De Kolwezi à Lu’shi

De Kolwezi à Lu’shi

(Par Patience Kabamba)

En 1980, Pie Tshibanda a publié un roman intitulé « De Kolwezi à Kasaji », lequel met en scène le lieutenant Nzinga, un officier courageux et sentimental, qui, dans un contexte de guerre, se remémore ses amours passés, ramenant ainsi les conflits à des souvenirs personnels au sein d'une trame narrative qui privilégie les drames sentimentaux. Il s'agissait du conflit du Katanga, une province minière prospère que j'ai récemment traversée, de Kolwezi à Lubumbashi. La présentation d'aujourd'hui portera sur mon séjour à Kolwezi et sur le trajet effectué de Kolwezi à Lubumbashi, en référence au titre de Pie Tshibanda.

Lors de la descente vers Kolwezi à bord de l’Airbus de la Compagnie Africaine d’Aviation (CAA), le pilote a manifesté une tension perceptible et a effectué un atterrissage abrupt, caractérisé par un bruit sourd qui a provoqué un sursaut général parmi les passagers. La décélération subséquente de l'appareil n'inspira guère confiance, d'autant plus que, par les hublots de l'avion, on pouvait observer ce dernier manifester un mouvement discordant. Le décollage à Kinshasa s’étant déroulé de manière impeccable, cet atterrissage non contrôlé a donc pris tout le monde par surprise. L’atterrissage à Kolwezi s’est effectué après une heure et demie de vol, consécutivement à un départ favorable depuis Kinshasa. L’aéroport de la ville de Kolwezi, que je découvrais pour la première fois, était en cours de construction. Un aéroport de grande envergure reflétant l’image des ressources minérales présentes dans la capitale de la province du Lualaba sera construit.

Le Lualaba constitue actuellement la province la plus prospère et la plus dynamique de la République Démocratique du Congo. Madame Fifi Masuka, gouverneure de la province, représente une des personnalités les plus fortunées de la sphère politique congolaise. Quelle est l'origine de cette prospérité ? Des profondeurs géologiques de la province dont elle assure la gestion. Le sous-sol du Lualaba recèle en effet ce que Michael Wrong qualifiait de « rêve de tout État ».

Cet aéroport serait susceptible d'accueillir les aéronefs long-courriers, ce qui favoriserait la venue d'investisseurs étrangers ainsi que d'entrepreneurs nationaux et internationaux. Une fois la construction de l’aéroport achevée, il constituera l’infrastructure aéroportuaire la plus vaste et la plus esthétique du Congo.

À mon arrivée à Kolwezi, une sensation de bien-être intense s'est manifestée lors de l'inhalation de l'air frais, caractérisé par une température d'environ vingt degrés Celsius. L’établissement hôtelier situé dans la nouvelle périphérie de Kolwezi présentait un caractère modeste, mais se distinguait par sa propreté et son accueil irréprochables. Les aliments étaient issus de l'agriculture biologique et présentaient une valeur nutritive élevée. Néanmoins, ce qui impressionne invariablement tout visiteur de Kolwezi est la présence ostensible de véhicules de luxe, notamment des Toyota récents et haut de gamme. Les conducteurs étaient de jeunes individus, au début de leur troisième décennie, exerçant une activité professionnelle dans les exploitations minières disséminées aux quatre coins de Kolwezi. Un nombre significatif d'individus arrivent de Kinshasa, munis de recommandations émanant de personnalités politiques de haut rang, dans le but d'être employés dans les mines. Cette situation désavantage les populations locales, confrontées au chômage dans une ville où le coût de la vie augmente de façon continue depuis l'implantation de Glencore, entreprise suisse, et d'entreprises chinoises qui se partagent l'extraction du cobalt du Lualaba. Le cobalt est employé dans la fabrication des batteries électriques, lesquelles fournissent l'énergie nécessaire au fonctionnement des véhicules électriques. La République Démocratique du Congo maintient sa position stratégique au XXIe siècle, marqué par la lutte contre les énergies fossiles, à l'instar de son rôle prépondérant au début de l'ère automobile en tant que fournisseur de caoutchouc pour les pneumatiques, précédant l'invention des pneus synthétiques. La République démocratique du Congo, source de l'uranium utilisé dans le cadre du projet Manhattan qui a abouti à la fabrication des deux bombes atomiques ayant détruit Hiroshima et Nagasaki et mis fin à la Seconde Guerre mondiale, demeure une nation en première ligne. À l'instar du caoutchouc, dont l'exploitation au Congo s'est traduite par des mutilations infligées par les soldats de Léopold II aux Congolais n'ayant pas atteint les quotas requis, et à l'instar de l'uranium de Chikolobwe, dont le paiement a consisté en une réduction de la dette de guerre belge par les Américains sans contrepartie pour les Congolais, le retour sur investissement du Lualaba suit un circuit similaire, n'apportant aucun bénéfice significatif aux habitants de Kolwezi. La présence d'exploitations minières n'a pas contribué à l'enrichissement des habitants de Kolwezi. Contrairement à la période allant des années mille neuf cents à mille neuf cent quarante-cinq, les étrangers ne sont plus les seuls bénéficiaires des revenus générés par les mines du Lualaba. Actuellement, un groupe de citoyens nationaux tire un avantage économique indu de l’exploitation des minerais du Congo, ce qui maintient la majorité de la population congolaise dans une situation de pauvreté extrême. En effet, le dernier rapport publié par les Nations Unies classe les citoyens congolais parmi les populations africaines confrontées aux plus hauts niveaux de pauvreté. La distinction entre la période coloniale et la situation actuelle réside dans le fait qu'une minorité des Congolais bénéficie des revenus miniers, au détriment de l'ensemble de la population. Le Lualaba illustre de manière manifeste cette problématique.

Le trajet menant à Lubumbashi ne présentait aucune similarité avec les déboires amoureux du lieutenant Nzinga dans le roman de Pie Tshibanda, de Kolwezi à Kasaji, tout en partageant néanmoins certains points communs. La lutte individuelle s'inscit dans le cadre plus large du combat pour la justice en situation de conflit armé. Selon Marx, l’histoire sociale de l’humanité s’avérait fondamentalement analogue à l’histoire de son développement individuel. Leurs relations matérielles ne constituent que les modalités nécessaires à la concrétisation de leur activité matérielle et individuelle. Le matérialisme se manifeste sous deux aspects complémentaires, l’un historique, l’autre biographique, l’histoire des univers sociaux se trouvant indissociablement liée à celle des trajectoires individuelles dans leur dimension personnelle.

En conclusion, il apparaît que tout énoncé théorique constitue une réponse, au moins implicite, à une interrogation collective ou individuelle, ancrée historiquement ou biographiquement. L’histoire se définit comme l’entrelacement complexe de contingences, de nécessités et de volontés, tel qu’il se manifeste dans les logiques opérant au sein des trajectoires singulières des formations sociales et de l’ensemble du genre humain. Nos efforts en faveur d'une justice accrue en République du Congo présentent un caractère à la fois historique et autobiographique.

À Lubumbashi, le discours de Noël de Monseigneur Fulgence Muteba fait l'objet d'un débat. Il a vivement critiqué les accords de Washington relatifs aux minerais de la République démocratique du Congo, qu'il considère comme étant cédés à vil prix pour de nombreuses années. Ses détracteurs, qui ne parviennent pas à définir une durée maximale pour ses accords, n'ont pas hésité à proférer des insultes et des invectives, tout en omettant le fait qu'ils optaient eux-mêmes pour une durée illimitée, alors que le prélat catholique la limite à quatre-vingt-dix-neuf ans. Aucun détracteur n'a spécifié de durée précise concernant les contrats entre la République Démocratique du Congo et les États-Unis, laissant ainsi sous-entendre une temporalité indéfinie. Il apparaît que Trump s'approprie l'image du Roi Léopold II, et ce, à la vue et au su des Américains « honnêtes ! ».

L'application d'une contribution dialectique significative du matérialisme historique aux accords de Washington permet de comprendre comment l'historicité, tout en respectant les conditions générales de possibilité prescrites par le naturel – l'avarice de Trump pour les minerais congolais –, se superpose néanmoins massivement avec ses propres logiques tribales, comme en témoigne le comportement des détracteurs de l'Évêque catholique Fulgence Muteba.

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