47ème Lettre Sociale Congolaise : Le Vice-Premier Ministre en charge de la Fonction Publique de Jean Michel Sama Lukonde sera-t-il différent de celui de Judith Suminwa Tuluka ?

(Par Jean Joseph Ngandu Nkongolo, Anthropobibliologue, Expert en Anthropobibliologie du Travail, Formateur PsychoSocio-Professionnel et Chercheur à l’Observatoire Congolais du Travail)
« C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.
Chères lectrices, chers lecteurs,
- « Le VPM Jean Pierre Lihau reconduit à la fonction publique. Les fonctionnaires disent merci à Fatshi » tel est le titre paru au quotidien congolais Africa News Série II, n°2398 du vendredi 31 mai 2024. Ce titre corrobore le propos d’un certain syndicaliste que j’ai suivi au journal parlé de Top Congo du samedi 25 mai 2024 de 6h du matin. Ce dernier exprimait son souhait de voir le Vice premier en charge de la Fonction Publique, modernisation de l’administration et innovation du service public et le Ministre d’Etat en charge du Budget sortants être reconduits par leur nomination au Gouvernent de la Première Ministre Suminwa Tuluka Judith dont la sortie était imminente. Ce syndicaliste affirmait que les Vice Premier Ministre et Ministre d’Etat susmentionnés avaient bien travaillé.
- Contrairement au syndicaliste qui n’énonçait pas de raisons pour soutenir la reconduction de ces deux membres du gouvernement Jean Michel Sama Lukonde, « les fonctionnaires » cités au quotidien africa news justifient leur joie par certains actes posés par le Vice Premier Ministre, Ministre de la Fonction Publique, Modernisation de l’Administration Publique et Innovation du Service Public. Ils ont cité notamment : la mise en place d’un cadre dénommé « Face à face avec le VPM » qui permettait au VPM en Charge de la Fonction Publique d’échanger publiquement avec les fonctionnaires chaque mercredi de 10heures à 13 heures, la valorisation de la retraite avec l’augmentation des frais de la pension, le dialogue social est son arme incontournable pour trouver des solutions dans les 75 administrations publiques que compte le pays, la mécanisation de plus de 150.000 fonctionnaires,…
- J’ai salué la matérialisation de la volonté du Président de la République d’honorer par la notification de la mise à la retraite et le paiement de sa pension à toutes celles et tous ceux qui ont rendu des loyaux services à l’Etat congolais. Car, pendant plusieurs décennies, le sort des agents de l’Etat qui étaient éligibles à la retraite était laissé à la décision du maître temps qui décidait toujours en leur défaveur par leur mort. Les salariés employés par l’Etat congolais à l’intérieur de la RDC attendent impatiemment expérimenter ce que leurs collègues de la capitale ont expérimenté dans certains ministres quant à la retraite
- Cependant, les justifications données, par « les fonctionnaires » cités dans le quotidien africa news, pour la reconduction du Vice Premier Ministre, Ministre de la Fonction Publique, Modernisation de l’Administration et Innovation du Service Public sont insuffisantes et moins nécessaires vu les objectifs assignés à la vice primature en charge de la fonction publique, modernisation de l’administration publique et innovation du service public.
- Production de la 47ème lettre sociale congolaise, qui relève de l’anthropologie de l’écriture ordinaire, c’est-à -dire, sur les faits vrais, vécus et évidents, vise le rétablissement de la vérité, car, Récade cité par Marie Soleil Frère(2000) montre qu’ « un peuple privé de la vérité a beaucoup de peine de recréer l’image de son passé et penser l’avenir à mesure de son pays ». Dans le contexte de la vice primature de la fonction publique, modernisation de l’administration publique et innovation du service public du gouvernement Jean Michel Sama Lukonde, le rétablissement de la vérité passe par l’analyse bibliologique de l’ordonnance n°21/012 du 12 avril 2O221 portant nomination des vice premiers ministres, des ministres d’Etat, des ministres, des ministres délégués et des vice ministres de la République démocratique du Congo. Car, c’est cette ordonnance qui a introduit les nouveaux concepts de Modernisation de l’Administration Publique et d’Innovation du Service Public à la traditionnelle Fonction Publique.
- Dès lors, il demeure fondé de préciser que l’introduction de ces deux nouveaux concepts a donc rendu possible l’existence de la jonction stratégique de trois composantes ministérielles qui ont constitué et constituent encore la vice primature de la fonction Publique, Modernisation de l’Administration et Innovation du Service Public pour la réforme de l’Administration publique. La réforme de l’Administration publique est une condition nécessaire pour la réforme de l’Etat, car, Mwayila Tshiyembe (2002) montre qu’« il ne peut y avoir de réforme de l’Etat qui ne soit pas la réforme de l’administration ». L’administration est, pour Tshiyembe, la colonne dorsale voire bras séculier de l’Etat au moyen duquel ce dernier (l’Etat) gouverne la société.
- En introduisant « la modernisation de l’administration publique et l’innovation du service public » à la tradition fonction publique, le Président de la République démocratique du Congo visait et vise encore à rénover la fonction publique en déclin. Ce déclin de la fonction publique a fait l’objet d’un livre de Theo Baruti Amisi intitulé déclin de la fonction publique en République démocratique du Congo : problème d’homme paru en 2013.
- Ainsi donc, eu égard à la jonction stratégique de trois composantes ministérielles susmentionnées, l’on se rend vite compte que les justifications des « fonctionnaires » cités dans le quotidien africa news ne portent que sur la seule composante ministérielle fonction publique. Il s’agit de la fonction publique du paiement des salaires aux agents sans contrepartie qui est le travail rendu. Malheureusement, les deux autres composantes, à savoir la modernisation de l’administration publique et l’Innovation du Service Public auraient été laissées pour
- Dès lors, au-delà de l’anthropobibliologie du travail, tout initié au « new public management » qui prend au pied de la lettre les nouveaux concepts de Modernisation de l’Administration Publique et d’Innovation du Service Public introduits par l’ordonnance n°21/012 du 12 avril 2O221, se rend à l’évidence que la pensée et la volonté politiques du Président de la République comme rationalités pour rénover la fonction publique auraient été en souffrance dans toutes les 75 administrations publiques que compte le pays.
- Parlant de la modernisation de la Fonction Publique, Mwayila Tshiyembe montre que « le fonctionnaire et le service public offrent deux leviers essentiels pour gérer les affaires collectives des citoyens et des administrés ». Ainsi donc la Modernisation de l’Administration Publique comme nouveau concept adjoint à la traditionnelle Fonction Publique de la RDC avait et a encore pour finalité la rationalisation des actes et pratiques de tous les agents œuvrant dans la Fonction Publique.
- Il ne peut y avoir de modernisation de l’administration publique en RDC sans que l’écrit, l’élément clé de la bureaucratie, soit revalorisé dans la fonction publique. Exaltant l’écrit voire l’écriture pour l’Etat, Joseph Ki-zerbo (1969) montre que « l’écriture est un magnifique et formidable outil. Seule l’écriture permet la remise en place d’un appareil étatique de grande envergure ».
- Alors que Marie Soleil Frère(2000) montre que « l’écriture resterait donc un lieu de passage obligatoire pour les populations africaines désireuses de faire entendre leur voix », rares sont les congolais qui se sont adressés aux Chefs politiques et administratifs par écrit et qui ont eu des réponses de la part de ces derniers à leurs préoccupations. Les grands problèmes des citoyens congolais soumis avec confiance et espoir à ces Chefs Politiques et Administratifs seraient considérés comme la crasse et les services courriers de ces chefs se seraient transformés en poubelles. Ceux des expéditeurs qui prennent le risque de faire « le suivi » comme c’est la mauvaise habitude actuellement dans certains cabinets politiques et les secrétariats généraux de l’administration publique sont souvent scandalisés par le manque de classement des courriers, le manque de traitement des courriers, mauvaise gestion de l’information documentaire, etc.
- Si les expéditeurs qui sont par exemple à Kinshasa peuvent faire le suivi de leurs correspondances adressées autorités centrales, que feront alors les expéditeurs de l’intérieur de la RDC qui s’adressent à ces mêmes autorités nationales ? Au phénomène suivi des courriers dans l’administration publique, il faut rappeler l’oralité secondaire (téléphone) qui semble gagner le terrain dans ce secteur avec toutes les conséquences que cela comporte. Le suivi est donc le rappel à l’autorité le travail qu’elle est censée faire et pour lequel elle est payée gracieusement par l’Etat congolais.
- Les rapports des missions de l’Inspection Générale des Finances des 27 avril 2023 et 4 mai 2024 sur l’audit du fichier de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat confirment qu’il n’y a pas eu d’éclosion managériale susceptible de promouvoir la modernisation de l’administration publique.
- Malheureusement, la tendance qui s’installe, aujourd’hui, à la fonction publique et au pays, est de considérer les méfaits de la bureaucratie du mal absolu rendus publics par l’IGF comme des faits sans auteurs. C’est ça un problème d’homme énoncé par Baruti Amisi pour le déclin de la fonction publique. Car, selon Amisi, « il y a crise à la fonction publique et tout le monde incrimine tout le monde ». Ces deux rapports sur les conclusions de ses missions d’audit du fichier de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat rendent dubitable la mécanisation de plus de 150.000 fonctionnaires pompeusement évoquée par « les fonctionnaires » cités par le quotidien Africa News. N’y a –t-il pas d’acheteurs des matricules des vrais agents parmi ces 150.000 fonctionnaires mécanisés ? N’y a –t-il pas de fictifs parmi ces 150.000 fonctionnaires mécanisés ?
- Par ailleurs, tout projet politique ne peut être viable en RDC que si l’Etat crée un service public digne de son nom. Vu l’importance que revêt le service, le Président de la République démocratique du Congo, dans son discours du 20 janvier 2024 est revenu avec insistance sur l’efficace de service public. Pour Tshiyembe ci-haut cité, le service public doit être ancré dans la culture politique de progrès, de vérité et de justice. C’est ce service public qui fait alors partie de la mission moderne de l’Etat, à savoir le développement. Ainsi pour réaliser cette mission, l’Etat dispose des ressources humaines, financières, matérielles et immatérielles.
- C’est ici qu’il convient de préciser que les soins de santé entrent dans la droite ligne des services publics que l’Etat doit assurer à son peuple. Dans cet ordre d’idées la convention « ELIKIA » signée, le 28 juillet 2022, par le Vice Premier, Ministre de la Fonction Publique, Modernisation de l’Administration Publique et Innovation du Service Public et l’Entreprise LISUNGI SA pour la prise en charge des soins de santé et frais funéraires des agents de carrière des services publics de l’Etat ainsi que leurs familles n’a aucun sens du point de vue managérial. Comment l’Etat congolais qui a des ressources humaines constituée du personnel œuvrant au ministère de la santé publique, des ressources financières constituées des salaires qu’il paye à tout ce personnel du ministère de la santé publique, des ressources matérielles constituées des hôpitaux et appareillage diversifié de santé, sur toute l’étendue de la RDC, peut-il confier les soins des santé de son personnel à une entreprise privée ? Avec la bonne gouvernance les frais à verser à l’entreprise privée serviraient à l’amélioration de la qualité des services dans les différentes formations médicales de l’Etat, à la motivation du personnel de la santé pour s’occuper des congolais agents de l’Etat et non agents de l’Etat.
- « Les fonctionnaires » cités au quotidien Africa news ont aussi évoqué le dialogue social comme étant l’arme incontournable qui était utilisée par la vice primature en de la fonction publique, modernisation de l’administration publique et innovation du service public pour trouver des solutions dans les 75 administrations publiques que compte le pays. Un dialogue social de qualité suppose la présence à la table de négociation des représentants des travailleurs tels que définis l’article 3 de cette convention n°135, d’’un côté, « des représentants syndicaux, à savoir des représentants nommés par des syndicats ou élus par les membres du syndicat » et, de l’autre, « des représentants élus, à savoir des représentants librement élus par les travailleurs de l’entreprise, conformément aux dispositions de la législation nationale ou des conventions collectives(…) ».. En République démocratique du Congo le mandat syndical est de trois(3) ans pour les représentants des travailleurs tant des entreprises publiques que privées ainsi que des administrations publiques.
- Curieusement, parmi « les syndicalistes » qui ont participé au dialogue social à la vice primature en charge de la fonction publique, modernisation de l’administration publique, il y en a celles et ceux dont le mandat syndical a expiré depuis 2016, car, les élections syndicales ont été organisées en 2013 et certains autres n’ont jamais reçu mandat des employés salariés des administrations publiques pour parler en leur nom. La soit disant participation de tous ces syndicalistes qui se seraient autoproclamés représentants des travailleurs au « dialogue social » dans les administrations publiques est donc une insulte à la démocratie sociale.
- Cette confusion sur l’exercice du droit syndical à la fonction publique serait encouragée par une opinion qui serait mise en circulation à la fonction publique selon laquelle le ministère de la fonction publique aurait aussi pour attribution « Promotion et suivi des activités syndicales et autres organismes professionnels de la Fonction Publique ». Pourtant, l’Ordonnance n°20/17 du 27 mars 2020 fixant les attributions des ministères confère, en son article 1er .B.17, au Ministère de la Fonction Publique entre autres attributions : « Suivi des relations avec des syndicats et organismes professionnels de la fonction publique ». Il y a donc une nette différence entre « suivre les relations avec les syndicats » et « promouvoir et suivre les actions syndicales». Si la vice primature en charge de la fonction publique promouvait et suivait les activités syndicales, elle contribuerait par son ingérence à l’affaiblissement du syndicalisme en RDC.
- Car, l’abstention de tous actes d’ingérence des organisations des travailleurs ou d’employeurs des unes à l’égard des autres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration, telle qu’énoncée par l’article 235 « Les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent s’abstenir de tous les actes d’ingérence des unes à l’égard des autres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration » de la loi n°015 – 2002 du 16 octobre 2002 portant Code du Travail modifiée et complétée par la loi n°16/010 du 15 juillet 2016, s’impose à tous les employeurs y compris l’Etat - employeur et à tous les syndicats des secteurs public et privé.
- Dans cette confusion bien orchestrée, les « syndicalistes » agiraient soit par manipulation, soit par maffia syndicale à la fonction publique pour leurs intérêts personnels notamment le paiement des jetons de présence sans fondement légal ni scientifique. Le vice premier ministre en charge de la fonction publique , modernisation de l’administration publique et innovation du service public de la Première Ministre Suminwa Tuluka Judith devra donc se démarquer de celui du Premier Ministre Jean Michel Sama Lukonde.
- J’ai fait ma part par cette coupe pleine.
Fait à Kinshasa, le 122 juin 2024
Jean Joseph Ngandu Nkongolo
Anthropobibliologue, Expert en Anthropobibliologie du Travail, Formateur PsychoSocio-Professionnel et Chercheur à l’Observatoire Congolais du Travail
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