incarne la vie, la joie, l’équilibre, le pouvoir. L’oncle, le mâle, acquiert le pouvoir à titre de protecteur et d’organisateur. Il est le père social. Il protège en premier sa mère, ses sœurs, ses nièces et neveux, enfants de ses sœurs, enfants du clan. C’est pour cela que l’héritage est matrilinéaire.
Voilà donc les raisons objectives qui me pousse à plaider pour la célébration de Mama Kongo, la Mère de notre humanité à travers Mama Mbilia Bel. Il s’agit de célébrer Mama Kongo, la Mère de l’Humanité, d’une façon solennelle et permanente par ce monument, d’une façon concrète et non anonyme. Car la célébration du 08 mars dédiée à la femme ne nous concerne pas vraiment. Elle correspond au paradigme, à la mentalité chrétienne occidentale, laquelle a mené une guerre sans merci contre la femme, contre la maternité, contre la famille jusqu’à aller exposer les femmes dans des vitrines pour le plaisir comme les Noirs furent aussi exposés dans des zoos humains pour le même plaisir. Nous devons rejeter cette célébration indigne pour la véritable célébration permanente de Mama Kongo. Mais d’abord commençons par ériger un ou plusieurs monuments à Mama Mbilia Bel, Phénomène-Etoile.
En effet, exception faite des quatre monuments de la musique que sont Grand Kallé Kabasele Tshamala, Docteur Nico Kasanda, Grand Maître Franco Lwambo Makiadi et Seigneur Rochereau Tabu-Ley, elle est la meilleure chanteuse et la meilleure danseuse d’entre tous. Elle chante aussi bien qu’elle danse. Elle est la seule qui peut exécuter trois mouvements différents en même temps sur son corps en dansant. Mbila Bel est une merveille pour l’écoute et pour la vue sur scène. Honorons-la. Je suggère que le rôle de la Mère dans notre société nationale fasse partie du programme des cours à la citoyenneté au secondaire comme à l’université.
Ce sera aussi un signal fort que la nation enverra à Paul Kagame et à ses terroristes qui souillent sans arrêt le corps divin de Mama Kongo en en faisant l’objet de leurs mutilations sauvages et de leurs violations immondes sur injonction de leurs maîtres criminels.
Professeur Kentey Pini-Pini Nsasay
Cerdotola/Inadep
Université de Bandundu