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3 Questions à…Trump et l’AGOA, place de l’Afrique dans le monde, « Sud Global » : l’Afrique à deux mois pour se préparer avant la prise de pouvoir officielle par Trump

3 Questions à…Trump et l’AGOA, place de l’Afrique dans le monde, « Sud Global » : l’Afrique à deux mois pour se préparer avant la prise de pouvoir officielle par Trump

La Prospérité – L’élection de Trump constitue-t-elle une menace pour l’Afrique ? L’Afrique ne peut-elle pas, au contraire, voir dans cette élection une opportunité pour affirmer sa souveraineté ?

Christian Gambotti – Le 20 janvier 2025, Trump sera officiellement le 47è président des Etats-Unis. Or, les Africains le savent, l’Afrique n’est pas une priorité pour Trump. Le message du slogan « America First Â» est clair : réduire l'abyssal déficit commercial américain. Trump cherchera à renégocier tous les accords commerciaux de libre-échange, y compris avec l’Afrique. Trump va-t-il annuler, suspendre ou limiter les accords de l’AGOA, dont on célèbrera, en 2025, le 25è anniversaire ? L’objectif de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) est de promouvoir la croissance économique de l’Afrique subsaharienne. Les pays éligibles ont un accès au marché américain avec, pour plus de 6 500 produits, la suppression des droits de douane et des quotas d'importation. L'AGOA a permis de stimuler la croissance économique et la création d'emplois dans certains pays. Cependant, l’impact de l’AGOA reste faible pour les pays n’ayant pas, pour de multiples raisons, une capacité d’exportation suffisante. Alors que l’administration Biden envisageait de prolonger l'AGOA de 16 ans, Trump pourrait supprimer cet accord commercial historique, ce qui, bien entendu, fragiliserait encore plus l’économie subsaharienne déjà fragile. L’élection de Trump constitue une menace pour l’Afrique, si  les Etats africains sont incapables de développer les échanges commerciaux intra-africains et lever les obstacles qui retardent le projet de la ZLECAF (Zone de Libre Echange Continentale Africaine), projet phare de l’Union Africaine. L’élection de Trump est un avertissement envoyé aux Etats africains. Cet avertissement leur dit : « Les échanges intra-africains constituent une véritable opportunité économique et stratégique pour l’Afrique et l’affirmation de la souveraineté. Â». Les Africains ont deux mois pour se préparer.

La Prospérité – Vous parlez d’opportunité économique et stratégique pour l’Afrique. La question qui se pose n’est-elle pas celle de la place de l’Afrique dans le monde actuel ?

Christian Gambotti – Longtemps tenue à l’écart des affaires du monde, l’Afrique a été niée dans son identité avec la colonisation, dépossédée de sa souveraineté pendant la période de la « Guerre froide Â». L’indépendance politique des années 1960 a été une étape nécessaire, mais le continent a continué à porter le lourd fardeau de l’Histoire. Avec la fin de la « Guerre Froide Â», l’Afrique qui n’est plus un enjeu géopolitique, est marginalisée. Elle n’existe qu’à travers l’APD (Aide Publique au Développement), une aide sans véritable enjeu d’efficacité avec des prêts et des restructurations de dettes sans fin. Aujourd’hui, c’est un monde nouveau qui se construit, le monde de l’Après-Yalta. L’Afrique, devenue un formidable enjeu géoéconomique, géopolitique et géostratégique, est courtisée par toutes les puissances étrangères, grandes et moyennes. Face à l’urgence des réponses qu’elle doit apporter aux défis qui se présentent à elle, l’Afrique est tentée de se vendre à la coupe à des puissances étrangères auxquelles elle soustraite son développement et sa sécurité. Or, le continent doit apporter aux questions qui se posent à lui des réponses africaines, ce qui signifie qu’il doit trouver en lui les ressources et les capacités de son développement, de sa sécurité et de sa souveraineté. Le continent dispose de 3 atouts : des richesses naturelles qui semblent inépuisable, un poids démographique considérable (la puissance est aujourd’hui liée au poids démographique) et un vaste marché avec des centaines de millions de consommateurs d’ici la fin du XXIè siècle. Mais, le continent doit faire face à un handicap majeur : l’Afrique n’existe pas, il existe 54 Etats différents avec des intérêts divergents et des approches idéologiques actuellement irréconciliables. L’Afrique peut-elle sortir du piège que représente le mythe trompeur du panafricanisme politique et faire en sorte que les Etats africains se rangent sous la bannière d’un panafricanisme économique pragmatique ? Le chef d’orchestre des relations intra-africaines ne doit être ni l’Occident, ni Moscou ou Pékin, mais l’Afrique elle-même à travers l’Union Africaine. C’est à cette condition que l’Afrique prendra la place qui lui revient dans les dynamiques nouvelles du nouvel ordre mondial multipolaire qui se construit aujourd’hui.

La Prospérité – Vous dites que l’Afrique n’existe pas, mais qu’il existe 54 Etats souverains, dont les intérêts sont divergents. Comment l’Afrique doit-elle se situer dans ce « Sud global Â» devenu une réalité géoéconomique et géopolitique ?

Christian Gambotti – Le « Sud global Â» est un concept nouveau certes, mais il recouvre une réalité ancienne, celle qui renvoie à  l’ensemble des pays appelés autrefois « Tiers-Monde Â». Cet ensemble est devenu « pays en développement Â». Soyons concrets : la plupart des pays du « Sud global Â» sont des pays pauvres, voire très pauvres, et en retard de développement par opposition à un « Nord global Â», qui regroupe les pays riches occidentaux. Pour moi, il n’est pas scandaleux que se constitue un « Sud global Â» qui nous oblige à réinventer le monde. Le danger est le suivant : ce « Sud global Â» est en train de devenir sous l’impulsion de certaines puissances un monde militant en guerre contre l’Occident. Or, le « Sud global Â» est un ensemble très hétérogène, dont les membres doivent refuser de s’aligner sur l’une ou l’autre des grandes puissances  du « Nord global Â», - je pense aux Etats-Unis -, ou du « Sud global Â» - je pense à la Russie ou à la Chine. L’Afrique doit se situer dans le droit fil de l’ancien mouvement des pays non-alignés. Je ne prends qu’un exemple : la lutte contre le terrorisme. Pour que l’Afrique occidentale ne devienne pas un nouveau califat, qu’elle est la meilleure réponse dans la lutte contre le djihadisme ? La CEDEAO ou l’AES (Alliance des Etats Sahéliens) ? La meilleure réponse est évidente : il s’agit de la coopération entre la CEDEAO et l’AES pour offrir, dans l’ensemble de la sous-région, des opportunités de financement, de meilleurs équipements et un partage de renseignements. La CEDEAO avait un centre antiterroriste au Nigéria. La Chine considère qu’il faut y associer le Mali, Niger et le Burkina Faso, qui sont en première ligne dans cette lutte. C’est une bonne idée, mais c’est évidemment plus facile à dire qu’à faire, tous les pays de la sous-région ayant des intérêts différents et divergents. Mais, il faut retrouver l’élan de l’Initiative d’Accra, lancée en 2017 par les pays du golfe de Guinée. L’expérience montre que le G5 Sahel n’était pas la bonne solution. Le développement et la sécurité, comme les réponses aux crises climatiques, sont des enjeux globaux qui nécessitent, dans l’intérêt des populations, le refus de tout enfermement géographique et politique.

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