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Quelle sera la place de la RDC dans le monde de demain ?

(Par Jean-Marie Mutamba Makombo, Professeur émérite à l’Université de Kinshasa)

*Nous empruntons délibérément ce titre à l'un de nos compatriotes qui mérite sa place dans le panthéon congolais : Paul Lomami Tshibamba. Il a formulé cette interrogation en janvier 1945 – vous avez bien lu – il y a plus de quatre-vingts ans. Il entendait alors revendiquer la place qui serait celle des "évolués" dans le futur Congo. Paul Lomami Tshibamba entendait dénoncer la discrimination raciale qui oppressait les Congolais dans la société coloniale. Pour avoir osé énoncer cette revendication, il fut fouetté tous les jours pendant trois semaines pour citer le nom du Blanc qui l'avait inspiré parce qu'un nègre ne pouvait pas tout seul penser à ces choses-là.

Cet article qui date de novembre 2005 (il y a 20 ans !) est toujours d’actualité au moment où certains se laissent bercer insidieusement par l’idée de balkanisation.

« Il y a trois mois et demi, la République Démocratique du Congo commémorait le quarante-cinquième anniversaire (sic) de son indépendance dans la méditation et une certaine effervescence. C'est tout dire. Alors que tous les espoirs étaient permis pour un avenir radieux le 30 juin 1960, quatre jours seulement plus tard, le pays allait s'engouffrer dans une longue et pénible crise, passant de Charybde à Scylla, de mutinerie en sécession, de sécession en rébellion, et finalement de la rébellion à la dictature. Tout comme l'expression "balkanisation" dérive des Balkans, l'on a commencé à parler de "congolisation" pour évoquer une situation de crise récurrente, embrouillée, entortillée.

Lorsque commence la période de Transition en 1990, on est bien loin de penser qu'elle durera au moins quinze ans, avec deux guerres à la clef, dont l'une a été qualifiée de "première guerre mondiale africaine" et a provoqué plus de quatre millions de morts et de nombreux réfugiés.

La crise continue sous différentes formes, et la République démocratique du Congo est portée à bout de bras par la communauté internationale. Même aujourd'hui les menaces de partition ne sont pas écartées totalement. Dans ces conditions, l'on peut se demander si la R.D.C peut jouer encore un rôle comme acteur international. Quel est son destin, quelle est sa vocation internationale ? Quelle sera notre place à nous, Congo et Congolais, dans le monde de demain ?

Eden Kodjo, ancien Secrétaire Général de l'OUA a écrit qu’« …il existe des constantes dans la politique des nations…Ce sont ces soubassements fondamentaux que les États doivent déceler et saisir pour assurer, au-delà des vicissitudes de l'histoire, la pérennité de la puissance et la grandeur des peuples". Quelles sont les constantes dans l'histoire de la R.D.C. ?

Les constantes dans l'histoire de la R.D.C.

« Le Congo, un pays convoité, objet de l'enjeu international ». Ce qualificatif que nous empruntons à Elikia M'Bokolo, "Le continent convoité", s'applique bien à la R.D.C. Les circonstances de la création de l'entité qui donnera naissance à la R.D.C. le justifient et l'illustrent bien.

Léopold II cherchait à tout prix une colonie pour la Belgique. Alors qu'il n'était encore que Duc de Brabant, il écrivait en 1865 : "il faut à la Belgique une colonie". Quelques années plus tard, les voyages de Stanley suscitaient de l'intérêt et braquaient les faisceaux lumineux sur l'Afrique centrale. Il alla tout d'abord à la recherche de David Livingstone que l'on croyait perdu, et le retrouva en 1871. Puis il chercha à résoudre l'énigme des sources du Nil et accomplit la traversée de l'Afrique centrale de l'Est à l'Ouest en 1001 jours de 1874 à 1877.

Pendant ce temps Léopold II convoque à Bruxelles une Conférence géographique en 1876. Y sont invités les géographes les plus réputés et les explorateurs les plus distingués provenant d'Allemagne, de France, d'Angleterre, d'Autriche-Hongrie, d'Italie, de Russie, de Belgique. La Conférence donne naissance à l'Association Internationale pour l'exploration et la civilisation de l'Afrique (A.I.A.). L'A.I.A. se donne un rôle humanitaire, civilisateur et scientifique.

Léopold II se présente au monde comme un monarque éclairé, philanthrope, mécène des grandes croisades scientifiques. Mais l’agenda caché est toujours là : chercher une colonie pour la Belgique.

Pour ne pas éveiller la méfiance, ni susciter la jalousie internationale, il s'entoure de secret et impose le silence à tous ses collaborateurs. En novembre 1878, il substitue le Comité d'Études du Haut Congo à l'A.I.A. Ce Comité d'Études, créé avec des banquiers et des commerçants belges, hollandais, anglais, a un rôle commercial ; le roi lui-même est souscripteur. Une année plus tard, en novembre 1879, pour avoir les mains libres au Congo et ne rendre compte à personne, il dissout le Comité d'Études, mais pour des raisons tactiques, il continue d'utiliser ce nom.

Sur le terrain, Léopold II doit affronter deux adversaires qui s'intéressent aussi au Congo.

Il y a la France, qui est présente au Pool Malebo par l'intermédiaire de l'explorateur français d'origine italienne, Pierre Savorgnan de Brazza. Ce dernier est arrivé à Mbe, la capitale du royaume teke (tyo) en passant par l'Ogooué (Gabon). Il a signé avec Makoko Iloo un traité de cession de territoire qui sera ratifié par les Chambres françaises en novembre 1882.

En rentrant en France, il a laissé le 3 octobre 1880 à Mfwa (future Brazzaville) Malamine, un laptot sénégalais, pour sauvegarder les intérêts de la France. Lorsque Stanley parvient au pool, il s'entend dire par Malamine que les deux rives du Congo appartiennent à la France. François Bontinck a évoqué cette période "quand Brazzaville était à Kinshasa".

Il y a le Portugal, qui fait valoir son ancienneté et ses droits historiques. Il est présent dans la région depuis le 15ème siècle. Il s'est abouché avec l'Angleterre en novembre 1882 parce que les deux pays craignaient la poussée française dans le bassin du Congo. Le Portugal entend faire reconnaître ses prétentions sur l'embouchure du Congo. C'est ainsi que le traité anglo-portugais du 26 février 1884 attribue les deux rives du Congo jusqu'à Noki au Portugal. Vivi créée en octobre 1879 reste à l'A.I.C.

L'A.I.C., Association Internationale du Congo, c'est la nouvelle création qu'imagine Léopold II en 1882, dictée par sa stratégie. Le roi entretient la confusion avec l'A.I.A. en maintenant la même administration et le même drapeau (le drapeau bleu avec une étoile d'or au centre = la lumière dans les ténèbres africaines).

Mais dans l'A.I.C., Léopold II est tout seul. Et on l'attaque : "une association privée n'a pas le droit d'acquérir la souveraineté sur un territoire ". Léopold II réplique en affirmant que l’AIC est à la tête d’une confédération de tribus qui s’est placée sous sa direction et son autorité.

La stratégie du roi est de mener une offensive diplomatique tous azimuts, que les historiens ont appelée aussi "guerre diplomatique". Il exploite les mécontentements et les frustrations nés du traité anglo-portugais.

La Hollande réclame la liberté de navigation et de commerce sur le fleuve Congo et ses affluents.

La Chambre de Commerce de New York se prononce également pour la libre navigation sur le Congo. La France s'oppose au traité anglo-portugais, de même que l'Allemagne de Bismarck, car cette "côte a toujours été ouverte à toutes les nations, et n'a pas encore été occupée". Même les députés anglais et les hommes d'affaires de Manchester prennent position contre le traité.

Léopold II se joue de toutes les grandes puissances et joue les unes contre les autres pour obtenir la reconnaissance de l'A.I.C.

Il approche les États-Unis en novembre 1883, et obtient la reconnaissance de l'A.I.C. le 22 avril 1884. Les arguments évoqués sont de trois ordres :

  • Economique : l'A.I.C. accorde aux USA le libre-échange et la liberté de commerce ;
  • Juridique : les premiers colons américains qui ont créé des États étaient de simples particuliers ;
  • Sentimental : l'A.I.C. œuvre pour l'ouverture de l'Afrique à la civilisation et la suppression radicale de la traite des esclaves ; tout comme les USA ont supprimé l'esclavage et rapatrient des Noirs au Liberia. Des Américains sont bien placés dans l'A.I.C. (Henry Shelton Sanford, Henry Morton Stanley).

Il obtient la reconnaissance de la France le 24 avril 1884 (deux jours plus tard) en échange du droit de préemption, le droit de préférence. La France a accepté parce qu'elle se méfiait de l'Angleterre : Léopold II utilisait beaucoup d'Anglais, qui pouvaient travailler pour les intérêts de leur pays.

Il obtient la reconnaissance de l'Allemagne le 8 novembre 1884 après lui avoir promis aussi la liberté commerciale. Ainsi l'Allemagne est obligée d'aider Léopold II à réussir sinon la France va tirer les marrons du feu et hériter des acquisitions territoriales de l'A.I.C.

Le climat est propice pour la convocation en octobre de la Conférence africaine de Berlin (15 novembre 1884 - 26 février 1885) dont l'un des points focaux est l'arbitrage de la question du bassin du Congo. Quatorze pays y prennent part : l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, les États-Unis, la France, le Royaume Uni (Grande Bretagne + Irlande), l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède-Norvège et l'empire ottoman. En marge des débats de la Conférence, des tractations s'effectuent dans les couloirs et aboutissent à la reconnaissance de l'A.I.C. comme une entité légale internationale, habilitée à créer un État libre.

Les négociations les plus difficiles ont été celles menées avec la France et le Portugal. Pourquoi ? L'A.I.C. qui avait occupé entre-temps le Niari-Kouilou et y avait établi des stations pour se ménager un accès à la mer va céder cette région à la France moyennant indemnisation. En contrepartie, la France renonce à réclamer la rive gauche du Pool (Léopoldville) laissée à l'A.I.C. et la rive droite du fleuve Congo du Pool jusqu'à Vivi.

Le Portugal a dû se faire prier. Il a fallu un ultimatum présenté par l'Allemagne, l'Angleterre et la France à la suite d'un chantage de Léopold II qui menaçait de tout laisser tomber s'il n'avait pas d'accès à la mer. Finalement le Portugal va céder la rive droite du fleuve de Vivi jusqu'à l'embouchure, ainsi qu'une quarantaine de kilomètres sur le littoral.

Après l'annexion du Congo par la Belgique, les convoitises sont mises en veilleuse. Toutefois, au début de l'année 1914, l'Allemagne manifeste ses visées sur le Congo en entamant des négociations avec l'Angleterre pour le partage du pays. Ce n'est pas un hasard si les troupes allemandes ont agressé en 1914 le Congo, déclaré pourtant neutre à la Conférence de Berlin.

De son côté, la France a évoqué le droit de préemption après la tenue de la Table Ronde belgo-congolaise en 1960. Mais l'on peut se demander si ce n'était pas plutôt un canular du Général de Gaulle qui avait déclaré à Brazzaville en août 1958 : « L’indépendance, quiconque voudra la prendre, pourra la prendre aussitôt, s’il vote non au référendum du 28 septembre. La métropole ne s’y opposera pas ».

Les convoitises pour le Congo se sont encore aiguisées lorsqu'on a su que les premières bombes atomiques lâchées sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki avaient été fabriquées à partir de l'uranium que le directeur de l'Union Minière du Haut Katanga avait entreposé à New York peu avant la seconde guerre mondiale.

En 1960, le Congo indépendant est devenu l'enjeu de la confrontation entre l'Est et l'Ouest. La crise des années soixante est le résultat en grande partie des luttes d'influence des blocs qui voulaient avoir la mainmise sur le Congo,

Ces convoitises continuent à se manifester de nos jours par le biais de la sous-traitance confiée à des pays africains, voisins de la R.D.C. comme le Rwanda et l'Ouganda.

Le pillage de nos richesses à la faveur de la guerre qui nous a été imposée a été dénoncé publiquement par une commission de l'ONU.

Ce sont ces convoitises qui causent la déstabilisation et l'élimination des chefs d'État et de gouvernement soupçonnés de tiédeur ou d'opposition à l'égard de certains intérêts et de certaines puissances. Patrice Emery Lumumba a été accusé à tort de crypto-communiste.

Laurent-Désiré Kabila est tombé pour avoir voulu privilégier les rapports sud-sud, la prise en charge de soi-même, et la fréquentation de la Libye et de Cuba mis à l'index. En revanche Adoula et Mobutu ont été soutenus pour avoir compris que le Congo devait rester " une porte ouverte ".        

Le Congo une économie de la porte ouverte

A Berlin, le résultat qui satisfait tout le monde en 1885 est la liberté de navigation et la liberté commerciale reconnues pour tous les pays, sans discrimination. Sur toute l'étendue du bassin conventionnel du Congo, il ne doit pas y avoir de traitement préférentiel. Le bassin conventionnel du Congo s'étend de l'Océan Atlantique à l'Océan Indien, et recouvre l'actuelle RDC, l'A.E.F (Congo, Gabon, Cameroun, Tchad, République Centrafricaine), l'Ouganda, l'Afrique orientale allemande (Rwanda, Burundi, Tanzanie).Les droits d'importation y sont interdits pendant vingt ans. Mais l'on admet certaines taxes pour contrebalancer les dépenses faites pour l'équipement des ports et les transactions commerciales.

Cinq ans après la Conférence de Berlin se tient à Bruxelles une Conférence internationale anti-esclavagiste. Léopold II qui a besoin d'argent, et de beaucoup d'argent, demande et obtient de la communauté internationale la révision de l'article 4 de l'Acte de Berlin. On l'autorise à percevoir des taxes à l'importation pouvant atteindre 10 % de la valeur des marchandises, et cela pendant 10 ans.

Mais bientôt les taxes à l'importation ne suffisent plus à compenser les besoins énormes de Léopold II. Unilatéralement, il instaure un monopole sur l'ivoire et le caoutchouc. Des critiques provenant du secteur privé s'élèvent contre ce qu'on a appelé "le régime léopoldien" (1891-1906). Les abus et les atrocités du système léopoldien sont dénoncés dans le monde.

La campagne anti-léopoldienne s'intensifie en 1903 avec la création de "Congo Reform Association" d’Edmond Morel et Roger Casement. Léopold II est obligé de constituer une commission d'enquête internationale qu'il envoie au Congo en 1904- 1905.

La liberté commerciale dans le bassin du Congo est maintenue après l'annexion du Congo par la Belgique en 1908. Le Traité de Saint-Germain-en Laye (10 septembre 1919) va la reconduire, tout en accordant à la Belgique le droit de fixer les règles et les tarifs douaniers. Cette taxation devait être uniforme pour tout le monde.

L'imposition de "l'économie de la porte ouverte" explique la présence non négligeable de capitaux étrangers dans une colonie qui était belge. A titre d'exemple, le trust anglo-hollandais Lever qui a créé les Huileries du Congo Belge (H.C.B.) et exerçait ses activités dans quatre des six provinces du Congo ; telle encore la Tanganyika Concessions Limited, l'un des principaux actionnaires de l'Union Minière du Haut Katanga.

Les intérêts américains n'étaient pas en reste avec American Congo Company qui s'intéressait à l'agriculture, le Groupe Thomas Ryan et Daniel Guggenheim qui a investi dans la Forminière, le Groupe Rockefeller qui était présent dans l'U.M.H.K. et les Filatures et Tissages Africains, l'United States Plywood qui était dans le bois. Les groupes français se sont intéressés à la Compagnie des Chemins de fer des Grands Lacs Africains (C.F.L.), à la Sucrerie et Raffinerie Africaine, et à la Compagnie de navigation fluviale FIMA.

Le Congo : une économie extravertie

Stanley avait déclaré péremptoirement : "Sans chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny". Les chemins de fer qui seront construits au Congo n'ont qu'un seul but : exporter, évacuer les produits d'exportation vers la métropole, vers les pays étrangers. Jusqu'aujourd'hui, la production congolaise est organisée plus pour alimenter les marchés extérieurs que pour satisfaire les besoins locaux. L'économie est plus tournée vers l'extérieur que vers l'intégration de ses activités.

Le Congo, un géant assoupi, espoir du continent africain

Dans notre insouciance, nous, Congolais, ne nous rendons pas compte de l'espoir placé en nous par les autres pays africains.

Dans un livre paru en juin 1960, intitulé "Les Fondements Culturels, Techniques et Industriels d'un Futur état fédéral d'Afrique Noire", le savant sénégalais Cheikh Anta Diop réserve une place prééminente au bassin du Congo appelé à devenir "la première région industrielle de l'Afrique", "le centre principal de l'industrie lourde". Il recense les atouts du Congo qui sont multiples et indéniables.

Il y a l'énergie hydraulique à partir du fleuve Congo, deuxième fleuve au monde par le volume de son débit (30.000 à 60.000 m3/s ; 650 milliards de kwh de réserves annuelles, équivalant à l'époque aux 2/3 de la production mondiale.

Il y a les ressources minières qui ont valu au pays l'épithète de "scandale géologique" : le cobalt (65% de la production mondiale), le chrome (1/3 de la production mondiale), le cuivre, le tantale, le cadmium, le vanadium, le manganèse, l'étain, le zinc, le plomb, l'argent, le diamant industriel, l'or, l'uranium (50% de la production mondiale avant l'indépendance), le wolfram, etc. Le coltan n'est pas cité parce qu'il n'était pas encore à la mode. 

Il y a la forêt vierge avec diverses essences.

Dans le plan d'industrialisation qu'il esquisse, Cheikh Anta Diop liait l'avenir industriel du continent africain au sort du Congo. Si l'on résolvait le problème du transport à longue distance de l'énergie électrique sous forme de tension continue, le bassin du Congo permettrait de ravitailler en électricité tout le continent. L'exploitation des ressources énergétiques permettrait de transformer les matières premières du continent et faire de l'Afrique Noire, selon ses propres termes, "un paradis terrestre".

Le Congo fabriquerait de l'acier et des aciers spéciaux à usage domestique ou stratégique. Il installerait une industrie électro-métallurgique pour traiter différents minerais. Il développerait des constructions aéronautiques et navales, des constructions d'automobiles et des machines agricoles, des industries variées du bois, des industries de pâte à papier, des colorants, des tissus artificiels, des matières plastiques.

Pour satisfaire les besoins du continent et exporter le surplus de production, Cheikh Anta Diop imaginait la multiplication des usines de pneumatiques, des usines de filature et de tissage, des huileries, des savonneries, des sucreries, des industries de chimie minérale et synthétique, des cimenteries.

L'agriculture n'était pas en reste. Le bassin du Congo était une région d'élevage de l'avenir en raison de ses prairies immenses, vertes en toutes saisons. La culture du riz, du coton et d'autres choses serait développée au Congo pour cesser de faire dépendre l'Afrique de l'extérieur en important d'Asie et d'Europe des produits indispensables à son existence. La pêche déboucherait sur l'industrie de conserves et l'industrie de frigorifiques et du froid.

Le tendon d'Achille de ce géant en devenir était en 1960 sa faiblesse démographique. La densité du bassin du Congo était de 2 à 3 habitants au km2. Aussi Cheikh Anta Diop plaidait-il pour "une politique d'hygiène et de développement systématique des naissances". Il ne fallait surtout pas recourir à une immigration massive d'étrangers. Tout au plus, admettait-il dans les premières années d'industrialisation, "un appel judicieux de la main-d'œuvre des territoires africains avoisinants".

A la même époque que Cheikh Anta Diop, et comme le savant sénégalais, Frantz Fanon, auteur de "Peau noire, Masque blanc", médecin martiniquais, naturalisé algérien, qui s'était engagé dans le F.L.N. pendant la guerre d'Algérie, et avait amené Jean-Paul Sartre à s'intéresser à la pensée politique de Lumumba, soulignait la position géostratégique du Congo : " L'Afrique a la forme d'un revolver dont la gâchette est au Congo". Cette citation réserve aussi une place prééminente au Congo. Malheureusement elle est souvent galvaudée, émasculée et banalisée.

Un quart de siècle après les indépendances africaines, Eden Kodjo a publié en 1985 un livre intitulé "Et demain l'Afrique". L'auteur plaide pour l'unification territoriale et politique de l'Afrique. Au fil des pages, il cherche un pays qui pourrait jouer le rôle de la Prusse en Allemagne au 19ème siècle. La Prusse s'est jouée de l'Angleterre pour établir l'unité allemande au travers de l'Union douanière ; elle a associé de grands États comme la Bavière, la Saxe, le Württemberg, les États de Thuringe.

Le pays que cherche Eden Kodjo devrait avoir, écrit-il, "une dimension d'États modernes". Il pose et retourne la même question : "Quel est l'État qui pourra assumer les fonctions de la Prusse des Africains ? Quel État jouera le rôle de catalyseur ?" (p.261). Un peu plus loin, il affirme encore : "Mais il faudra une Prusse africaine", "un pays africain qui accepte d'être le centre de l'union". (p.265).

Un autre moyen de réaliser l'unité continentale est de commencer à travailler par pôle fédérateur avec des États pilotes. En Afrique de l'Ouest, Eden Kodjo pointe le Nigéria à cause de son vaste espace et de sa population (100 millions d'habitants). En Afrique centrale, c'est le Zaïre (R.D.C.) à cause, dit-il, de sa richesse, de son immensité géographique, de sa position géostratégique exceptionnelle et de ses trente millions d'habitants (chiffre de 1985). En Afrique australe, il désigne l'Afrique du Sud sans l'apartheid. En Afrique orientale, c'est l'Éthiopie, et en Afrique du Nord l'Égypte ou l'Algérie.

L'historien franco-guinéen Ibrahima Baba Kaké a découvert le Congo tardivement. Il est co-auteur d'un livre publié à Paris chez Présence Africaine : "Le Conflit belgo-congolais". Impressionné favorablement après deux séjours au Congo, il a pastiché Alain Peyrefitte. L'ancien ministre du Général de Gaulle a écrit un livre titré "Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera". Kaké a écrit du géant assoupi : "Quand le Zaïre s'éveillera, le monde s'étonnera".

Face aux attentes des autres Africains, quelle est notre réponse à nous, Congolais ?

  • Les ambitions et les velléités de puissance pour un grand Congo

Dans le Manifeste de "Conscience Africaine" publié fin juin 1956 - le premier texte politique des Congolais - les rédacteurs soulignent leur conviction que "le Congo est appelé à devenir, au centre du continent africain, une grande nation". Sans doute les rares compatriotes qui avaient eu l’opportunité de sortir du pays et de se comparer aux autres Africains leur avaient-ils communiqué cette certitude.

Antoine-Roger Bolamba qui a effectué un voyage à Dakar en 1952 dans la délégation constituée pour représenter le Congo à l'Assemblée Mondiale de la Jeunesse témoigne que les Noirs qu'il avait rencontrés à ce congrès n'étaient pas, pour la plupart, plus doués que les Congolais. Il ne fallait pas se faire des complexes. Ils avaient simplement une grande expérience des débats ; ils défendaient des principes et tenaient mordicus à leurs convictions.

Seconde déclaration : le célèbre discours de Patrice Lumumba du 30 juin 1960. Le premier Premier ministre congolais affirme que les Congolais vont "faire du Congo le centre de rayonnement de l'Afrique tout entière"… ; il poursuit : "L'indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain". Cette idée d'un grand Congo pour libérer l'Afrique est une idée-force de Patrice Lumumba. Elle revient dans la plupart de ses discours pendant les deux mois où il est resté au pouvoir.

Dans un discours prononcé à Stanleyville le 19 juillet, une semaine après la proclamation de la sécession katangaise, il précise qu'il faut sauvegarder l'unité nationale, "car c'est cette unité qui fera du Congo une grande nation au centre de l’Afrique ; et le Congo va jouer demain un grand rôle pour libérer le reste de l'Afrique". Lumumba pensait à l'Algérie, à l'Angola, à l'Afrique du Sud, au Kenya, au Ruanda-Urundi. Le 22 juillet 1960, il déclare : "Nous voulons faire du Congo une grande nation libre"…"Nous allons construire un grand Congo, un Congo fort, pour libérer le reste de l'Afrique, pour libérer nos frères qui sont encore sous la domination étrangère".

Le 9 août, il affirme dans une conférence de presse : "Et le Congo avec ses richesses, ses potentialités, le Congo va devenir une grande nation, puissante, économiquement, politiquement". Le 25 août, il se montre pathétique à la Conférence panafricaine de Léopoldville : "Si le Congo meurt, toute l'Afrique bascule dans la nuit de la défaite et de la servitude".

En 67 jours de gouvernement, Lumumba n'a pas pu concrétiser ses vœux. Par contre, le Président Mobutu est resté trente et un ans et demi au pouvoir. Le Président Mobutu a pu faire illusion, mais le Zaïre de Mobutu n'est pas devenu pour autant une grande puissance.

Le Président Mobutu a fait illusion lorsque 1 Zaïre valait 2 dollars. Il a fait illusion lorsqu'il a envoyé les forces combattantes zaïroises sur de nombreux théâtres de combats : en Angola, au Rwanda, au Tchad, au Biafra. Ce n'était pas faire preuve de nationalisme que de céder une bonne portion du territoire national à une firme étrangère - l'OTRAG - qui pouvait y faire tout ce qu'elle voulait.

Le recours à la philosophie de l'authenticité a été présenté en 1971 comme l'affirmation de la personnalité africaine, la défense et l'illustration de la dignité africaine ; les peuples africains ont été appelés à assumer leurs valeurs culturelles ancestrales. Un colloque national sur l'authenticité a même été tenu en 1981 sous les auspices de l'Union des Ecrivains Zaïrois. Ce que l'Afrique a retenu de l'authenticité, c'est le rituel de l'animation pour accueillir les chefs d'État étrangers.

Mobutu a lancé en 1985 le projet de la Ligue des États Négro-Africains pour repenser l'unité du monde noir et concevoir la coopération entre tous les États membres afin de sortir du sous-développement. Mais la LENA est un projet mort-né, parce que son promoteur fut présenté comme le Plus Grand Commun Diviseur de l'Afrique.

La CEPGL que Mobutu présentait en 1976 à l'Afrique et au monde comme un modèle de coopération régionale devant consolider les relations de bon voisinage et contribuer à l'intégration économique a volé en éclats.

A ce jour, la République démocratique du Congo n'est pas encore devenue ce grand Congo dont rêvent certains de ses enfants. Jusqu'ici on s'est limité aux paroles, aux déclarations d'intention, aux vœux pieux. Pire, la R.D.C. suscite la commisération, la risée, le mépris. Le pays est pillé, endetté. Beaucoup de Congolais ne songent qu'à fuir leur pays pour aller vivre ailleurs, sous des cieux qu'ils espèrent plus cléments : en Angola, en Afrique du Sud, en Afrique de l'Ouest, en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Australie…Sur Internet, les Congolais sont qualifiés d'adeptes de la B.M.W. (Bier, Money, Wife – la Boisson, l'Argent mal acquis, la luxure avec les Femmes). Et le président ougandais Museveni aurait déclaré qu'il ne connaît qu'un seul général en R.D.C. : "le Général Defao" (qui est un musicien).

Quelles sont les conditions pour devenir une grande puissance

Certaines conditions sont déjà remplies.

  • Un vaste espace géographique.

Le territoire congolais d'une dimension de 2.345.410 km2 est un facteur de puissance. Il nous donne la dimension d'un sous-continent. La R.D.C. couvre toute l'Europe occidentale et vaut le 1/13 du continent africain. Nous devons toutefois l'aménager et veiller à ce qu'il ne soit pas balkanisé.

  • Une population abondante.

La population, estimée entre 45 et 60 millions d'habitants faute de recensement fiable (sic, 2005), ne fait pas encore de la R.D.Congo un pays surpeuplé. Ce n'est pas la place qui manque en R.D.C. Il faut toutefois veiller à bien répartir cette population dans l'espace géographique, à la nourrir, à l'instruire et l'éduquer, à développer sa qualification technique, à lui procurer des soins de santé et un habitat décent.

  • Les ressources naturelles.

Le qualificatif de "scandale" a été utilisé à ce propos : " scandale géologique", " scandale hydraulique", "scandale forestier". Mais nous devons nous persuader que ces ressources ne sont pas éternelles. Il faut savoir les gérer. Des pays de l'Amérique Latine qui attiraient l'Espagne au 16ème siècle et ont laissé au monde l'expression de El-dorado, "l'homme couvert d'or", n'ont plus que leurs yeux pour pleurer. Il faut savoir que nos matières premières minérales peuvent être délaissées pour des concentrations de minerais que l'on peut trouver dans la mer, comme le pétrole, ou dans l'Antarctique. Par ailleurs, les progrès de la science font que la chimie de synthèse crée de nouveaux produits et accélère l'obsolescence de certaines autres matières.

En revanche, il faut changer de mentalités. Ceci ne doit pas être un simple slogan. Il faut s'inspirer de l'exemple de l'Allemagne et du Japon, les vaincus d'hier qui sont revenus aux premiers loges. Il faut s'inspirer de l'exemple des pays asiatiques, appelés "les Dragons". Il faut acquérir la ténacité dans le travail, la persévérance dans l'effort, l'esprit de sacrifice, le sens du devoir, de l'organisation de l'État, le souci du labeur bien fait. Il faut proscrire le gain facile, "la coop" ou corruption, le clientélisme et le népotisme.

Ceci vaut tout aussi bien pour les élites dirigeantes que pour le peuple, la masse. La volonté politique est absolument indispensable. La R.D.C. a besoin d'un leadership responsable, clairvoyant, lucide, visionnaire, détaché des étreintes ethniques et égoïstes, qui ait conscience des enjeux et engage le pays dans le processus de redressement.

Ce n'est pas normal que nous soyons là à recevoir des leçons de tout le monde, même de ceux qui, dans leur for intérieur, n'ont pas intérêt à ce que nous nous en sortions. Nous sommes l'un des rares pays au monde où les querelles de ménage sont réglées sur la place publique par des voisins. Nous nous entre-déchirons pour des intérêts partisans. Nous ne connaissons pas l'art de résoudre nos propres contradictions. Comment pourrions-nous forcer le respect ?

Le peuple de son côté doit faire preuve de discipline, et proscrire les tendances au nihilisme : "ebeba, ebeba", la casse et le pillage.

Des actions doivent être menées dans trois directions :

- l'armée : il faut absolument avoir une armée disciplinée, aguerrie pour dissuader les éventuels ennemis. L'idée d'un service civique pour la jeunesse, bien étudiée, est de nature à développer et consolider le sentiment national. Qui aurait cru en 1960 que les Angolais qui venaient trouver refuge chez nous deviendraient la grande force et l'arbitre qu'ils constituent aujourd'hui en Afrique centrale ?

- la diplomatie : "la guerre diplomatique" est à l'origine de la constitution de l'E.I.C. Le déficit diplomatique a été à la base de la déconfiture de la R.D.C. en 1998. Nous soutenons l'idée de l'ouverture d'une École Diplomatique pour former et recycler nos diplomates.

- la diaspora : au plus fort de la crise, alors que les différentes coopérations nous avaient abandonné à notre triste sort, ce sont les apports de la diaspora congolaise qui ont permis à beaucoup de familles congolaises de maintenir la tête au-dessus de l'eau, et de ne pas couler. Pourquoi ne pas instituer un Vice-Ministère, ou un secrétariat d'État chargé de la diaspora qui recenserait nos compatriotes qui se sont expatriés, et maintiendrait les liens avec eux ? Plusieurs projets pourraient bénéficier de leurs contributions. Les autorités auraient la tâche de les suivre pour les défendre afin de ne plus vivre certaines situations vécues dans certains pays.

Le mot de la fin

Notre place dans le monde de demain, en d'autres mots le destin international de la République démocratique du Congo, "notre beau et cher pays", sera ce que nous, Congolais, voulons réellement qu'il soit. Continuerons-nous à nous limiter aux vœux pieux, aux slogans ? Ou franchirons-nous le cap des actes ? Mais il n'y a pas de temps à perdre. Des vautours qui continuent de planifier et de programmer la partition de notre pays guettent. Pensons à l'histoire des Peaux-Rouges. Ils étaient assis - sans le savoir - sur des puits de pétrole, et ne les exploitaient pas. Ils ont été délogés lorsqu' ils ne pouvaient pas être exterminés ; et ils ont été parqués dans des réserves.

On a parlé du "miracle japonais", du "miracle allemand", du "défi américain". Jusqu'ici on n'a parlé que du "mal zaïrois". Mais le "miracle congolais" est aussi à notre portée, à condition que nous le voulions vraiment. Nous n'aurons plus à envier les uns et les autres. Cheikh Anta Diop n'a-t-il pas parlé d'un paradis terrestre au Congo ?

Lançons nos routes de part en part, du nord au sud et de l'est à l'ouest de notre sous-continent de pays ; modernisons notre agriculture, électrifions notre pays, industrialisons-le, équipons-le en moyens de communication, soignons nos ressources humaines en veillant à la santé, à l'éducation et à la recherche, et nous aurons accompli "le miracle congolais".

Mais au préalable, nous devons sortir de notre torpeur et changer de mentalités. Nous devons abandonner toutes les antivaleurs, et acquérir une mentalité de développement. Congolais, dressons nos fronts longtemps courbés comme nous y invite notre hymne national afin de reconstruire notre pays meurtri, et occuper la place qui nous est prédestinée ».

 

 

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Mon 26ieme Point de Vue sur la situation que traverse notre pays : La République Démocratique du Congo

(Par le Professeur Matthieu Yangambi)

Chers compatriotes,

Après des souillures et des humiliations inimaginables que nous avons tous connues, le temps n’est plus aux propos fanatiques et à la recherche de la cohésion nationale opportuniste. Le Congo a tout connu à l’instar de certains pays africains tels que le Nigeria, le Ghana et la Sierra Leone. Ces pays ont traversé des moments plus critiques que ceux du Congo actuels. Par patriotisme et nationalisme, ils se sont mis ensemble pour le bien de leurs peuples, pour écarter des solutions palliatives en faveur des solutions radicales. Actuellement, nous pouvons nous permettre de dire que ces pays se sont civilisés politiquement, socialement et économiquement.

Beaucoup de nos frères et sœurs africains compatissent avec nous, les Congolais. Nous semblons ignorer leurs soucis à notre sujet, alors que nous devrions plutôt exploiter leurs soutiens pour convaincre la communauté internationale par des réalités palpables. Le moment actuel au Congo n’est plus pour des solutions palliatives et des arguments fanatiques. Le patriotisme et le nationalisme devraient l’emporter sur l’égoïsme, le tribalisme et le régionalisme. Il est temps pour que des penseurs congolais de tout bord et quelques bons politiciens se mettent ensemble pour concevoir des solutions radicales pour sortir le Congo de ces marasmes sociaux et politiques et mettre fin aux calamités entretenues par les Congolais ennemis du Congo et qui tirent les ficelles pour leurs intérêts personnels. Ces Congolais ennemis du Congo avec leurs complices étrangers ne veulent pas du tout entendre parler du forum. Ils préfèrent le dialogue pour user des manipulations et des corruptions pour leurs intérêts égoïstes.

Un grand nombre de penseurs congolais connaissent les origines de la décadence politique et sociale du Congo. Fort de ces connaissances, nous sommes convaincus que si l’opportunité leur est donnée, ils seraient en mesure de stopper des médisances diaboliques entretenues par le monde international et de tracer des voies et moyens pour rehausser et réhabiliter le Congo, notre pays.

Nos pères religieux de la CENCO, de l’ECC et certains autres peuvent être chargés de coordonner les discussions et les échanges dans le forum comme a été organisée pendant la Conférence nationale souveraine (CNS) organisée sous l’égide du Président Mobutu. La situation actuelle du Congo ne nécessite plus de solutions palliatives du genre de dialogue plutôt un forum de discussions approfondies. Le fanatisme et le clientélisme politique dévaluent totalement les politiciens congolais et c’est marrant.

Du point de vue des ressources humaines de valeur, le Congo actuel ne souffre pas de carence de leadership comme dans les années de notre indépendance. Le Congo actuel souffre par l’implémentation de leadership de carence. Des leaders congolais et pas des leaders de pacotille peuvent mettre fin aux désarrois et offrir aux Congolais et au Congo une paix durable et un pays prospère, un pays qui attirera des valeurs du monde. Le Congo a tous les éléments de valeur dans toutes les spécialités qui existent. Il est simplement question de les utiliser à bon escient.

Le Forum patriotique indépendant est très nécessaire en ce moment critique pour la survie au Congo et du Congo. Nous sommes tous complètement satisfaits du fait que nos parents religieux ont choisi le terme forum plus que simplement le dialogue. La différence entre le dialogue et le forum est que le dialogue aboutit toujours au partage du gâteau-Congo aux gangsters, tandis que le forum est un cadre de discussions profondes, de débats pour trouver des solutions solides pour le bien de tous et pour rehausser le Congo de Lumumba. En fait, le forum englobe le dialogue qui est trop palliatif.

Les analystes congolais vivant partout dans le monde ont émis des idées pour avancer le Congo dans un droit chemin. Ces idées ne peuvent pas franchement être ignorées pour apaiser les politiciens et maintenir la politique actuelle qui est la cause première des désarrois au Congo depuis des années.

Le projet de « paix » énoncé par la CENCO et l’ECC contenant des propositions pour sortir notre pays de la crise sécuritaire semble loin d’être exhaustif. Le Congo ne souffre pas seulement de crise sécuritaire, mais aussi des crises sociales, économiques et surtout politiques qui nécessitent des ajustements structurels réfléchis qui devraient provenir des discussions dans le Forum.

Comme nous avions toujours insisté, le pacte de la CENCO et l’ECC pour la paix doit être pris pour un forum patriotique indépendant où les membres sélectionnés par territoire n’y iront pas pour défendre les actions et les comportements des individus ou des partis et groupes politiques, mais s’engager dans des discussions profondes pour déterminer de bonnes voies et politiques pour la refondation et le développement total du Congo. Les bonnes résolutions venant du Forum amèneront une cohésion nationale sans faille. Nous, Congolais, nous aimons notre pays, autrement le Congo n’existerait plus.

Le Forum que nous attendons tous avec grand espoir doit nécessairement aboutir à la paix et à la prospérité au Congo. Cependant, le plan de sortie de crise proposé par la CENCO et l’ECC ne doit pas être imposé aux Congolais. Il doit plutôt faire l'objet de profondes discussions pour aboutir à de bonnes résolutions.

Réfléchissant à haute voix sur le plan de sortie de crise proposé par la CENCO et l’ECC, nous trouvons que le point 2, la mise en place d’un Conseil national pour les réformes (organe législatif) composé de 800 membres dont Lamuka de Fayulu 150 membres, AFC/M23 de Naanga 150 membres, Union sacrée de Tshisekedi 150 membres, FCC de Kabila 150 membres, Ensemble de Katumbi 150 membres, les activistes de la société civile 50 membres, nous trouvons que cette proposition est mal conçue. Nous réitérons que les responsables des crises dans notre Congo sont des politiciens à cause de leurs intérêts égoïstes. Cette proposition donne aval aux autorités morales des partis politiques de reprendre la danse et de distraire le peuple congolais comme à l’accoutumée. Les activistes de la société civile et des Congolais indépendants seraient donc minimisés à la faveur des « politiciens ». Cette proposition mérite d’être revue sérieusement dans le Forum.

Concernant le point 6, nous devons éviter de proposer ou de constituer un gouvernement de la cohésion nationale avec l’idée de partage de gâteau-Congo. Le Congo n’a pas de compétence que parmi les politiciens congolais. Le Congo a des compétences partout et dans tous les domaines. Ces compétences doivent être détectées et utilisées pour la victoire et l’honneur du Congo et du peuple congolais. Le Forum doit trouver des solutions pour rationaliser ces propositions. Nous devons prôner la méritocratie et la compétence et non amadouer l’incompétence et la médiocrité.

Pourquoi devrions-nous, Congolais, demander l'approbation de la communauté internationale avant d'appliquer nos résolutions du Forum, qui seront opposables à tous ? Pourquoi ? Il est impératif que nous démontrions notre compétence et notre volonté à résoudre les problématiques du Congo.

Tous les 10 points proposés par la CENCO et l’ECC doivent être classés pour des discussions profondes dans le Forum. Les points 2 et 6 sont extrêmement critiques pour un avenir certain et pacifique de notre cher Congo.

Il est essentiel de considérer que le Forum souhaité doit marquer le début d'une prise en charge collective, constituant un cadre où les décisions allant à l'encontre des intérêts du Congo ne seront pas acceptées. L’incompétence et la médiocrité doivent être bannies de l’environnement politique du Congo.
Les compétences congolaises sont capables de contourner les stratégies néfastes montées contre le Congo. Nous ne pouvons pas laisser le Congo à la merci des politiciens qui sont dépassés, sans vision et sans stratégies pour mettre fin à la guerre de l’Est et pour développer le Congo. Il est souvent dit que gouverner implique de prévoir. Les politiciens congolais ont manqué de prévoir ce que le Congo subit en ce moment. Ils ont donc manqué de gouverner. Nous ne pouvons pas gratifier ces manquements.

Crier au secours dans ce monde de l’hypocrisie et aller aux pourparlers en position de faiblesse ne servent pas convenablement le Congo. En ce moment, le Congo a besoin de deux équipes : une équipe de négociateurs crédibles pour défendre le Congo dans le monde international et pour stopper les déboires au Congo par la diplomatie. Une autre équipe, également composée de personnes crédibles qui méritent la confiance du peuple congolais, et cette équipe aura la mission de consolider la cohésion nationale et de voter des résolutions pour amener la paix sociale, la prospérité et la refondation du Congo par le changement des politiques et des structures administratives dans tous les domaines.
Quittons les superficialités, allons dans les profondeurs.

Chers compatriotes, engageons-nous à voter des résolutions visant à instaurer la paix et la prospérité pour le Congo. Écartons le gangstérisme et les gangsters politiques du «landscape» social et politique du nouveau Congo.

Patriotiquement vôtre,

Professeur Yangambi Matthieu Waakal’Ewae
Université pédagogique nationale
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+243 999 035 079

Mon 26ieme Point de Vue sur la situation que traverse notre pays : La République Démocratique du Congo
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Le navrement de tout un peuple : l’histoire de la RDC est un éternel recommencement

(Par Prof. Florent Gabati)

Nos inquiétudes aujourd’hui sur ce que représente le bourbier congolais nous ramènent à élucider pourquoi l’histoire de la RDC est un éternel recommencement et nos voisins nous voient comme des paillassons au-dessus desquels ils doivent nous marcher ? La problématique de l’éveil patriotique, du nationalisme réside dans la qualité, l’état d’esprit de nos dirigeants. Depuis l’indépendance, les congolais ont organisé plus de soixante conciliabules qui n’ont abouti à rien parce que les mêmes causes continuent d’engendrer les mêmes effets. Si c’était plus facile, il suffirait d’éviter les erreurs du passé pour s’épargner les conséquences dommageables résultantes d’aujourd’hui. En dépit de nombreux dialogues, concertations nationales, la RDC s’effondre et devient la risée du monde par manque de leadership fort marquant une rupture drastique avec le passé dans le contexte géopolitique actuel caractérisé par l’émergence des armées fortes au service de la paix, de la diplomatie.

Il convient ici de revenir brièvement sur les acteurs politiques congolais qui ont pris l’habitude de se partager le gâteau et le reste au diable après certains dialogues. L’origine de la crise existentielle congolaise éclate immédiatement après l’indépendance. La question cruciale était celle de la carence des cadres congolais formés à la gestion du pays, car le gouvernement belge n’avait pas en réalité anticipé sur l’émancipation de la colonie. En dehors de la riche documentation empirique que nous disposons aujourd’hui, il faut souligner que c’est à l’acteur politique congolais d’assumer la plus grande responsabilité dans la gestion de la Res publica parce qu’après 65 ans d’indépendance nous ne pouvons pas continuer de jeter l’anathème sur l’occident quant à la mauvaise gouvernance, à la mégestion de la construction nationale. L’Evangile de Jésus Christ selon Luc 6,41 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » nous élucide davantage sur la vraie réalité de nous-mêmes. Il nous est plus facile de condamner les autres que d’admettre nos responsabilités sur la déliquescence de notre pays. La faillite de l’État congolais incombe aux dirigeants médiocres qui ont plongé notre pays dans un état fantomatique. Certes nous ne pouvons pas aussi négliger le partage des responsabilités applicables à l’Union européenne dont la dimension morale de la Commission européenne se heurte aujourd’hui aux intérêts malhonnêtes en recelant les minerais de sang vendus par le Rwanda. C’est pourquoi la gravité de la situation que tous les congolais observent aujourd’hui continuera de susciter des fortes mobilisations.

On dit que l’histoire sert à éclairer le présent. Eclairer veut dire comprendre ce qui s’est passé dans l’histoire politique de la RDC dans les perspectives de trouver des réponses aux questions que nous pose le temps présent. A-t-on tiré les leçons pour savoir pourquoi Laurent Désiré Kabila a été assassiné en 2001 suite aux tensions entre le feu président et ses alliés ougandais et rwandais ? Si on ne peut pas dégager politiquement les leçons des expériences du passé pour définir les stratégies politico-militaires pour renforcer nos capacités dans le cadre géopolitique où la RDC est entourée des voisins belliqueux, on va droit au mur en répétant les mêmes erreurs du passé. Qu’il s’agisse de la diplomatie de force, de la défense de l’intégrité territoriale, nul n’ignore que l’état du monde se fonde sur la logique de la puissance militaire. Les relations internationales entrent dans le contexte des rapports de force, des zones d’influence, de soft power. La puissance, qu’elle menace ou qu’elle protège détermine les conditions d’existence des Etats et des populations. Aujourd’hui la puissance militaire d’un pays se met au service de la diplomatie, du développement du pays. Si la fameuse devise romaine : « Si vis pacem, para bellum » vaut son pesant d’or dans le contexte du monde d’aujourd’hui où les régimes autoritaires ne respectent que la force, c’est parce que les romains harcelés par les barbares prirent la décision de se défendre pour s’assurer pendant des siècles la paix et la prospérité. Les dirigeants congolais, ces jouisseurs de première catégorie se délectant dans le marigot de Kinshasa n’ont jamais pris la mesure des événements politico-sécuritaires dans le paradigme de la puissance militaire. Mobutu à son époque l’avait très bien compris. L’on ne saurait enfin parler de la géopolitique de force sans mettre l’accent sur la qualité des animateurs, en l’occurrence les officiers supérieurs des Forces armées. Quand la corruption et d’autres fléaux gangrènent toutes les institutions du pays, tous ces maux ne permettent pas aux forces armées de mettre le pied à l’étrier.

Quant à l’appel lancé par l’église catholique et l’église protestante pour le dialogue national, c’est l’ultime moyen parce que la paix n’a pas de prix, car nos compatriotes ne doivent plus continuer à mourir à l’est du pays, l’intégrité de nos frontières et notre souveraineté doivent être respectées. Le régime de F. Tshisekedi et tous ceux qui le soutiennent ont déjà perdu le contrôle du pays et le glas a sonné pour qu’ils préparent leurs valises. Ces losers viennent de créer des situations chaotiques et aujourd’hui des administrations parallèles à l’est du pays. C’est un pouvoir qui ramène le pays à la fin des années 1990, d’août 1998, voire même au début des années 1960. La situation de la RDC va un cran plus loin et c’est dans ce sens que le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’inquiète du cycle de violence sans fin en RDC. Il faut souhaiter que le dialogue national aboutisse à une feuille de route en vue des nouvelles élections générales dans un délai plus raisonnable.

Le navrement de tout un peuple : l’histoire de la RDC est un éternel recommencement
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‘’Paul Kagame semble dans un moment poutinien’’

Avec la prise d’une partie de la ville de Goma par la coalition M23/AFC avec un appui massif de l’armée rwandaise, Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), estime que ‘’le Rwanda a décidé de déclencher une guerre de voisinage en se justifiant par l’auto-défense’’. Selon lui, ‘’des sanctions économiques et militaires devraient constituer le meilleur moyen de pression’’.

Afrikarabia : Depuis le retour du M23, fin 2021, rien ne semble arrêter la rébellion soutenue par Kigali, ni militairement ni diplomatiquement. On se demande quel est l’objectif final de cette nouvelle version du M23 ? Annexion des Kivu, renversement de Félix Tshisekedi ?

Thierry Vircoulon : Depuis le début du conflit, Kigali dissimule ses buts de guerre derrière la rhétorique habituelle sur la « menace existentielle » que constitueraient les FDLR et la défense de la minorité congolaise tutsie. Mais on sent bien que le but de cette guerre est ailleurs. Le but immédiat est de forcer le gouvernement à faire ce qu’il refuse de faire depuis la résurgence du M23 en 2022 : négocier avec cette rébellion armée. Mais une négociation pour quoi ? Certainement pas pour que le M23 puisse réintégrer l’armée congolaise comme cela avait été le cas après la crise de 2008. Une négociation entre le gouvernement congolais et le M23 viserait à conférer à ce mouvement armé le contrôle territorial d’une partie du Nord-Kivu à minima. Cela permettrait l’officialisation des gains territoriaux du M23 depuis 2022 et équivaudrait à une annexion officieuse par le Rwanda. Le Nord-Kivu (ou en tout cas une partie de cette province) deviendrait ainsi un Donbass rwandais – dans la version du Donbass avant le référendum d’annexion par la Russie en 2022. Le renversement de Félix Tshisekedi n’est pas exclu dans cette stratégie si celui-ci continue à s’opposer à cette volonté d’annexion. Pour ce faire, Kigali semble avoir ressorti des poubelles de l’histoire la vieille stratégie du paravent politique congolais : l’Alliance du Fleuve Congo est le nouvel avatar du Rassemblement Congolais pour la Démocratie.

Afrikarabia : L’armée rwandaise a joué un rôle moteur dans l’avancée des rebelles et la prise de Goma. Qui peut faire plier Paul Kagame et a-t-il encore des soutiens dans la région ?

Thierry Vircoulon : Paul Kagame semble dans un « moment poutinien ». Comme Poutine avant l’invasion de l’Ukraine, il dispose d’une certain aura internationale basée sur l’exceptionnalisme de son régime dans le contexte africain (un Etat développeur et une armée efficace sont très rares sur le continent). Comme Poutine, il a décidé de déclencher une guerre de voisinage en se justifiant par l’auto-défense. Mais, à l’inverse de Poutine, le Rwanda ne dispose pas d’un complexe militaro-industriel et d’une économie exportatrice de matières premières dont les marchés internationaux ont besoin (hydrocarbures et céréales). Par conséquent, à l’inverse de la Russie, les sanctions économiques et militaires devraient constituer le meilleur moyen de pression. L’industrie rwandaise ne produit pas les armes sophistiquées utilisées au Nord-Kivu (missiles, systèmes de brouillage, etc.), les exportations minières représentent l’essentiel des recettes d’exportation du pays (1,1 milliard de dollars en 2023) et, même si l’aide internationale a baissé, sa suspension aura un impact. Les marchés ont déjà réagi négativement à la prise de Goma (Rwanda’s dollar bond slips after M23 enters Congo’s Goma | Reuters) et l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui ont longtemps soutenu le développement du Rwanda, menacent de suspendre leur aide (Lammy tells Rwanda it is putting $1bn in aid ‘under threat’ in DRC invasion | Rwanda | The Guardian).

Afrikarabia : Qui peut sauver le soldat Félix Tshisekedi ? Sur quel pays peut-il encore compter pour lui venir en aide ?

Thierry Vircoulon : Le régime de Félix Tshisekedi vient de découvrir qu’il n’avait plus beaucoup d’alliés et encore moins d’amis. Il y a deux acteurs qui ont des troupes dans l’Est de la RDC : la SADC et le Burundi. Félix Tshisekedi a mis à la porte le Kenya et appelé à l’aide l’Afrique du Sud à la fin de l’année 2023 et celle-ci a déployé des troupes pour bloquer le M23 dans le cadre de la SADC. Or maintenant, la SADC « lâche » Tshisekedi en annonçant le retrait de sa mission après une réunion d’urgence le 31 janvier. La mission de la SADC a perdu des hommes dans les combats avec le M23 et le gouvernement sud-africain, qui est dans une situation politique fragile (c’est un gouvernement de coalition), ne semble pas prêt à une nouvelle aventure militaire. Son opinion publique ne le comprendrait pas. Sollicité lundi dernier par Félix Tshisekedi, l’Angola n’a pas les moyens militairement d’intervenir dans l’Est de la RDC. Il ne reste donc que le Burundi dont l’armée intervient depuis plusieurs années au Sud-Kivu. L’armée burundaise semble renforcer déjà l’armée congolaise dans cette province afin de contrer une éventuelle offensive du M23 et de l’armée rwandaise sur le Sud-Kivu, offensive qui pourrait les amener jusqu’à la frontière burundaise. Pour l’heure, le Burundi apparaît comme le seul soutien militaire du régime congolais.

Afrikarabia : Dans une possible sortie de crise, le M23 et le Rwanda semblent favoriser une médiation de l’East African Community (EAC), alors que Kinshasa privilégie la piste angolaise. Pour quelles raisons ?

Thierry Vircoulon : Tout d’abord, il y a une raison circonstancielle. Après avoir adhéré à l’EAC et lui avoir demandé son aide en 2022 pour contrer le M23, Félix Tshisekedi a congédié les troupes du Kenya déployées au Nord-Kivu et s’est tourné vers la SADC. Les espoirs motivant l’adhésion à l’EAC ayant été déçus, le président congolais est revenu dans le giron de la SADC. Mais il y a aussi une raison historique à ce clivage. Depuis la guerre de 1998, l’Est de la RDC est le lieu de la confrontation entre certains pays de la SADC (en particulier l’Afrique du Sud) et certains pays de l’EAC (en particulier le Rwanda). Dans la partie orientale du Congo, le conflit est régionalisé depuis longtemps. L’IFRI avait attiré l’attention sur cette réalité au sujet du Sud-Kivu il y a quelques années [La province du Sud-Kivu : un champ de bataille multidimensionnel méconnu | Ifri]. La rébellion du M23 a re-régionalisé le conflit du Nord-Kivu avec le déploiement des armées rwandaise, burundaise, kenyane puis sud-africaine. Par ailleurs, l’armée ougandaise se renforce à la frontière congolo-ougandaise. Loin d’être simplement un conflit congolo-rwandais, le conflit du M23 est aussi un conflit régional.

Afrikarabia : Pourquoi l’Union africaine est encore timide dans ses condamnations du Rwanda ?

Thierry Vircoulon : Si l’UA « condamne sans équivoque tout soutien militaire étranger apporté au M23 », elle n’a pas explicitement mentionné le Rwanda après sa réunion d’urgence sur la situation en RDC. Cela est une défaite importante pour la diplomatie congolaise et montre que Kinshasa a peu de soutiens au Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Paul Kagame et Félix Tshisekedi ont tous deux présidé l’UA mais le premier a porté des initiatives de réforme qui ont en grande partie échoué mais ont montré qu’il s’investissait quand même dans l’UA, à l’inverse de Félix Tshisekedi. En outre, Paul Kagame jouit d’une stature particulière au sein des présidents africains : il apparaît comme le seul à avoir réussi à développer son pays et le seul pourvoyeur de sécurité avec les déploiements militaires rwandais au Mozambique et en Centrafrique.

Afrikarabia : Comment expliquer l’apathie des Nations Unies et des Occidentaux ?

Thierry Vircoulon : L’ONU a été plus loin que l’UA après la prise de Goma. D’une part, le Conseil de sécurité a nommé indirectement le Rwanda comme soutien du M23 en faisant référence au dernier rapport du panel des experts de l’ONU qui détaille la présence militaire rwandaise au Nord-Kivu. D’autre part, avant même la prise de Goma, plusieurs pays occidentaux (Etats-Unis, France et Belgique) ont déclaré publiquement que le Rwanda violait l’intégrité territoriale de la RDC. Après la prise de Goma, la Grande-Bretagne, membre du Conseil de sécurité, vient de rejoindre cette liste. Depuis le début du conflit en 2022, le gouvernement américain n’a cessé de mettre en cause le Rwanda et le président français a tenté d’organiser plusieurs rencontres entre les présidents congolais et rwandais sans succès. Le ministre français des Affaires étrangères est le seul ministre à s’être rendu à Kinshasa la semaine dernière et des discussions sur d’éventuelles sanctions contre le Rwanda sont en cours au sein de l’Union européenne. A l’inverse, la Chine et la Russie n’ont jamais nommé l’agresseur. La Chine dont un diplomate est le représentant de l’ONU pour les Grands Lacs devrait être au cœur des initiatives diplomatiques, mais elle paraît absente. Et l’UA n’ose pas prononcer le nom du Rwanda. Donc l’apathie ne me semble pas être là où on pense et l’attaque des ambassades des rares pays ayant dénoncé l’agression rwandaise laisse perplexe…

Afrikarabia : Quelles sont les responsabilités congolaises dans cette crise du M23 ?

Thierry Vircoulon : Cette nouvelle crise du M23 est plutôt accablante pour le Rwanda que pour la RDC. Kigali a réactivé le M23 qui avait disparu entre 2013 et 2021, envoyé son armée au Nord-Kivu et importe illicitement des minerais en provenance des zones contrôlées par le M23. Toutefois, le point de départ de ce conflit reste mystérieux et c’est peut-être là qu’il faut rechercher des responsabilités congolaises. En effet, sitôt au pouvoir, le président Tshisekedi avait mené une politique de rapprochement avec le Rwanda et l’Ouganda. Des accords de coopération économiques et sécuritaires avaient été signés et Paul Kagame s’était même rendu à Goma en 2021. La rupture brutale de cette politique pour des questions d’intérêt est probablement à l’origine de la « résurrection » du M23.

Afrikarabia : Les négociations entre le M23 et le gouvernement congolais, comme le demandent les rebelles, mais aussi Kigali, sont-elles la solution au conflit ?

Thierry Vircoulon : Paul Kagame ne s’étant pas rendu à la signature de l’accord négocié par l’Angola le 15 décembre 2024, il est révélateur qu’il veuille des négociations maintenant… La question essentielle est le but des négociations. Pour Kigali, il s’agirait de faire avaliser en position de force le contrôle territorial du M23 sur une partie de l’Est congolais ; pour Kinshasa, il s’agirait d’obtenir le retrait de l’armée rwandaise de son territoire. Si entrer dans des négociations permet de geler la progression du M23 vers le Sud-Kivu, cela serait avantageux pour Kinshasa. Si non, alors le gouvernement congolais sera humilié encore plus en participant à des négociations en position d’extrême faiblesse. Dans l’immédiat, l’urgence est évidemment humanitaire : l’accès humanitaire à Goma (une ville de plus d’un million d’habitants) et aux camps de déplacés qui l’environnent doit être rétabli très vite, sans quoi en plus d’être l’agresseur le gouvernement rwandais sera responsable d’une catastrophe humanitaire. Pour cela, il n’y a pas besoin de négociations. Des négociations basées sur des concessions réciproques pourraient mettre fin à ce conflit mais elles ne seraient pas la solution au système de conflits des Grands Lacs qui est fondé sur un extractivisme prédateur régionalisé et une commercialisation illicite sur les marchés internationaux. Le « business model » de ce système de conflits est l’extraction par la violence et la commercialisation par la fraude.

Propos recueillis par Christophe Rigaud

‘’Paul Kagame semble dans un moment poutinien’’
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Est RDC : Julien Babete Yandi se range derrière le Président Tshisekedi et les FARDC pour chasser les envahisseurs rwandais

Congolais de la diaspora, il suit de très près l’évolution de la situation désastreuse dans la partie Est de son pays d’origine, plus précisément dans la ville de Goma en proie à des violents combats entre les troupes loyalistes et les terroristes du M23 appuyés par les forces spéciales rwandaises. Julien  Babete Yandi en appelle à la mobilisation générale derrière le Chef de l’Etat et Commandant suprême des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de Police nationale congolaise (PNC).

Dans son message à la nation tant attendu, Felix Tshisekedi a fait ce serment solennel : « A tous mes compatriotes d’ici et de la diaspora, la République Démocratique du Congo ne pliera pas. La République Démocratique du Congo ne reculera pas. Je ne vous abandonnerai jamais, j’en fais le serment. Le soleil n’a pas cessé de briller sur notre patrie. »

De son côté, Julien Babete Yandi estime qu’il est temps de taire les querelles intestines et de privilégier l’intérêt général. Il nous faut rallumer la flamme de l’éveil patriotique. Car, l’heure est grave. Padri Nahimana, un opposant rwandais au régime de Kagame  a lancé un message percutant aux Congolais dont voici un extrait : « Chers Congolais, je suis Rwandais et je connais très bien les faiblesses du Rwanda. L’unique arme que le Rwanda utilise pour déstabiliser la RDC, ce sont vos propres faiblesses. Paul Kagame se sert des faiblesses des Congolais pour déstabiliser un pays comme le vôtre. »

Et de poursuivre : « Premièrement, Kagame sait très bien que vous n’êtes pas unis. Voilà pourquoi il utilise parmi vous certains politiciens congolais pour développer parmi vous la division et le tribalisme. » Donc selon cet opposant au régime de Kigali, ces divisions internes affaiblissent la RDC et la rendent vulnérable aux ingérences extérieures. Et il n’a pas tort. « L’union fait la force », disent les Belges. C’est dans cet élan patriotique que Julien Babete Yandi s’est décidé de se ranger derrière Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le Président de la République, pour bouter l’ennemi hors du territoire congolais. Et aussi de transporter cette guerre au Rwanda.

Par ailleurs, il salue la bravoure des jeunes soldats congolais et des Wazalendos qui défendent la patrie aussi bien à Goma que d’autres théâtres des opérations jusqu’au sacrifice suprême. Mais il dit regretter le comportement de quelques officiers généraux qui ont pris la poudre d’escampette. Quoiqu’il en soit, le Congo sortira victorieux de cette guerre d’agression qui permet à Paul Kagame et ses soutiens de piller les richesses minières de la RDC.

« Quelle que soit la longueur de la nuit, le soleil apparaitra. »

La patrie ou la mort !

James Mpunga Yende 

Est RDC : Julien Babete Yandi se range derrière le Président Tshisekedi et les FARDC pour chasser les envahisseurs rwandais
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