Comment motiver les FARDC pour gagner la guerre à l’Est ?
(Par Gilles Mpembele, PhD, MBA, Direct Attack Senior Avionics Engineer at The Boeing Company, Adjunct Professor at Washington University in St. Louis, Missouri)
Une victoire militaire des FARDC à l’Est est possible. La reconquête des territoires sous occupation rebelle et étrangère, et l’annihilation des groupes et factions armés ne sont pas hors de portée de l’armée Congolaise. Pour y arriver, il existe une panoplie de mesures nécessaires pour renforcer l’armée et ajuster sa stratégie sur le théâtre des opérations.
Certaines de ces mesures sont présentées ici, ni uniques, ni exclusives, ni exhaustives. Elles pourraient constituer la base d’une loi de nécessité militaire, sous l’initiative du gouvernement, débattue et formellement adoptée au parlement et, enfin, promulguée par le commandant suprême des forces armées nationales.
Octroyer des parcelles de terrain aux militaires qui se battent à l’est
Une première mesure qui pourrait motiver les FARDC est que l’Etat octroie des titres fonciers, de jouissance immédiate et perpétuelle, à tous les soldats engagés au front, sur des terrains à lotir à travers tout le pays. Dans le langage courant, ceci signifie que chaque soldat, qui se bat à l’est du pays, deviendrait donc propriétaire d’une parcelle de terrain sur laquelle il pourrait construire, avec l’aide de l’Etat, sa maison ou son commerce. L’Etat s’engagerait, dans le cadre d’un programme pluriannuel et selon des mécanismes budgétaires appropriés, à urbaniser les sites identifiés et à aider tout militaire bénéficiaire à mettre en valeur sa propriété.
L’Etat s’engagerait aussi à œuvrer avec des partenaires locaux et internationaux pour que les sites identifiés soient effectivement habitables par les soldats et leurs familles, qu’ils permettent l’accès à l’éducation pour les enfants et les jeunes, et qu’ils soient connectés aux grands centres urbains avoisinants. A supposer que l’effort de guerre nécessite 40.000 hommes de troupe, la proposition faite ici concerne donc 40.000 nouveaux propriétaires terriens.
Une deuxième mesure est que l’Etat ouvre le capital social de certaines entreprises publiques et d’économie mixte, minières, pétrolières et autres, aux soldats engagés au front. Dans la pratique, l’Etat céderait donc une part de ses actions aux soldats selon des montages financiers qui restent encore à déterminer. Tout soldat qui se bat à l’Est deviendrait donc co-propriétaire d’une ou de plusieurs compagnies et récolterait des dividendes, si infimes soient-elles, en fonction des résultats financiers de ces compagnies. Dans le cas tragique ou le soldat tomberait au front, sa famille ou ses descendants désignés hériteront donc de ces actions comme d’un capital qui se transmettrait de génération en génération.
Un effet insoupçonné pourrait même être le début d’une sorte de bourse des valeurs et la démocratisation d’un capitalisme financier embryonnaire. A travers l’histoire, les classes moyennes se sont aussi développées de cette manière-là.
Le G.I. Bill américain est un modèle pour la loi de nécessité militaire
D’autres mesures sont possibles. La loi de nécessité militaire pourrait assurer qu’à l’issue de la guerre, tout soldat qui le souhaite puisse retourner aux études avec l’assistance de l’Etat, et que même ses enfants puissent obtenir la garantie d’étudier dans les meilleures écoles et universités du pays. La loi pourrait aussi garantir un emploi dans l’administration nationale, provinciale, ou dans la territoriale, pour tout soldat qui souhaite retourner à la vie civile, s’il fait preuve des capacités et des compétences requises.
Les blessés de guerre devraient bénéficier de soins médicaux à charge de l’Etat, et ce privilège ainsi que les provisions financières qui rendraient possible sa jouissance devraient être explicitement inscrites dans la loi de nécessité militaire, si elles ne sont déjà inscrites dans la loi de programmation militaire.
A l’issue de la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis mirent en place un programme spécial, le G.I. Bill, qui permit à tous les soldats de retour de guerre de bénéficier d’une éducation secondaire et supérieure aux frais de l’Etat, des taux d’intérêts avantageux pour s’acheter une maison ou commencer un business, et une compensation généreuse dans le cas d’un chômage de longue durée.
La nation Congolaise ne peut se permettre le luxe d’attendre la fin de la guerre pour montrer sa gratitude et sa reconnaissance à l’endroit de ses enfants qui se battent héroïquement pour ramener la paix à l’est du pays. En réalité, l’engagement de nos soldats pour des batailles victorieuses à l’Est dépend en bonne partie du degré de leur motivation. L’objectif de la loi de nécessité militaire est de renforcer la motivation des troupes pour que les FARDC donnent le meilleur d’elles-mêmes sur les champs de bataille.
Depuis sa création en 1960, et sous les visages successifs qu’elle a pris au cours des années, l’armée Congolaise a bénéficié du service de brillants officiers et sous-officiers, formés à l’intérieur du pays et à l’extérieur. Certes, beaucoup ne sont plus de ce monde et beaucoup d’autres sont à la retraite, mais un nombre encore plus important est actif aujourd’hui et personne ne peut douter de leur capacité à faire la différence sur le front des opérations. Un autre groupe, pas très bien identifié, est éparpillé à travers le monde. Personne ne sait ce que ce groupe peut apporter à l’effort de guerre en cours, mais il n’y a aucune raison de considérer ces compétences et valeurs comme perdues à jamais. La loi de nécessité militaire devrait envisager de faire l’inventaire complet de tous ceux qui ont servi l’armée congolaise et qui pourraient lui prêter main forte aujourd’hui pour rétablir la paix à l’Est.
Réévaluer la stratégie militaire des FARDC
Il est bien connu des experts militaires, qu’une bonne logistique est déterminante dans le succès des opérations militaires. Et celle-ci peut aussi être utilisée pour gagner le soutien des populations dans les territoires occupés ou dans les théâtres opérationnels contestés. L’armée peut recourir aux populations locales pour approvisionner les unités combattantes en nourriture et eau potable, pour assurer le service de nettoyage des vêtements militaires, et d’autres tâches relatives au quotidien des troupes.
Le premier effet est qu’une quantité importante de moyens financiers sera ainsi déversée dans ces communautés, créant les conditions d’une économie de guerre qui serait à l’avantage des populations. Le deuxième effet est qu’une telle collaboration va cristalliser le soutien de la population.
Ce soutien ne sera pas seulement affectif. L’armée y trouvera une masse importante d’informateurs potentiels qui pourront lui communiquer des informations de première main sur la position et les mouvements de l’ennemi.
Dans toute guerre, mais particulièrement, dans un conflit asymétrique, face à de multiples groupes armés dont le mode opératoire relève du terrorisme pur et simple, et face à une occupation étrangère suréquipée, le renseignement ou la capacité de récolter des renseignements sur l’ennemi est d’une importance stratégique primordiale.
Une telle activité, soutenue par des milliers de civils augmente considérablement les chances de réussite de ce qu’on appelle les «Tactical Small Units», une émanation du manuel tactique des forces de défense Israéliennes, bien connue des experts militaires. C’est cette stratégie que les Contras du Nicaragua avaient mise en pratique et qui leur permit des victoires décisives face aux forces Sandinistes dans les années 80s. Même dans la Rome antique, une stratégie proche basée sur l’usure de l’ennemi permit au général Maximus d’avoir, enfin, raison des troupes envahissantes d’Hannibal. Plus près de nous, les Ukrainiens ont utilisé une variante des « Small Units » pour contenir les armées russes d’invasion, avant que le soutien de l’Occident permît de rééquilibrer plus ou moins le rapport des forces sur le terrain des opérations.
Une victoire à l’Est est donc possible. La loi de nécessité militaire décrite ici, comme complément à la loi de programmation militaire, peut créer les conditions d’une telle victoire. Elle est fondée sur l’idée simple qu’une armée suffisamment motivée peut venir à bout du plus redoutable des ennemis. Pour motiver les soldats au front à se battre et à défaire l’ennemi, les augmentations sporadiques de leur solde ne suffiront pas.
Le soldat veut l’assurance que son sacrifice ne sera pas vain et que son avenir personnel et professionnel, à l’issue de la guerre, est formellement garanti dans la loi.
Et s’il ne retourne pas du champ de bataille, le soldat souhaite avoir au moins l’opportunité de léguer une propriété et un héritage à sa famille, que ses enfants ne soient pas abandonnés à eux-mêmes, et que sa mémoire lui survive dans l’honneur et la dignité. C’est donc une obligation nationale que de répondre à cette attente légitime du soldat engagé au front pour reconquérir les territoires occupés, annihiler les groupes et factions armés, et rétablir la paix et la sécurité à travers tout le pays.