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« Projet africain pour le remplacement culturel et la transformation mentale Analyses, études, réflexions projectives sur les défis et dérives africains à l’aube du 21ème siècle dominé par le numérique et l’intelligence artificielle »

« Projet africain pour le remplacement culturel et la transformation mentale Analyses, études, réflexions projectives sur les défis et dérives africains à l’aube du 21ème siècle dominé par le numérique et l’intelligence artificielle »

 
(Par le Professeur Antoine-Dover Osongo-Lukadi)

 




PREMIER CHAPITRE
Le mea culpa afro-subsaharien noir face à l’Occidentalisme
1.Le devoir du courage de la vérité
Cette conférence est une réflexion tirée d’un des nombreux manuscrits en cours d’élaboration, intitulé Intitulé « Des épiphanies, des satires et des métaphores discursives culturelles postcoloniales euro-occidentales en Afrique. « Pour une révolution culturelle coercitive plus praxéologique », pour répondre, entre autres, à la préoccupation qui est la nôtre ici et maintenant selon laquelle, «l’organisation The Borgen Project, le marché des produits éclaircissants en Afrique s’élève à 31,6 milliard de dollars l’année. Le marché du livre en Afrique est d’1 milliard de dollars. Si vous voulez devenir en Afrique, vous gagnerez plus à vendre de l’hydroquinone qu’à produire de la connaissance. Sur ce continent, l’aliénation culturelle est le commerce le plus rentable car les gens dépensent 30 fois plus à ne plus ressembler à des africains qu’à se cultiver. Apprenez à un peuple à se détester : il sera le plus heureux et le plus soumis des esclaves » (Cfr Farida Bemba Nabourema, Citoyenne Africaine Désabusée).
Que Umberto Ecco nous pardonne, lui qui n’y allât pas par le dos de la cuillère, en critiquant sévèrement les réseaux sociaux, qui ont ouvert, selon lui, une tribune facile et totalement gratuite, en donnant la parole même à des imbéciles, bref à des individus qui n’en auraient jamais eu de toute leur vie l’occasion de se montrer ni de s’adresser au monde cultivé. Or qu’il s’agisse bien des whatsAppistes, des tiktokeurs, des facebookistes, des messengeristes et qu’en savons-nous encore, dont selon Umberto Ecco, raconteraient tout et n'importe quoi, nous sommes bien obligé, au moins cette fois-ci, d’accorder un crédit à cette déclaration de Farida Bemba Nabourema. Parce que dans ce qu’elle dit se trouve l’une des deux thèses que nous élaguons dans ce livre, à savoir qu’après la « fin » de la colonisation et de l’esclavage, l’Occident n’est plus ni responsable de l’acculturation, ni de l’aliénation mentale ni encore moins la cause du sous-développement, et donc ainsi de la pauvreté de l’Afrique subsaharienne. Dans la mesure où ce qui arrive aujourd’hui à l’Afrique subsaharienne et que nous mettons sur le dos de l’homme euro-occidental blanc n’est plus de la totale responsabilité de cet homme euro-occidental, mais sinon de l’homme africain noir lui-même, qui a du mal à se départir de la culture naguère esclavagiste et coloniale. Cette volonté y consistant à s’authentifier, à se singulariser, à s’autonomiser, à s’émanciper de l’occident, mais en même temps à s’y attacher en restant fidèle poings et mains liés à ses éléments culturels ; une façon de vouloir le beurre et l’argent du beurre !
Nous assistons ici et maintenant en d’autres termes à un phénomène bien connu que les psychanalystes voire psychologues appellent le « syndrome de Stockholm » où la victime se prend d’affection, de compassion pour son geôlier ! C’est pourquoi sommes-nous en droit de dire qu’on est plutôt devant une sorte de soumission voire d’aliénation choisie, acceptée, voulue, aimée, choyée. Mais, en se cache constamment derrière un prétexte déjà connu, mais au demeurant farfelu, inutile, futile, puérile, qui met en avant le déséquilibre du rapport de force entre le NORD et le SUD, anciens esclavagistes, colonialistes d’une côté et anciens esclaves, colonisés d’un autre côté pour toujours justifier comment et pourquoi, ils ne pourraient jamais renverser ce déséquilibre, alors que d’autres également victimes du même déséquilibre y sont, en la faveur d’une lutte acharnée munis de leurs moyens propres et de l’énergie parfois du désespoir, y sont sacrément parvenus !
Loin de nous l’idée de nier ni de relativiser le caractère très handicapant voire nocif dudit rapport de force sur le « dialogue » entre le NORD développé et le SUD sous-développé pour garantir l’émancipation au plan politique, économique, social, historique, civilisationnel, technologique ; bref culturel des populations afro-noires. Ce que nous contestons, en revanche, est de s’y arrêter constamment pour ne rien entreprendre pour la transformation et développement culturels du continent noir. On ‘est chaque fois surpris d’entendre ceux qui sont en poste et gouvernent leurs concitoyens n’y avoir comme seul prétexte l’étau occidental qui leur serre au cou comme un goulot d’étranglement, qui les empêcheraient d’entreprendre ou tout simplement d’y faire mieux. Alors qu’ils ont le pouvoir de décision et de choisir. Au fait d’y risquer même pour sa vie, plutôt qu’accepter de signer des accords compromettants derrière le dos de leurs peuples et contre eux ; des accords qui ne leur permettront jamais de s’y assumer et au pire de crier haut et fort leur autonomie, puisque craignant non seulement d’y perdre leurs intérêts mignons mais également leur vie de paria.
C’est pour cette raison que nous nous interrogeons sur la responsabilité directe, ostensible de l’Occident dans cette incapacité notoire des politiques africains noirs quand ils n’arrivent pas à lui imposer leur vision des choses. Même s’il est vrai que l’Occident, bourré d’impératif hypothétique au détriment de l’impératif catégorique d’un côté mais également de l’agir stratégique relativisé par J. Habermas en lieu et place de l’agir communicationnel, s’y exerce à imaginer des stratégies d’intimidations et de blocages pour continuer, installer son capitalisme, son hégémonisme, son impérialisme, son eugénisme ; bref son « occidentalisme » dont parle avec éloquence S. Latouche. Pourtant en cette matière, l’exemple aurait dû provenir des occidentaux, dont les philosophes en y ont été plus qu’exemplaires.
Pour nous rafraîchir la mémoire, E. Kant a dénoncé sévèrement l’impératif hypothétique, en tant que représentant « la nécessité pratique d’une action possible, considérée comme moyen d’arriver à quelque autre chose que l’on veut » ; l’impératif hypothétique comprend tantôt de simples règles de l’habileté : il faut faire ceci pour obtenir cela ; tantôt des conseils de prudence : il faut agir ainsi pour être heureux, au lieu d’impératif catégorique. Donc pour le premier cas, il suffit de déduire les moyens de la fin, réelle ou supposée. Il a demandé de s’y détacher à raison qu’il ne reflète pas la moralité véritable.
C’est pour infuser une véritable moralité en nous et en particulier à ses concitoyens occidentaux convaincus d’esclavagisme et de colonialisme, qu’au lieu et place de l’agir hypothétique, qu’il recommande l’impératif catégorique, représentant de son côté « une action comme nécessaire pour elle-même », dont seul l’impératif catégorique, qui fait de l’intention, et non des conséquences de l’acte, le principe de sa bonté, a un contenu moral Mais l’impératif catégorique est moral parce qu’il n’y a ni conditionnalité ni calcul (fais ton devoir sans conditions) ; cet impératif catégorique qui est subordonné à trois formes d’impératifs. Kant part du constat selon lequel parce que les lois que la raison s’impose ne peuvent en aucun cas recevoir un contenu de l’expérience, puisqu’elles doivent exprimer l’autonomie de la raison pure pratique, alors les règles morales ne peuvent consister que dans la forme même de la loi. D’où la première formulation de la loi : « Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle » (première formule du devoir). La deuxième formulation tient au respect de la raison qui s’étend au sujet raisonnable : « Agis toujours de telle sorte que tu traites l’humanité, en toi et chez les autres, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen » (deuxième formule du devoir).
Dans l’esprit de Kant parce que cette deuxième formule nous oblige à considérer tout être raisonnable comme une fin en soi, on doit proscrire tout autant le suicide que l’esclavage. La troisième formulation part du principe selon lequel les hommes, pour s’unir dans une juste réciprocité de droits et d’obligations, n’ont à obéir qu’aux exigences de leur raison : « Agis comme si tu étais législateur en même temps que sujet dans la république des volontés » (troisième formule du devoir) ; de telle sorte que chez Kant le RESPECT est seul sentiment qui a par lui-même une valeur morale, dans cette éthique rationaliste, non parce qu’il serait antérieur à la loi, mais parce que c’est la loi morale elle-même qui produit en moi ce sentiment, par lequel mon orgueil est humilié. La morale de Kant tout en magnifiant la raison humaine, exprime sa méfiance à l’égard de la nature humaine et de tout ce qui est empirique, passif, passionnel, pathologique.
Quant à J. Habermas qui s’était fait remarquer en philosophie par son traité au succès planétaire intitulé « La Théorie de l’agir communicationnel (1981), il considère l’agir stratégique comme étant celui par lequel on cherche à exercer une certaine influence sur l’autre (procédé mis en œuvre par la publicité ou le discours de propagande politique), et l’agir communicationnel, comme étant celui par lequel on cherche simplement à s’entendre avec l’autre, de façon, à interpréter ensemble la situation et à s’accorder mutuellement sur la conduite à tenir ; en se conduisant à s’interroger sur les conditions de l’intercompréhension dans le processus de communication. Partant du constat que tout locuteur se réfère à un au-delà du discours (le monde vécu) qui n’est pas nécessairement partagé par l’auditeur, et que ce qui est compris par l’auditeur est au fond plus important que ce qui est dit par le locuteur, Habermas a mis au point une « éthique de la discussion », afin de garantir entre le locuteur et l’auditeur une authentique compréhension mutuelle.
Ainsi, pour que mon énoncé soit digne de figurer dans un procès d’intercompréhension, il faut qu’il soit sensé, qu’il soit compréhensible pour mes interlocuteurs, qu’il n’exprime ni autorité, ni intimidation, ni menace (sinon l’on retombe dans l’agir stratégique) et qu’en dernier ressort, il soit susceptible d’être admis par chacun et par tous comme étant valable. Ici se dessine un modèle démocratique du consensus, modèle que prescrit la « raison communicationnelle » quand on l’applique au domaine du politique. Habermas espère ainsi sortir la démocratie des ornières dans lesquelles le complexe technico-scientifique l’a fait tomber.
C’est ainsi que sans parler ni faire allusion à aucune violence intégriste, puisque ce n’est pas et ne sera jamais la question, pour pouvoir essayer ou engager une guerre ni conventionnelle ni non-conventionnelle contre l’Occident -, que du reste les afro-noirs perdront dans la situation actuelle de dénuement planétaire sur tous les domaines de la vie politique, économique, sociologique, historial, civilisationnel, technologique ; bref culturel, le courage, la bonne volonté, la dignité seules ne lui suffiront jamais -, la voie de la phronèsis (prudence) africaine subsaharienne, les conseillera de laisser cette stratégie de la terre brûlée aux seigneurs de guerres euro-occidentaux, pour apprendre chez d’autres partenaires comme les Chinois, les Indiens, les Israéliens les voies et moyens qui les ont sortis du néocolonialisme, de l’impérialisme, de l’hégémonisme, du capitalisme déshumanisant ; bref de l’occidentalisation du monde.
Nous pensons le plus sincèrement que c’est aux dirigeants politiques africains de repérer pour toutes les astuces à la fois hypothétiques et stratégiques qui bloquent sa transformation et son développement holistique afin de les contrer.
Il s’agit, au lieu de susciter dans l’opinion afro-subsaharienne noire une haine sans discernement du peuple occidental et de l’Occident, de nous demander si le fait pour l’Occident d’user de l’ « hypothétisme » et du « stratégisme » dénoncés, nous venons de le voir, il y a un moment, respectivement par Kant et Habermas, exerçant de toute son influence sur la désignation des marionnettes, en réalité des « commissionnaires » ou au pire des « administrateurs postcoloniaux », plutôt que des vrais chefs d’Etat, pour leur maintien à vie au pouvoir afin de servir ses intérêts, notamment l’exploitation de l’homme par l’homme, au travers le pillage systématiquement organisé des richesses naturelles et bien d’autres de l’Afrique subsaharienne noire, car ils sont à ses yeux plus de gadgets que des vrais partenaires, qui irait jusqu’à recommander voire à exiger à ces leaders fantoches d’imposer à leurs peuples respectoifs un mode de vie occidentaliste allant de l’adoption de leurs langues d’expression jusqu’au blanchissement de leur peau ? Arrêtons d’êtres ridicules et naïfs à ce point. On n’est tout simplement pas sérieux ni conséquents.
Nous savons également que l’adoubement des chefs d’Etats de l’Afrique subsaharienne par l’Occident politicien ne se fait pas, sans contrepartie. Malgré les efforts qu’il consent soi-disant à la transformation et le développement économique de l’Afrique subsaharienne noire, l’Occident ne relâche jamais la pression politico-militaire. Comment il en serait autrement quand un proverbe africain dit que celui qui vole ne tousse jamais. Ainsi comme une souris, l’Occident impose à ses commissionnaires politiciens afro-noirs, sa recette miracle appelée la démocratisation des institutions, dont la bonne gouvernance, l’alternance politique en tant que mode crédible d’accession au pouvoir, mais en réalité pour permettre leur maintien envers et contre tous les clés d’une démocratie.
Cependant, en Afrique noire, personne n’est plus dupe. On a compris. Car les ressortissants appellent cette stratégie occidentale, cette façon de parler et d’agir, comme un trompe l’œil, un calmant, mieux, une façon de les caresser dans le sens du poil, plutôt que pour réellement changer le sort des peuples afro-noirs. En effet, au regard de ce qui s’y déroule, ce ne pas pour garantir la paix sociale, politique, économique des peuples en Afrique que l’Occident justifie sa présence grandiloquente, autrement dit pour changer le destin des populations autochtones afro-noires, mais au contraire pour prospérer une « élite » politique africaine susceptible de le servir servilement, par exemple, dans l’exploiter des ressources naturelles. Et il en va, de ce qui précède, de l’existence des zones de conflits un peu partout en Afrique noire. La terre brûlée lui profite. Plus il y a du désordre et plus l’exploitation de l’homme par l’homme se porte mieux. Donc, il ne faut rien changer. Mais plutôt continuer avec les mêmes dictateurs ou « administrateurs coloniaux » pour maintenir l’insécurité et la pauvreté dans la population afro-subsaharienne noire. Ce disant, et c’est la face cachée de la soi-disant coopération internationale ou aide au développement au Tiers-Monde et à l’Afrique plus particulièrement, l’intérêt de l’Occident ne consiste ni à asseoir la démocratie ni d’espérer que les peuples africains vivent en harmonie et libres dans un espace ou la liberté d’expression et d’opinion, qu’il prône et garantit plutôt chez lui.
En Afrique subsaharienne noire, la démocratie est un pot vide. Car c’est le seul endroit au monde où les opposants politiques ne sont jamais protégés. Pour la protection de ses intérêts économiques, miniers, l’Occident tolère voire accompagne la brimade, l’oppression à l’encontre des opposants, davantage encore s’ils étaient repérés d’être nationalistes, pire encore panafricanistes. Donc l’Afrique est un kit de survie pour l’Occident. Les bonnes paroles sur la démocratisation des institutions africaines ne servent qu’au renforcement de la dictature afin d’inoculer la peur dans l’opinion afin d’y annihiler tous les mouvements d’éveil et de contestation de la part des peuples qui aspirent au vrai changement. Pour y parvenir, l’Occident peut compter sur une couverture médiatique sans faille et sans précédent, qui relaie ses vraies-fausses bonnes intentions sur le continent afro-noir : RFI, FRANCE24, BBC, VOA et tant d’autres encore. Ces médias de contrôle, de désacculturation, d’aliénation et de propagande sont là pour désinformer plutôt que d’informer voire de former les populations afro-noires. Mais jamais un mot sur l’implication euro-occidentale dans la déliquescence et dérive politiques, économiques, sociales, historiales, civilisationnelles ; bref culturelles des peuples africains subsahariens. Pourtant, ils y assistent et savent justement qu’à cause de cette vraie-fausse conscience euro-occidentale, les populations africaines demeurent pauvres et exsangues.
Ce que nous venons d’entendre est la réalité. Personne au NORD ou au SUD, à l’EST ou à l’OUEST ne pourra le contester. Notre problème, et c’est sans doute l’originalité que nous infusons dans ce débat éternel sur le rapport des forces entre l’Afrique noire et l’Occident, est de demander à l’Afrique tout d’abord d’organiser son espace public, dont entre autres de se transmuter de la théorie, de la consommation à la création, la production, l’invention, la transformation. L’homme afro-subsaharien doit cesser d’être un simple théoricien, spéculateur, consommateur des cultures étrangères. Ensuite, que cet homme afro-noir comprenne la nécessité de se prendre en charge, en s’y investissant totalement, et non pas se muer en copier-coller desdites cultures étrangères, mais dans l’action créatrice, productrice, inventrice, transformatrice. Il doit se sortir de la théorie, de la lamentation, du romantisme, de la poésie. D’où, fort de cet état des choses, nous en sommes arrivé à la déculpabilisation de l’Occident eu égard à cette déchéance, qui nous paraît plutôt volontaire et assumée par la seule ânerie des Africains subsahariens noirs eux-mêmes.
Voilà donc pourquoi logiquement la pérennisation de la déchéance africaine subsaharienne, pour être honnête, ne devait plus être interprétée comme essentiellement quantitativement qualitativement comme l’œuvre exclusive des pouvoirs politiques occidentaux, mais aussi voire davantage encore du fait des pouvoirs afro-subsahariens qui ont choisi, décidé et accepté délibérément de se mettre au service de l’Occident, et par ricochet de sa politique de la terre brûlée, en échange évidemment d’un maintien au pouvoir sans fin et pour un enrichissement sans compter. Ainsi non seulement la responsabilité est très partagée dans cette déliquescence et déchéance afro-subsaharienne noire est partagée entre l’Occident politicien et l’Afrique politicienne dont avec une grande part pour ceux que nous appelons, sans -aucun mérite ni considération « chefs d’Etats » africains, mais également leur complicité dans le massacre ontologico-anthropologique d’un côté et culturaliste afro-noire d’un autre côté.
Les dirigeants politiques afro-noirs, leurs sarcasmes, ignominies, hérésies et classes politiques sont entièrement coupables dans ledit massacre. Tout simplement parce qu’ils ont choisi de faire le jeu de l’Occident contre leurs peuples respectifs.
C’est mentalement irresponsable que d’y penser le contraire, puisque nous savons au même moment que d’autres peuples qui ont subi les mêmes blessures ontologiques, dont l’esclavagisme et le colonialisme, non seulement s’y étaient rebellés mais ont également choisi une autre voie de transformation et du développement qu’ils ont cru propice pour leurs concitoyens. A haute voix donc, nous énonçons, affirmons et réitérons que, plus de soixante ans, après la proclamation des indépendances nationales africaines, il n’est plus ni honnête ni responsable de continuer à crier au « Lou et l’Agneau » de La Fontaine, en impliquant l’origine du sous-développement holistique des Africains noirs à l’occidentale. Si tant il est vrai que pour Jankélévitch, l’homme ne vit réellement que dans l’instant, c’est-à-dire, dans l’acte moral et que dans les intervalles qui séparent nos actes, nous sommes comme absents au monde, puisque nous n’existons authentiquement que lorsque nous prenons une décision, lorsque nous effectuons un choix.
Parce que pour Vladimir Jankélévitch le « se-faisant » est la catégorie fondamentale d’une philosophie qui élève l’homme au rôle du créateur. Dans l’acte moral, nécessairement irréfléchi puisqu’instantané, je m’engage tout entier, en créant par mon attitude un monde de valeurs qui transcende mon simple être-là. C’est cette transcendance énigmatique que Jankélévitch a tenté de mettre en lumière dans ses différents livres. Ainsi, le remords m’enseigne que je suis davantage que la faute que j’ai commise ; l’ironie et l’humour m’apprennent que je suis au-delà de toutes mes pensées ; l’ennui lui-même me révèle qu’ « une âme vide de plaisir et de bonheur est cependant une âme où il se passe quelque chose » ; enfin le mensonge m’indique la transcendance pécheresse du sujet qui se tourne vers le non-être.
C’est que nous soutenons ici n’est pas forcément une autodérision mais au contraire une auto-culpabilisation. Celle-ci à elle seule justifie notre projet du « remplacement culturel » en Afrique subsaharienne noire. Au travers dudit projet, nous pensons contribuer à la transformation et au développement holistiques de l’Afrique subsaharienne noire. Même si face à la difficulté éprouvée par l’homme africain noir de se défaire de la culture euro-occidentale, envisager un « remplacement culturel » apparaît comme un grain de sable dans l’océan et donc un pari voué à l’échec d’avance, mais au regard également de l’ambiguïté de l’homme afro-noir lui-même vis-à-vis de cette culture occidentale ; cet homme afro-subsaharien qui se retrouve pratiquement dans la situation du héros décrit dans roman intitulé « L’aventure ambiguë » du littérateur marquant Cheikh Amidou Kane.
Il nous semble donc pour remplacer culturellement l’Occident en Afrique noire, nous devrions malheureusement voire paradoxalement accepter de suivre le chemin rocailleux que celui-ci avait suivi tout au long de son histoire culturelle depuis le début jusqu’à son écrasante et insolente domination actuelle. Or ce chemin qui fut le sien, qui n’était ni poétique ni romantique, est celui qui est retracé dans la Sainte Bible, comme voie de la création, de la production, de l’invention ; bref de la transformation. En effet dans la Genèse et plus précisément sur la « création » de l’humanité, il y est noté de prime abord ceci dans le chapitre n°1, verset 27 : «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa », et ensuite au verset 28 : « Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre ». Certes le Dieu qui nous parle est certainement romantique, poétisant (Cfr. Chapitre 1, versets 1-31) où il mit en évidence l’idée de bonté et de beauté tant pour lui-même que pour nous ses créatures, même s’il apparaît beaucoup plus un Dieu créateur, producteur, inventeur et transformateur, ce en quoi il y invite l’humanité tout entière.
Par-delà les questions culturelles sur l’origine de la Bible comme parole de Dieu ; une parole adressée universellement à toute l’humanité, il apparaît que SEUL l’homme afro-subsaharien qui se l’est appropriée comme plateforme de tout progrès, mais uniquement à vénérer ce créateur qui n’a jamais ni chanté ni dansé lui-même, en chantant et en dansant 24/24, signe que cet homme afro-noir n’y a rien compris du message contenu dans le premier chapitre et plus particulièrement lors de l’herméneutique de versets 27-28. C’est donc ainsi et pendant qu’il reste dans le romantisme-attitude et dans la poésie-existence ; bref dans la consommation et dans le copier-coller culturel, l’homme euro-occidental blanc, l’homme asiatique créent, produisent, inventent, transforment l’humanité. L’homme afro-noir est quant à lui, un être des lamentations, des plaintes et foncièrement accusateurs sur les malheurs permanents que d’autres races ou peuples lui feraient subir. Jamais capable de se remettre en question. Plein de mauvaise foi « sartrienne », il s’interdit de regarder le nombril, et donc incapable d’auto-culpabilisation.
Nous ne comprenons donc pas qu’on y tergiverse. Parce que suivant cette logique, l’homme afro-noir n'est qu’un pot, un récipient des idées, des pensées, des actions d’autres races voire au pire un urinoir. Pour s’en sortir, qu’il commence par inventer sa propre religion, par exemple, sa propre philosophie, sa propre technologie pour construire ses avions, ses chaînes de télévisions, ses radios, ses journaux ; bref ses propres moyens de communication labiaux, écrits et surtout parler ses propres langues, inventer son propre système scolaire, supérieur et universitaire. C’est delà que le remplacement culturel envisagé deviendra une réalité perpétuelle. Prétendre ou simplement ambitionner de remplacer l’Occident quand on est que consommateur, plutôt que transformateur, créateur, producteur, inventeur, est un mirage vécu par quelqu’un perdu dans un désert.
2.Le rêve de l’autodérision
On nous prêtera, nous nous imaginons déjà, mais sans doute dans la précipitation, de chercher à faire l’éloge de l’Occident, voire même de le disculper, de le décharger de ses nombreux crimes millénaires humains, politiques, économiques, sociaux, civilisationnels, historiques, technologiques ; brefs culturels en Afrique noire, alors qu’encette matière l’ancien chef d’Etat sénégalais Léopold-Sédar Senghor professeur et poète de son état, n’en a aucune équivalence. N’était-ce pas lui qui déclamait que « la raison, est hellène et l’émotion nègre » ?
Par cette phrase, il fût la meilleure caution de l’homme occidental blanc en Afrique subsaharienne noire. Quant à nous, Marxiste, guévariste, maoïste, gandhiste, lumumbiste, sankariste, mandéliste voire muzéiste-kabiliste, kadhafiste, entre autres, nous croyons en la lutte intellectuelle et spirituelle menant à la création, la production, l’invention, la transformation, plutôt qu’à la lutte armée comme l’ont pensé ces illustres aînés en la matière et qui ont malheureusement tous perdu prématurément, ironie du sort, cette lutte armée en laquelle ils croyaient et juraient tant, quand ils furent tous physiquement neutralisés ou assassinés. Notre divergence, s’il y en avait entre ces figures de proue du panafricanisme et nous-même, ne porte pas sur le caractère salutaire, essentiel, nécessaire, incontournable voire indépassable de la lutte armée contre l’impérialisme, l’hégémonisme, le capitalisme, l’eugénisme de l’homme euro-occidental blanc, mais au contraire et certainement sur son contenu matériel.
C’est pour cela et en connaissance de cause que nous estimons contreproductive, l’entreprise de cristallisation afro-subsaharienne sur la haine de l’homme occidental blanc, en nous disant et nous convaincant que la meilleure réponse ne consiste ni dans les marches de colère ni dans des protestations virulentes iniquement théorisantes désespérément orphelines d’actions créatrices, productrices, inventrices, transformatrices sur le terrain. N’est-ce pas tout le crédit accordé au projet de société de Karl Marx, qui a compris l’importance de l’infrastructure (l’économie) sur la superstructure (politique, philosophie, religion) ? Rappelons-nous des indépendances accordées, il y a soixante ans globalement et sur lesquelles des millions d’africains noirs comptaient pour se départir de la domination culturelle occidentale, ont déchanté en ce que globalement voire individuellement la situation sociale, politique, économique n’a pas changé, elle n’a fait au contraire que s’empirer ; des indépendances nationales légitimes, certes, mais coquilles vides en termes de transformation et du développement de l’homme afro-subsaharien. En effet plusieurs personnes en Afrique crachent sur ces indépendances, qu’ils traient même par dépit de malédiction plutôt que libératoire. Pour ces Africains-Subsahariens, la raison de cette disqualification des indépendances nationales est dans le fait que ces indépendances n’étaient que théorétiques, mieux, superstructurelles plutôt qu’infrastructurelles, c’est-à-dire économiques. En effet stratège (au sens habermassien voire kantien), l’homme occidental, en se retirant du continent africain, s’était arrangé voire promis de laisser la mallette politique, mais pas la mallette économique.
A l’exception de Patrice-Emery Lumumba qui a compris -, pour l’avoir dit le jour de la déclaration de l’indépendance par le souverain belge Baudouin le jeudi 30 Juin 1960, ce qui lui coutât sa vie -, qu’il n’y avait pas d’indépendance politique, sans l’indépendance économique, plusieurs leaders indépendantistes et peuples africains, sans doute courts intellectuellement, spirituellement, psychologiquement ; bref projectivement, ne s’y étaient investis que dans des manifestations festives, pourtant sans lendemains meilleurs.
Comprenons-nous. Ce n’est pas réclamer le départ de l’homme euro-occidental d’Afrique subsaharienne noire, au demeurant légitime, humanisant, qui nous fait problème mais au contraire la multiplication des discours incohérents des Africains-subsahariens sur ledit départ. Non seulement, l’homme afro-subsaharien noir formule ce vœu d’indépendance dans les langues occidentales, mais le tout qui fait ce qu’il est occidentalisant. Non seulement dans l’intention, il veut se débarrasser de son ex-esclavagiste-colonialiste jugé donc trop encombrant, impérialiste, hégémoniste, eugéniste, capitalistique mais, en même l’homme afro-subsaharien ne dispose d’aucun moyen de son action pour la réalisation de son projet !
C’est ce qui nous fait dire que réclamer une égalité de traitement culturel entre l’homme occidental blanc et l’homme africain noir n’est pas seulement qu’un dysfonctionnement logique et mental, mais également une hérésie. Serait-il possible à l’homme n’importe lequel, créature du Dieu Tout Puissant, Créateur de la terre et du ciel, d’imposer à un Dieu créateur la marche à suivre pour la régulation de l’humanité ou ne fût-ce qu’oser le conseiller, sans se risquer au retour du bâton ? De même quelqu’un se risquerait-il, même au cas où eu regard de ses efforts, il a acquis le statut de premier conseiller du Dieu de la création -, tout simplement osé lui demander une équivalence de traitement, quand on n’a jamais encore visité toutes les chambres et antichambres contenant les secrets de la création ? Ces questions indiquent la difficulté de cohabitation entre l’être créateur et l’être créé. Cet écart traduit l’échelle de supériorité et d’infériorité entre eux, faisant qu’en dépit de sa bonne volonté, jamais l’être créé n’égalera son créateur, qui même en lâchant un peu du leste ne livre pas à sa créature tous ses secrets. C’est la même échelle des valeurs qu’il y a entre l’homme afro-noir et l’homme euro-occidental. Celui-ci a inventé une culture qu’il a imposé celui-là.
En se retirant de l’Afrique noire, les résidus de sa culture sont restés et comme par enchantement adoptés par les afro-noirs, qu’il a éduqués, formés, civilisés, dont en dépit des dysfonctionnements, des incohérences eu égard à son ontologie propre, n’y jurent que par cette culture euro-occidentale. Conséquemment donc, dans sa relation avec l’homme afro-subsaharien, nous ne prétendons nullement déifier l’homme euro-occidental, si ce n’est nous armer au contraire d’un emprunt linguistique normatif, le présentant au regard de tout son apport en Afrique noir positif ou négatif, et davantage encore son attachement à l’ingéniosité, la créativité, la productivité, l’inventivité de l’homme euro-occidental, que cet homme euro-occidental est sans conteste son « créateur » culturel. Démuni d’indépendance économique, comme clé de la liberté, de la transformation et du développement d’un peuple et de tout homme, il nous semble, sans nullement abdiquer à aucune lutte, que l’égalité de traitement souhaitée d’Afrique noire entre les deux hommes soit quasi illusoire voire impossible.
Aristote avait-il tort ou raison de considérer que la meilleure façon pour un intellectuel de se discréditer, c’est de s’engager en politique ? Ce n’est pas notre avis. Car un adage courant dit que quiconque ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupe de lui. Car tout est finalement politique. C’est-à-dire organisation de la société. Mais si tout est politique, tout n’est évidemment pas politisé. Car, en effet, la politique comme l’économie, le social, l’histoire, la civilisation, la technologie relèvent de la culture d’un homme, d’un peuple, d’un pays, d’une nation, d’un Etat. Donc ne pas s’engager dans la politique, c’est en quelque sorte vivre dans l’inculture. Or un inculte est un animal. Un inculte n’a pas de culture. Or, la culture englobe toute notre vie d’être humain sur cette terre des éphémères.
Philosophe de formation, nous nous sommes intéressés constamment à la vie politique d’abord tout jeune et ensuite à l’âge adulte. Parce que c’est notre façon à nous, non pas de marquer un territoire, mais de nous impliquer dans les questions essentielles de l’humanité, à telle enseigne que si nous avons été intellectuellement marqué par l’expression philosophique pure et la phénoménologie heideggérienne en particulier -, sans compter l’influence marquante du matérialisme historique et dialectique de Karl Marx -, la morale et/ou l’éthique déontologique impérative catégorique d’Emmanuel Kant, en ce compris les principes du catholicisme romain, ont à chaque étape de notre vie, influencé notre conscience ontologico-anthropologique. Cet ouvrage en est le résultat. La bibliographie sélective donne la preuve éloquente de cet engagement politique sans discontinuer, sans jamais ni chercher ni accepter d’y faire carrière, sinon à jouer un rôle d’interprète, d’analyste voire d’influenceur de consciences.
L’opinion a droit de le savoir dès maintenant que si l’ouvrage ici présent est un condensé voire une compilation des articles, des conférences, des cours, des séminaires élaborés sur au moins quarante ans, les trois dernières publications scientifiques suivantes, en plus des cours de philosophie de l’histoire, d’anthropologie philosophique, de philosophie de la culture dispensés à la faculté de philosophie de l’Université Saint Augustin de Kinshasa ; des cours d’Introduction à la philosophie, du Séminaire d’éthique africaine, d’éthique sociale, du séminaire de philosophie des sciences à la faculté de philosophie de l’Université Catholique du Congo et enfin du cours d’éthique et déontologie professionnelle à l’Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe de Kinshasa -, nous ont profondément et particulièrement inspiré dans l’élaboration et l’inspiration du présent ouvrage. Un résultat sur plusieurs années de travail au départ de l’assistanat 1983 jusqu’au professorat à ce jour ! Ce n’est donc pas un travail improvisé ni un caprice de jeunesse mais au contraire une démarche mûrie, réfléchie, pensée, repensée, vérifiée portant sur des idées neutres structurellement parlant, mais sans jamais verser ni dans un anthropologisme accusateur éminemment fanatique et totalement déculpabilisé et déculpabilisant à décharge de l’homme africain subsaharien noir ni dans un ontologisme suffisant (l’enracinant dans un vestige ethno-archéologique se résumant à la sacro-saint formule du « berceau de l’humanité ou de la civilisation », alors que tout reste encore à prouver évidemment, parce qu’aujourd’hui ça ne s’y voit pas).
L’objectif poursuivi ne consiste donc pas, comme d’autres courants de pensée avant nous, de déterrer les morts ni de descendre spécialement les martyrs révolutionnaires (il est vrai, objet de culte et de vénération) du placard, mais plutôt de mettre en place une théorie culturationniste plutôt créatrice, productrice, inventriste, transformatrice. Au travers notre démarche consistant dans le « remplacement culturel », nous entendons (comme chez plusieurs grandes personnalités de l’histoire de la philosophie philosophique et de la philosophie politique) forger une « révolution culturelle », sans nullement tomber, ni dans l’ethnocentrisme, ni dans le racisme ni encore moins dans la suffisance, l’intégrisme ontologique -, appropriée à l’Afrique noire et surtout à la condition matérielle, spirituelle, intellectuelle, mentale de l’homme qui y habite. En nous référent de l’idéologie culturaliste en tant que courant de l' anthropologie et plus globalement des sciences sociales né aux États-Unis sous l'impulsion principale de Ruth Benedict, Ralph Linton, Abram Kardiner, Margaret Mead et Cora Du Bois. Il tente une description de la société sous les points de vue conjugués de l' anthropologie et de la psychanalyse.
3.De l’inutilité et de la puérilité du conflit générationnel
Dans ce livre dont l’intitulé mentionné, avec la parenthèse qui nous occupe en ce moment, est une dédicace, mieux, un clin d’œil à la jeunesse africaine subsaharienne noire. C’est à cette jeunesse que nous nous adressons pour lui expliquer et lui faire comprendre les contours d’une bonne politique de « remplacement culturel ». Après, ce sera à elle de choisir ce qu’elle voudra faire entre soit rester occidentalisé, soit demeurer africanisé. Car c’est dans ce choix d’être-propre qu’interviendra tôt ou tard la question de savoir si la jeunesse africaine a ou aura un avenir. Une question qui n'est pas celle du passé ni du présent mais au contraire du futur et donc de l’avenir. Or le futur est ce qui est avenir et à venir. Dans la mesure où ce qui viendra est bel et bien et vrai ce qui n’est pas encore venu, parce que le futur donc, reste une aspiration et donc un vœu en général futile, puérile, inutile, sénile voire éphémère, qui aussitôt atteint et aussitôt reparti. Le futur est ainsi insatisfait et donc insatiable. Impossible donc de fonder une existence, une science, un projet de vie sur le futur car il est totalement et foncièrement évanescent.
Quant au passé, il représente ce qui n’est plus là, mais reste encore, malgré tout notre seul témoignage générationnel à partir duquel on peut corriger, améliorer notre présent et projeter notre futur voire l’orienter. C’est de la sorte que notre histoire est le reflet de notre futur-présent-passé comme Heidegger le montre dans « Sein und Zeit » (Être et Temps), la « bible » philosophique au X Xème Siècle. Pour Heidegger, en effet, notre futur est déjà notre mort en tant que constitutif de notre déjà-toujours de notre présent, moins que ce que nous avons été depuis. Le DA-SEIN (être-là) n’est-il pas dès qu’il est né, essentiellement assez vieux pour mourir ? Par notre propre mort, donc, notre vrai futur n’est pas demain mais déjà aujourd’hui, puisque ce n’est pas demain que nous mourons, mais déjà maintenant-et-aujourd’hui-toujours constamment déjà-mortel de notre mort d’être-mourant constitutivement être-pour-la-mort (« Sein-zum-Tode »). Le « demain-être-pour-mort », nous le sommes déjà, mais en tant qu’être en sursis ontologiquement par l’existential de la mort ; qui nous marque essentiellement.
Enfin quant au présent, c’est ce que nous vivons instantanément comme héritage de notre vie passée et de nos aspirations encore à venir, autrement dit un mélange à la fois ce qui a été (passé) et de ce qui sera (futur); le présent est ainsi la seule « manière d’être » (« Seinsweisen ») et d’agir (« Seinshandlungweisein ») qui nous possède et que nous possédons, en tant que seul instant réel, matériel, saisissable de notre ek-sistence (dixit Martin Heidegger, dans « Sein und Zeit »).
Il apert hélas que la jeunesse se soucie moins du passé et s’occupe plus du présent et de l’avenir ! A telle enseigne qu’elle a comme un mépris du passé où elle ne se sent vraiment pas concernée. La jeunesse identifie le passé à la vieillesse eu égard à laquelle elle prétend n’a rien à voir en commun. Conséquence elle vit au présent, en se dé-construisant un monde à la fois chimérique et très imaginaire. C’est, sans doute, la cause de son irresponsabilité et de son insouciance.
Malgré tout ce qu’on puisse lui reprocher, nous avons, en ce qui nous concerne, constamment considérer la jeunesse comme une chance en la faveur de son dynamisme. Elle l’est proportionnellement aux exigences de son apport, c’est-à-dire de ce qu’elle peut donner à la société. Si nous nous montrons aussi « catégorique », c’est à raison que dans la jeunesse autant évidemment que dans la vieillesse, il y a les trois extases temporales que sont le futur, le présent et le passé (Martin Heidegger, « Sein und Zeit »). Or c’est delà qu’on demeure jeune hier, jeune aujourd’hui, jeune demain et jeune toute la vie. Être jeune ce n’est pas être réfractaire mais au contraire monadique. Ainsi, « comme tout jeune, mais d’un certain âge, calvitie béante sur la tête, à toutes le sortes de jeunes de n’est pas s’y laisser limitée par les différences d’âge, mais plutôt comme une communauté d’aspirations centralisées des personnes engagées à la réussite ». Cela s’entend quant à ce que « la jeunesse est une faculté des hommes vigoureux et rigoureux. Notre patience a toujours des limitations contractuelles. Le meilleur qui nous attend demain est à dénicher aujourd’hui pour permettre à chacun d’avoir une vie heureuse et harmonieuse dans toute son envergure conceptuelle impeccable ». Malheureusement en dépit de cette noble mission à la responsabilisation de la juvénilité-dialectique dans la transformation et le développement de la société, c’est en même temps bien là que le bât blesse.
Rassemblons nos idées. La jeunesse est éternelle, permanente, indémodable voire indéboulonnable dans son effectivité, affectivité, mais également dans son activité. Mais ce n’est pas toute jeunesse. En effet à côté de cette jeunesse précautionneuse, responsable, prospective et projective, il y en a une autre jeunesse constamment, constitutivement morbide, puérile, futile, inutile, sénile, irrationnelle, insensée, irresponsable, involontaire…
C’est pourquoi tout appel mobilisateur, salvateur à la jeunesse consiste à l’inviter prioritairement à la pensée et évidemment à l’action, car que vaudrait une pensée essentiellement discursive gonflée, rhétorique, poétique, romantique si elle n’est pas ancrée, moulée, enracinée dans une voûte praxéologique ? Parce que et quoiqu’on en dise, la jeunesse est le porte-étendard de la création, de la production, de l’invention et de la transformation. Pas un pas, sans la jeunesse. Elle (jeunesse) est le pont générationnel de nos idées et actions. Nous devons compter sur elle. Parce qu’elle est incontournable voire indispensable. Cette jeunesse muée dans la capabilité (Paul Ricoeur, « Parcours de la reconnaissance ») cimente et pérennise l’échange et l’héritage intergénérationnel. Delà, à la disqualification du conflit des générations, traditionnellement compris comme une guéguerre vieux et jeunes, il n’y en a évidemment qu’un pas ; un conflit épuisant, harassant, sans objet et au demeurant contreproductif.
D’où, le conflit intergénérationnel est la plus grande aliénation voire dépression de la société africaine subsaharienne noire : d’un côté une vieillesse qui cède sa place à la jeunesse en boudant, en tirant la langue voire même en traînant les pieds et d’un autre côté une jeunesse prétentieuse ou démesurément ambitieuse, poussant précipitamment la vieillesse à la porte jusque dans le précipice, sans ménagement ni considération ni respect ni encore moins gratitude. Telle est la véritable source du blocage sur tout projet de transformation et du développement de l’Afrique subsaharienne noire. Car, il ne peut (conflit de génération) ni permettre dans la création, la production, l’invention, et la régénération d’idées, d’actions dans les domaines politique, économique, sociologique, historiologique, civilisationnel, technologique ; bref culturaliste.
Le combat de l’Afrique subsaharienne noire ne doit justement pas nécessairement être dirigé contre l’Occident mais sinon contre elle-même, quand elle refuse de s’émanciper à la culture occidentale, dont elle en a fait sienne à la vie à la mort. On notera, en effet, comment depuis la fin de l’esclavage et de la colonisation, l’Afrique ne vit plus dans une culture imposée. Ce qu’elle vit aujourd’hui de méprisant ou de retardé est de son propre choix. Le ridicule subi et qui lui revient tel un boomerang est le résultat de sa dispersion ontologique, anthropologique, historique, civilisationnelle et donc encore une fois culturelle. Il ne vient pas d’ailleurs (je parle du ridicule) mais plutôt de l’Afrique subsaharienne noire elle-même. Puisque c’est elle-même qui l’a choisi, en optant sans rechigner parmi tant d’autres choix existentiels, le modèle occidental d’être et malheureusement en fait un véritable damné de la terre (Frantz Fanon, « Les Damnés de la terre »).
Dans cette déchéance afro-africaine subsaharienne noire tout le monde est complice, les vieux comme les jeunes. Il n’y a pas d’action, pas de goût du risque, c’est ce que je nomme l’Afrique noire de l’inertie et de la « morbité ». L’Afrique de la distraction et de la dispersion ontologiques. Car ne pas savoir qui on est, d’où l’on vient et où l’on va est certainement le pire de scénario existential pour tout Dasein de l’homme (cfr le « Eigentlichkeit » ou l’authenticité selon Martin Heidegger dans « Sein und Zeit »).
En revanche, l’un des avantages de la vieillesse, c’est certainement l’expérience, autrement dit la gestion du temps. Or gérer le temps ne signifie nullement le posséder. D’où, il est vrai, la nécessité de savoir, à un moment ou à un autre de donner et passer la main à la relève, c’est-à-dire à la jeunesse. La plus grande hérésie est de penser s’y inscrire dans la durée et finalement penser résister au temps qui passe et qui revient, et ainsi contrairement à la loi héraclitéenne de « tout coule, tout passe et rien ne demeure », car « nul ne peut se laver deux fois dans la même rivière ».
Comprendre déjà que nul n’est ni si irremplaçable ni si absolu ni si indispensable ni si une statue et ni encore moins inamovible existentialement constitue un progrès décisif dans la gestion du temps et donc certainement un bon pas dans la bonne direction pour la régénération du cycle générationnel.
En Europe occidentale (notre référence voulue, assumée, « chériée », plutôt que dictée, imposée), le conflit intergénérationnel est une boutade, pour ne pas dire chimérique, évanescent en tant qu’il est en somme déjà légiféré et réglé (d’où la bataille, au travers des manifestations un peu partout dans toute l’Europe et en France plus visiblement en particulier), pour pouvoir réglementer (consensuellement plutôt que par un passage en force par le gouvernement en place) l’âge estimé pour le départ à la retraite. Delà nul ne peut se maintenir indéfiniment dans un poste de son propre gré, sans jamais y être bousculé. Evidemment en Afrique, continent sans histoire, disait Hegel, et qui plus est de toutes les démesures, ajoutait-il, des gens occupent indéfiniment et imperturbablement des postes, sans s’y inquiéter, que du contraire, mais au contraire y allant jusqu’à menacer de mort ou de mauvais sort les nouveaux arrivants ou d’éventuels remplaçants ! Conséquence, on y assiste à un dédoublement voire un triplement de postes administratifs au vu et au su des dirigeants voire des décideurs politiques et administratifs.
Reste alors que dans une telle anarchie politico-administrative réglementée , organisée et encadrée -, en ce compris le pourrissement du système éducatif de la maternelle, en passant par le primaire, le secondaire, le supérieur jusqu’à l’université, le tout gangréné par la corruption en clair, en noir, en nature et en numéraire, il est quasi impossible de pouvoir compter sur la jeunesse congolaise plus précisément pour le moment, car on ignore ce qu’il se passe ailleurs en Afrique même si la situation ne devrait pas y être mieux.
Pour le reste, il est clair que la jeunesse congolaise n’est ni suffisamment conscientisée, ni responsabilisée, ni encore moins préparée par rapport à tous les secteurs de la vie nationale et particulièrement à la chose politique. C’est désespérant car au lieu de s’y mettre, les hommes politiques, préoccupés par leur ventre et leur apparaître-être quotidien et le sort de leurs familles biologiques, amis et connaissances respectifs, se muent en devins mystificateurs, en oracles démiurgiques voire en garants dépositaires de vie et de mort de leurs concitoyens, le tout en brandissant et suspendant l’épée de Damoclès sur chacune de leurs têtes. C’est ce que nous appelons la théorie du contrôle et de mise au pas des populations, où n’est visé ni leur épanouissement ni leur émancipation. Ces politiciens ont pris un malin plaisir fou évidemment de réduire leur jeunesse en souris domestiques et leurs enseignants et fonctionnaires publics en mendiants. Ils protègent ainsi leurs butins de guerre, mais également leur pouvoir. Ils se croient à l’abri, mais pour combien de temps, si tant il est vrai qu’une jeunesse désorientée, sous-informée, non-préparée est comme un ventre affamé n’ayant point d’oreilles, dont les conséquences macabres son imprévisibles.
C’est donc à la jeunesse de prendre et d’assumer ses responsabilités, puisque comme le pense tous les révolutionnaires marxistes, il est de bon aloi qu’aucun pouvoir se donne, mais au contraire s’arrache. Face à la corruption, à l’irresponsabilité, à l’inconscience, à la gabegie, à l’anarchie des autorités politiques africaines et congolaises en particulier, il faut que la jeunesse africaine et congolaise en particulier, dans son ensemble se réveille, prenne ses responsabilités de levain pour harceler, combattre les pouvoirs mis en sherpa par l’Occident et à son service au mépris de tous les principes moraux et éthiques (Emmanuel Kant), ayant dénoncé le privilège de l’impératif hypothétique (dont la fin de l’action justifie les moyens) au détriment de l’impératif catégorique (dont le motif de l’action n’a d’autre motif autre que le devoir, c’est-à-dire, l’universalité au travers la rationalité).
C’est pourquoi nous recommandons à la jeunesse africaine de se mettre aux études de revisiter quelques figures de proue d’abord en Afrique noire et en dehors qui ont pu lutter contre l’impérialisme, le capitalisme, l’eugénisme, l’hégémonisme des hommes politiques du continent et ceux de mêmes vices générés de l’Occident, mais également à l’écoute des référents tant d’hommes politiques, spirituels que philosophiques étrangers qui se sont mis également dans la stigmatisons desdits vices. Il nous arrive d’oublier que ces vices ici susmentionnés ne sont pas tributaires que des gouvernements occidentaux, mais qu’ils viennent aussi de nos propres dirigeants politiques. Il n’y a pas que l’homme euro-occidental blanc qui est impérialiste, esclavagiste, colonialiste, eugéniste, hégémoniste, il y a également l’homme afro-subsaharien noir. Par exemple. La guerre imposée à notre pays, la République Démocratique du Congo, depuis plus au moins trois décennies est effectivement le reflet et relais des velléités racistes, esclavagistes, colonialistes, néocolonialistes, impérialistes, hégémonistes euro-occidentales, mais la main souillée qui est utilisée pour rendre tout cela est afro-noire (Rwanda, Ouganda) et tout autour.
Enfin, on croira en la jeunesse africaine subsaharienne noire quand elle aura compris que ces modèles ne sont pas nécessairement vécus dans la politique, dans la musique telles que pratiquées aujourd’hui mais sinon dans les auditoires de cours. Un appel à prendre du recul pour se démarquer de cette autre partie de la jeunesse qui s’est muée soit en indics, en agents de renseignement, soit en petits gigolos, soit encore en dragueurs par procuration pour les hommes de la nuit (composés exclusivement d’hommes politiques, d’hommes d’affaire, de musiciens et la cohorte de putes de la république et du continent hommes et femmes homosexuels, lesbiennes, transsexuels, polyandriques, etc.), qu’ils appellent, ces hommes de la nuit, ridiculement « Boss des boss ».
4.Le pari de la lecture et de l’écriture
C’est pourquoi, au regard de la place considérable voire centrale, parce qu’incontournable, que nous imputons à la jeunesse, nous considérons qu’il est temps de tout faire pour l’aider à se transmuer en force et puissance créatrices, productrices, inventrices et transformatrices, que pour y arriver, il n’y a pas de recette miracle autre que la LECTURE et l’ECRITURE. La lecture et l’écriture ouvrent l’esprit, la pensée, la réflexion et delà la discussion (J. Habermas, L’Agir communicationnel) avec en toile de fond la distinction à intérioriser entre l’ « agir stratégique » (où l’objet même de discuter est de ne pas convaincre son interlocuteur sinon de l’emmener plutôt à croire en notre campagne d’idées, sans réfléchir ni broncher) ; et l’ « Agir communicationnel » (où l’objet consiste à trouver un compromis avec son interlocuteur plutôt que de lui imposer sa propre vue, sans discernement, et donc sans le moindre accord. Ce que Jürgen Habermas appelle l’éthique de la discussion se trouve évidemment dans l’agir communicationnel où il s’agit tout simplement de trouver de prime abord « avec-soi-même » (mon ajout propre) et ensuite un accord avec son interlocuteur sur un sujet de discussion. C’est tellement évident et probant que c’est dans la racine même de la culture africaine subsaharienne noire, que nous appelons la « palabre africaine », généralement tenue (dans un discours éminemment imagé mais non sans signification profonde), sous un arbre.
La lecture et l’écriture pourraient guérir la jeunesse afro-congolaise de l’inertie et de la léthargie ontologique d’abord et politique, sociologique, civilisationnelle, historisante et culturelle ensuite. Conscient des fortes limites de la jeunesse actuelle (déformée, aliénée, embastillée, appauvrie, sodomisée par Internet et les réseaux sociaux, mais également par manque d’exemples, de modèles idéalisés, - où ironie du sort vieux et vieillards ont eux-mêmes abdiqués à la responsabilité qui est la leur d’être des modèles, des exemples, des réflecteurs, en choisissant consciemment ou inconsciemment le chemin de l’irresponsabilité et de la grandiloquence -, nous exigeons ici et maintenant de la jeunesse de revenir à son essence classique, qui est celle de mobilité, de dynamisme et d’innovation. Une représentation qui s’oppose en tous points de vue au principe d’ancienneté qui est associé à la simple transmission des savoirs et des valeurs, donc au conservatisme. Et, pourtant, d’un point de vue historique, ces clichés peuvent être critiqués.
Par ailleurs, il y a une mission eu égard à laquelle, en Afrique subsaharienne noire, on y assiste comme si nous occupions une autre planète de celle dont on parle, qui est menacée par la déstructuration écologique-environnementale et en cela la préoccupation des peuples responsables. En effet, avec la parution en 1979 de Das Prinzip Verantwortung, les bases d’une nouvelle éthique sont jetées. A la différence de la responsabilité juridique, la responsabilité trouve maintenant sa source dans le futur (« pour ce qui est à faire », Jonas, 1993, p.132) et non plus dans des obligations passées ou présentes. L’origine de ce changement d’éthique réside dans les menaces issues de la puissance de la technologie engendrée par l’homme. La limitation de l’agir humain résulte de l’obligation que nous avons à l’égard de l’avenir qui nous oblige à être responsable aujourd’hui.
H. Jonas part du constat suivant : l’éthique traditionnelle, fondée sur la simultanéité (l’impératif éthique ne concerne que le présent) et sur la réciprocité (égalité des droits et de devoirs entre des sujets libres et égaux), n’est pas adaptée à un monde dont la survie n’est même plus garantie. La technique, en effet, échappe progressivement au contrôle de l’homme et comporte des effets néfastes à long ou à très long terme (pollution, déchets industriels ou atomiques). Mais l’agir technologique menace également l’homme lui-même : il est désormais possible de modifier son comportement (en lui faisant absorber des drogues) et de manipuler son patrimoine génétique. La nature, ainsi que l’homme, sont donc aujourd’hui dans une situation extrêmement précaire. Jonas compare cet état à celui d’un nourrisson vulnérable et sans défense, dont la vie est entre les mains de ses parents. Or, dans les soins que les parents prodiguent à leurs enfants, il n’est question ni du présent (c’est bien leur avenir qui est en jeu) ni de la réciprocité (les parents n’élèvent pas leurs enfants en vue d’en recevoir un quelconque bénéfice en retour). C’est la conscience aiguë qu’ils ont de leur responsabilité qui fait agir les parents.
Face à une nature et à une humanité fragilisées, Jonas préconise que nous adoptions le « Principe responsabilité », en intégrant dans nos actions présentes le souci de préserver la vie de nos descendants. A l’impératif kantien, il substitue cet impératif catégorique, qui intègre la responsabilité que nous avons tous à l’égard de l’avenir de la planète et de l’homme : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ». Ce n’est plus l’amour, ou le respect, qui fonde l’éthique, mais le maintien, sur la terre, d’une vie qui ne va plus de soi, qui a cessé d’être une donnée naturelle. Au final, c’est la réconciliation, de l’éthique et de l’ontologie que vise Jonas. Car en disant que l’être doit être, simplement parce qu’il est, il pose l’identité de l’être et du devoir-être. C’est bien parce que l’humanité est qu’elle doit se survivre à elle-même et que nous avons, pendant notre bref passage sur terre, la responsabilité de tout faire pour qu’elle ne s’éteigne jamais.
Pour nous, les jeunes sont les premiers concernés dans la lutte pour la sauvegarde de l’écosystème et la protection de l’environnement. Parce que les jeunes nés, éduqués et formés aux responsabilités et prises de décisions voire propositions d’initiatives, sont leaders pour ce qu’on appelle les « objectifs de développement durable » (ODD en abrégé), leur rôle consiste, entre autres, dans l’optimisation des politiques de développement durable, autrement dit dans la collaboration avec le gouvernement pour évaluer l’Etat d’avancement et l’efficience des solutions déployées ; dans la stimulation du changement, c’est-à-dire dans le pouvoir de se faire entendre t de susciter une prise de conscience par rapport aux problèmes socio-économiques et environnementaux qui animent la planète ;dans la conception des solutions novatrices, car les jeunes ont les compétences nécessaires pour concevoir des solutions innovantes, durables et pérennes, susceptibles d’avoir un impact sur leur avenir ; dans l’éducation sur le développement durable afin d’amener les communautés à prendre conscience des objectifs de développement durable pour susciter la contribution de la part de tous ; dans l’assurance de l’avenir dans leur rôle central de la mise en place des objectifs de développement durable, puisque les décisions prises au niveau mondial engagent leur avenir.
5.Une jeunesse dispersée entre nature et culture
Notre intention, loin s’en faut, n’y consiste nullement à recommander la jeunesse au « monacalisme », c’est-à-dire à la vie monacale voire absolutiste, radicaliste pure et dure, sans concession, alors que la vie est tellement belle et très courte que pour devoir s’en passer ou s’en priver. En tout cas, nous recommandons seulement et simplement à la jeunesse de savoir que, sans abandonner l’ambiance du monde à laquelle nous sommes tous friands, il est possible en lisant et en écrivant non seulement de réfléchir, de penser, de raisonner sur des situations, mais également de se rattraper sur l’apolitisme et l’archaïsme dans lesquels elle s’est réfugiée. Cet apolitisme et archaïsme qui s’y avèrent être inévitablement ceux hérités de leurs formateurs, dont la majorité s’est jurée de ne jamais se mêler de la politique, oubliant à-peu-près l’adage selon lequel « celui qui ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupe de celui qui tourne le dos ». Pourtant, il est de la responsabilité des formateurs, ceux ayant en charge les enseignements, par exemple, des sciences politique, judiciaire, philosophique, économique, sociologique, historique, civilisationnelle, psycho-pédagogique de formater la conscience politique de leurs enseignés et apprenants. Ainsi donc au place de flatter l’autorité politique dans le sens du poils soit par peur des poursuites, soit par anticipation pour se faire remarquer et récompenser par une nomination, dont le but lui-même n’y consistera ni pour rendre service à la nation ni pour élever les jeunes à un degré de conscience politicienne responsable, mais uniquement pour se remplir les poches afin d’assurer leurs arrières, celles de leurs familles biologiques et amis et connaissances ! D’où nous imputons la déchéance de la jeunesse actuelle à celle de leurs aînés et particulièrement de leurs formateurs fornicateurs et corruptibles à dessein.
L’amorphie culturelle de la jeunesse est de toute façon, ainsi que je viens de l’indiquer il y a un instant, très partagée. Pourtant entre une vieillesse qui a fui sa responsabilité formatrice et une jeunesse qui a choisi de subir la NATURE en abdiquant face à la CULTURE, on doit choisir. « En philosophie, la culture est ce qui est transmis par les générations précédentes. C'est souvent un ensemble de croyances et/ou de vérités. A première vue elle a donc toujours raison, car elle est enseignée comme étant la vérité à un âge où l'individu ne possède pas encore tout son discernement. Cependant, la culture n'est pas pour cela une forme de dogmatisme imposée à l'esprit, car le but de toute culture est d'apporter à l'esprit des possibilités de penser, de juger et de discerner. Le but de toute cultures n'est pas d'amener à des vérités figées mais de permettre à l'esprit de pouvoir reconsidérer plus tard ces vérités. La confrontation de sa propre culture avec d'autres cultures aide à la reconsidérer et à faire progresser sa connaissance de la culture en confirmant ou en infirmant les vérités qu'elle ne fait au fond que proposer. La notion de culture est indissociable de celle de la nature. La culture vient de l’homme tandis que la nature est celle de base. c’est ce qui fait qu’on peut distinguer l’homme de l’animal ».
S’agissant de la jeunesse africaine subsaharienne noire en général, aujourd’hui et maintenant, il n’y a plus aucun espoir. Et ce n’est pas du scepticisme dont il s’agit de ma part, mais de la vérité des essences d’hommes (« Menschen ») et de choses (« Dinge ») selon le lexique ontologico-analytico-phénoménologico-herméneutique heideggérien. Or pour revenir aux essences et aux choses, ce qui revient à-peu-près au même, l’Afrique, au travers son peuple et sa jeunesse plus précisément a l’obligation culturaliste de revisiter l’esclavagisme et le colonialisme, non pas pour écumer une vengeance, d’ailleurs sans portée probante dans ses conditions de déliquescence voire de pauvreté matérielle, économique, politique du moment, mais pour réévaluer à la fois son essence et être culturels.
Ces deux graves blessures, que sont donc l’esclavagisme et le colonialisme, réellement celles où l’homme africain subsaharien noir a vu son essence trafiquée, aliénée, hypothéquée, déchirée, épurée. Ce fût l’époque où son « Homo Humanismus » a atteint sa suprême « Uneigentlichkeit » (selon Heidegger, « Brief über den Humanismus »). Pourtant nous remarquons curieusement ces deux mots-clés qui ont enfreint son essence ontologique, par faute d’une conscience historique suffisamment réfléchie et révoltée, ont été dangereusement bradées en échange d’une indépendance, mieux, d’une souveraineté mal comprise. Pourquoi ?Parce qu’il ne s’agissait au fait que d’une souveraineté conditionnée, dépendante et qui du reste a coûté la vie à plusieurs leaders panafricains nationalistes, patriotistes tels Patrice-Emery Lumumba, Mouammar Kadhafi, Pierre Mulele, Simon Kimbangu, Kimpa Vita, L-D Kabila, Mamadou Ndala, Barthélemy Boganda, Modibo Keita, Amical Cabral, Ahmed Ben Bella, Nasser, Mehdi Ben Barka, Thomas Sankara, Nelson Mandela, Laurent-Désiré Kabila, tous victimes d’assassinats politiques commandités par l’homme euro-occidental blanc. Comme on l’entend au lieu d’y être guéri, non seulement ces deux blessures ne se sont jamais cicatrisées, mais ironie du sort les indépendances nationales strictement politiques que ce dernier accorda aux pays afro-subsahariens noirs n’y ont apporté aucune amélioration sur la condition ontologique de leurs peuples et populations respectifs. Soixante ans après, là où d’autres nations ayant subi les mêmes blessures que nous, nous sommes toujours et encore en train de nous lamenter, d’accuser, de pointer les coupables ailleurs, sans nous regarder devant un miroir pour nous demander si dans tout ceci nous n’en étions pas pour quelque chose. La triste vérité au jour d’aujourd’hui est que malgré donc le vœu exprimé d’indépendance, tout l’ensemble de la société africaine subsaharienne noire se trouve complètement voire totalement déstructurée, morte, inerte et les peuples qui y habitent désorientés, aliénés, acculturés ! Au point qu’il n’y ait aucune logique mathématique qui résoudrait ce paradoxe du menteur menti, dans le vœu exprimé d’indépendance.
6. Pour une société leadershipique
L’homme « cultivé » n’est pas nécessairement celui qui a étudié ou qui a un diplôme, un doctorat, un brevet ou un certificat. Il s’agit sans doute d’un homme éduqué et donc doté des valeurs éthiques et morales. « la culture, disait Emile Henriot est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié ». La culture c’est le fondement de la société. Elle façonne l’homme politiquement, économiquement, socialement, techniquement, numériquement. C’est la raison pour laquelle « Il n’y a pas d’homme cultivé. Il n’y a que des hommes qui se cultivent, affirme Maréchal Foch ».
Nous avons toujours pensé qu’une bonne culture dans une société façonne une bonne société et un homme équilibré et serein, et qu’une mauvaise culture produit des effets contraires impulsifs, dépressifs. La culture peut, étymologiquement, avoir quatre acceptions possibles premièrement enrichissement de l'esprit par des exercices intellectuels ; deuxièmement connaissances dans un domaine particulier : Elle a une vaste culture médicale ; troisièmement ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation : La culture occidentale ; enfin quatrièmement, philosophiquement entendu et parlant, développement de l’humanité de l’homme par le savoir, dans un groupe social, ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu'un (langage, gestes, vêtements, etc.) qui le différencient de quelqu'un appartenant à une autre couche sociale que lui : Culture bourgeoise, ouvrière, ensemble de traditions technologiques et artistiques caractérisant tel ou tel stade de la préhistoire.
Expliquons-nous. En ville ou au village les vieilles personnes hommes ou femmes font leur ronde pour se dégourdir les jambes. Alors à chaque passage d’un vieux assidu à sa ronde quotidienne en béquille ou sans et qu’un jeune poli et globalement bien élevé se lève pour saluer même si de temps en temps un autre s’en moque, cela fait partie de la bonne culture. Alors que celui qui se lève et salue le fait par sa bonne culture et bonne éducation, l’autre fait chier la tradition, l’histoire, la civilisation, la culture ; bref tout l’héritage civilisationnel et autant qu’il ridiculise les principes éducationnels éthiques et moraux reçus de l’enfance dans la famille et/ou la société. Par sa culture, son savoir-être et son éducation, le premier jeune se projette déjà dans et vers l’avenir, il a déjà tout compris, qu’être vieux c’est avoir été jeune et qu’au lieu de détruire le pont relationnel qui unit les deux générations l’ « ancienne » et la « nouvelle » non seulement était insensé car se coupant d’un passé duquel il apprendrait pour se corriger, corriger ses erreurs, ses fautes, ses manques, l’autre est complètement dans l’aveuglement, la jouissance d’un présent instantané mais improductif, inutile et futile, car ne pouvant rien ni engager, ni construire. Pourtant l’enchaînement générationnel est un pont plus qu’indispensable pour la création et la récréation, la production et la reproduction, l’invention et la réinvention, la transformation et la retransformation des valeurs, des principes, des règles, des normes ; bref du génie humain.
Il y a lieu, dans la mesure où c’est plutôt devenu au jour d’aujourd’hui, une obligation de survie, de croire en cet enchaînement générationnel. C’est l’un de nos objectifs majoritaires. L’homme est un mélange de corps et d’esprit. Il y a de toute façon nécessité et urgence d’y chercher un équilibre, plutôt que d’y déclencher un rapport des forces, dont tout en bout de course il n’y aura ni vainqueur ni vaincu. D’où l’impérieuse nécessité de dénicher, de trouver mieux de former des leaders. Même si malheureusement un leader ne se trouve pas comme on trouve un champignon dans son jardin, quasi non plus de le former au leadership comme on formerait quelqu’un à jouer au jeu d’échecs, par exemple. Ceux des gens qui ont marqué l’histoire des cultures, des traditions et des civilisations sont nés meilleurs et leaders ; ils n’ont ni été formés, ni éduqués, ni inventés, créés, produits à le devenir. Tous les jours on voit se côtoyer des chefs d’Etats charismatiques et médiocres ou simplement amorphes de même également des professeurs et d’autres métiers. C’est l’instinct « leadershipsique » qui fait la différence. Il y a, cependant, une différence flagrante entre leadership et management en ce que le leadership se définit comme étant un charisme naturel permettant d’influencer et de fédérer autour de soi afin d’atteindre un objectif commun. Un leader est généralement un bon manager alors qu’un manager ne va pas forcément être un bon leader. Le leadership contrairement au management, n’est pas une matière enseignée dans les grandes écoles mais certainement quelque chose de spécial et d’intime qu’on a en-soi toujours.
Donc un leader est déjà celui qui est là et non celui qu’on emmène. Mais comment le découvrir ? Il faut juste créer des conditions favorables sociales, économiques, politiques, technologiques, culturelles. On peut juste le deviner pour qu’il éclot. Pour définir le leadership, Bertrand Poulet, expert en formation leadership, le définit comme le pouvoir (dans le sens de capacité, de possibilité) de donner envie aux autres de s’impliquer et d’agir pour réaliser une ambition collective ou atteindre un objectif commun. Le leadership est très important ne-fût-ce que dans la supposition que le leadership est ancré dans les caractéristiques que certains individus possèdent. L'idée, que le leadership serait fondé sur des attributs individuels est connu comme « la théorie des traits ». Soyons des leaders et envisageons une société des leaders en Afrique et en République Démocratique du Congo plus particulièrement. Il n’y a pas d’alternative au leadership. C’est l’école du futur pour l’homme subsaharien noir.
DEUXIEME CHAPITRE
Grand remplacement politique ou Grand remplacement culturel en Afrique subsaharienne ?
Dans cette bien modeste réflexion, notre ambition est double. Premièrement ressusciter la culture africaine subsaharienne d’origine, de préférence celle d’avant le contact avec l’Europe occidentale et donc avant l’esclavage et la colonisation, et si ce n’est pas ou plus possible permettre aux africains subsahariens noirs de s’inventer une culture mentale digne de ce nom susceptible d’assurer leur transformation et développement holistique. C’est ce processus-là que nous nommons «Remplacement culturel », mieux, « Remplacisme culturel ».
Première section
Quid du grand Remplacement politique et culte du « blanchisme » politique ?
En France, certains intellectuels ont inspiré le paysage politique au travers une idéologie nommée « Le Grand remplacement ». Ces intellectuels et hommes politiques qu’ils ont inspirés à travers cette idéologie politique, ont trouvé leur point de chute dans la politique, notamment dans la question migratoire et la possible hypothèse de l’envahissement de la France et avec la disparition de la civilisation, de la tradition, de l’histoire et de la culture française de souche, sans oublier la disparition de l’homme français standard ! Il nous importe, donc, de préciser au premier abord que la politique du « Quand remplacement culturel » que nous proposons à l’Afrique et à la RDC se situe à cent lieues des préoccupations migratoires extrémistes droitières françaises et euro-occidentales en général sinon au contraire la nécessité de revenir aux sources, aux fondements de la culture, la civilisation, la tradition, l’histoire de l’Afrique et du Congo-Kinshasa en particulier ; en tant qu’il s’agit d’un retour comme projet de transformation et de développement. Voilà notre crédo dont le but est de faire perdre à l’homme africain noir son goût trop prononcé pour l’assimilation, l’acculturation, l’aliénation notamment les éléments culturels, historiques, traditionnels et civilisationnels de l’homme euro-occidental.
Reste qu’en France, devenons-nous préciser, parler de la politique du « Grand remplacement » est « officiellement » un gros mot. Parce que dans l’entendement des partis politiques soi-disant républicains ou « démocratistes », cette politique est assimilée au racisme, au manque d’ouverture au monde, à la ségrégation raciale, au refus de l’immigration des étrangers en France ; bref la peur fondamentale de l’autre au fait de la disparition du peuple autochtone au profit du peuple étranger. Cette expression, titre d’un livre paru en 2011 de l’écrivain classé à l’extrême droite Renaud Camus, connaît un regain de célébrité depuis qu’Éric Zemmour s’en est fait le porte-parole. « Le “grand remplacement” n’est ni un mythe ni un complot, mais un processus implacable », écrit le quasi-candidat à l’élection présidentielle dans La France n’a pas dit son dernier mot, l’enquête est proposée en lecture estivale.
La pensée du « grand remplacement », propagée principalement par l’écrivain Renaud Camus, figure des milieux identitaires, et le candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle Eric Zemmour, ne repose pas simplement sur un délire démographique. Elle s’appuie sur tout un système de représentations, où s’entremêlent des sources clairement identifiables et un imaginaire plus diffus, constitué au fil des siècles et constamment revisité. Le « grand remplacement » ne laisse pas toujours deviner son âge, tant il adopte des formules modernes ou des exemples contemporains. C’est par exemple le cas chez Renaud Camus. Ainsi écrit-il dans Le Grand Remplacement (La Nouvelle Librairie, 2021) : « L’expression de “grand remplacement” désigne, certes, essentiellement, le remplacement d’un peuple, le peuple français indigène, par un ou plusieurs autres ; celui de sa culture par la déculturation multiculturaliste ; celui de sa civilisation si brillante et admirée par la décivilisation pluriethnique (le village global), elle-même en rivalité âpre avec l’intégrisme musulman, la conquête et la conversion islamique. »
2. Le mythe des invasions barbares
D’où vient donc cette théorie, qui a fait son chemin dans l’imaginaire de l’extrême droite pour s’insinuer dans le débat public – et que signifie-t-elle ? Récemment forgée, elle réactive le mythe des invasions barbares. Généalogie. Le grand remplacement, c’est quoi ? Comme la suggestion Google l’indique, le terme n’est pas de Zemmour lui-même mais bien de l’écrivain Renaud Camus, qui publie en 2011 un essai à compte d’auteur, Le Grand Remplacement, avec ce sous-titre : Introduction au remplacisme global. Le grand remplacement serait un phénomène démographique et culturel de substitution des populations européennes dites « de souche » par des populations nord-africaines immigrées. Il aurait été favorisé, au mieux par négligence et lâcheté, au pire par intention délibérée, par des élites « remplacistes », déracinées et acquises à la mondialisation, afin de disposer d’un « homme remplaçable », « pion désoriginé, échangeable à merci, sans aspérités d’appartenance, délocalisable ». Sur la quatrième de couverture de la réédition de 2013, Renaud Camus dit s’être inspiré d’une plaisanterie du dramaturge Bertolt Brecht, qui imagine que si le gouvernement est déçu par le peuple, « ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? »
Le discours des fleuves de sang. Mais Renaud Camus n’invente rien, puisqu’il reprend un tropisme déjà connu de la droite conservatrice européenne. Le 20 avril 1968, le député conservateur britannique Enoch Powell prononce dans la région des West Midlands (le comté de Birmingham) une allocution restée célèbre : le discours des « fleuves de sang ». Il débute par une discussion avec un travailleur de sa circonscription qui lui avoue vouloir quitter la Grande-Bretagne, car « dans ce pays, dans quinze à vingt ans, les Noirs domineront les Blancs ». Enoch Powell se lance alors dans une critique sévère de la politique migratoire de son pays, où l’arrivée de populations immigrées venue des pays du Commonwealth serait sur le point de réaliser une « transformation radicale […] qui n’a aucun parallèle en mille ans d’histoire ». Il écrit, dans un esprit qui ressemble à l’expression zemmourienne d’un « suicide français » : « J’ai l’impression de regarder ce pays dresser frénétiquement son propre bûcher funéraire. ».
Le mythe de l’invasion. Les mille ans d’histoire évoqués par Enoch Powell signalent que la théorie du grand remplacement puise aussi dans l’histoire ancienne. En 2015, face à l’afflux de réfugiés syriens, Marine Le Pen déclarait dans un meeting que « sans nulle action de la part du peuple français, l’invasion migratoire que nous subissons n’aura rien à envier à celle du IVe siècle et aura peut-être les mêmes conséquences ». La présidente du Front national d’alors fait référence aux « invasions barbares », qui, aux dernières heures de l’Empire romain d’Occident (IVe et Ve siècles), auraient déferlé depuis l’Est (comme les Huns, venus d’Asie Centrale) et le Nord (comme les Goths, peuple germanique originaire de l’actuelle Ukraine) pour lui porter le coup fatal. Si la nature belliqueuse de ces « invasions » est aujourd’hui remise en cause par l’historiographie, qui parle plus volontiers de mouvements migratoires, il n’est pas anodin que l’idée des barbares provoquant la chute de l’Empire soit relayée par Marine Le Pen. Il inscrit le grand remplacement dans un récit mythologique, celui d’un Occident comme forteresse assiégée, menacée dans son existence par l’envahisseur, l’étranger, le barbare, celui qui ne parle pas la langue.
3. La peur de la « kosovosation » de la France
Paradis perdu et chaos à venir. La théorie du grand remplacement, qu’elle vienne d’Enoch Powell, de Renaud Camus, d’Éric Zemmour ou de la comparaison avec l’Empire romain, se construit toujours sur le même double attelage imaginaire : la sortie du paradis perdu et l’imminence consécutive du chaos. Avant l’immigration, l’Occident aurait été un espace ethniquement homogène et culturellement harmonieux, une population « pure » dans son essence, non-altérée par le métissage et maîtresse de son destin. Or, elle aurait été brutalement tirée hors de son paradis, sorte d’état de nature de l’identité, par les vagues migratoires successives – comme l’Empire romain, qui, après avoir obtenu sa Pax Romana, aurait été dépecé par les barbares. Puisque la société contemporaine se décompose maintenant, d’après les « grands-remplacistes », en communautés rivales, la guerre de tous contre tous menace et le spectre du chaos est inévitable, « tragique et insoluble », déclarait alors Powell. Quand l’ancien député britannique disait : « Comme les Romains, je vois confusément “le Tibre écumant de sang” », Éric Zemmour déclare que la Seine-Saint-Denis, « c’est le Kosovo de la France ». Une question reste, en écoutant Zemmour. À force de répéter leurs violentes prophéties parlant de choc des civilisations, d’éclatement de la société multiculturelle et d’incompatibilité entre les populations, les cassandres d’hier et d’aujourd’hui n’attisent-elles pas ce feu… qu’elles se promettent d’éteindre ?.
Comme on vient de lire des archives classées France, le besoin d’un « grand remplacement » se ressent en France. Pays soi-disant de la Déclaration Universelle des droits humains. Nous disons soi-disant au seul motif qu’il s’agit d’une simple théorie, car il y a un écart extraordinaire entre ce qui est dit par la France et ce qui est fait en France. Autrement dit l’extrême-droite ne serait pas aussi importante, c’est-à-dire représentative, au point de se trouver au deuxième tour d’une élection présidentielle par trois fois tant avec le père Jean-Marie Le Pen en 2002 qu’avec Marie Le Pen, la fille du père, en 2017 et 2022. Même si ces trois échecs montrent assez clairement pourtant que la France ne veut pas de l’extrême-droite au pouvoir. Mais ça c’est uniquement pour la bonne forme, pour l’étranger, pour s’y donner bonne conscience comme nous l’avons dit il y a un moment. Car en coulisse, la France officielle et soi-disant « républicaine », « démocratique » entretient cette politique du « Grand remplacement » ne-fût-ce que par la centaine de députés extrémistes de droite qui siègent dans l’Assemblée Nationale !
La France c’est en réalité la Franc-Afrique. Il n’y a pas d’Etat français, sans l’Afrique. Economiquement, la France c’est l’Afrique voire inversement, l’Afrique subsaharienne noire c’est la France. Il est donc tout à fait normal, disons-nous qu’officiellement la France blâme l’idéologie du Grand remplacement ainsi que nous venons de l’entendre. Elle se veut républicaine apparemment, mais nullement honnêtement, car il y a un important décalage entre les dires et les actes. La France ne peut pas ne pas protéger ses intérêts léonins et régaliens en Afrique subsaharienne. Par la France, nous entendons l’Union européenne, l’américanisme étasunien et l’OTAN. L’ONU, le FMI, la BM, et tant d’autres institutions en ce compris. Elle doit donc tenir compte de l’équilibre géostratégique sur son territoire de la diversité des races, d’ethnies, mais également et surtout d’intérêts matériels, économiques, financiers. Ainsi pas question d’y voir développer ni l’islamophobie ni l’antisémitisme ni encore moins le racisme ordinaire auquel est quotidiennement gratuitement soumis l’homme noire. Mais tout ça, nous venons de le dire, il y a un moment, ce n’est pas pour leurs beaux yeux, mais pour profiter d’eux. C’est tout.
C’est ce qui explique, dans cette confusion des valeurs, des discours et des pratiques, que l’électorat républicain occidental peut, comme ça, profiter des nombreuses voix noires et arabes. En effet pour plusieurs immigrés, le but même de vivre en France, aux USA, en Espagne, en Belgique, au Royaume-Uni est économique, social, plutôt que politique. Alors il suffit que le pouvoir en place leur garantissent ce minimum vital pour que ces immigrés votent contre l’extrême-droite pour les partis soi-disant républicains, mais qui utilisent de l’hypocrisie réflexive et discursive pour se les mettre tous dans la poche.
Deuxième section
2. De la source « zaïro-congolaise »-afro-noire de l’idéologie du « Grand remplacement culturel »
Mobutu Sese Seko, ancien homme politique et président de la défunte République du Zaïre, nationaliste-lumumbiste pour commencer, y a été l’un des premiers dans son pays et très rarement en Afrique, à avoir bien senti le coup sur la nécessité du combat pour le « Grand remplacement culturel », en évoquant le « recours à l’authenticité » à la suite de son idéologisme politicien désigné « Nationalisme zaïrois authentique. Loin pourtant de nous en inspirer, malgré le mérite de son œuvre, mais ne pas le reconnaître, alors qu’avant de sombrer dans le culte de la personnalité, la falsification de l’histoire, le dénie d’humanité, l’homme avait fait la fierté de l’homme zaïrois et de son pays le Zaïre, serait maladroit et ingrat inutilement.
Cependant et comme nous venons de le voir, il y a un moment, la faiblesse de Mobutu et du mobutisme mais, également, d’autres grandes théories du même genre la négritude d’Aimé Césaire, de Léon Damas, de Léopol-Sédar Senghor, l’afrocentrisme de Cheikh Anta Diop, le consciencisme de Nkrumah, le panafricanisme de Sékou Touré, etc., c’est leur fidélité au romantisme de la patrie, à la poésie, sans prêcher ni inculquer au peuple afro-noir la magie de la création, de la production, de l’invention et de la transformation. Idéologiquement romantiques, poétisants, Mobutu et les autres leaders politiques et intellectuels africains noirs, parmi les plus réputés, n’ont malheureusement appris à l’homme afro-noir que la révolte, la contestation et la revendication oisive d’une couleur de la peau aussi belle que la peau blanche, et comme la mesure des beautés de toutes les couleurs de peaux, sans nullement se promettre que leur enseignement susciterait chez l’homme un effet inverse, à savoir le dégoût de son être pour adopter l’aspect ontologico-anthropologique et biologico-anatomique de l’homme euro-occidental blanc) ; mais sans oublier également cette référence historiale et historique du « berceau de l’humanité », dont on se gargarise comme motif de grandeur de l’homme afro-noir, mais malheureusement sur fond de déchéance humaine, car que vaut une telle référence lorsque plusieurs siècles après, l’homme africain noir continue à s’y afficher en parents pauvres des créatures divines?
1. Le Culturalisme identitaire
En nous inspirant de l’essai de Lê Thânh Khoi, celui-ci met en avant la naissance de ce qu’il appelle tendance « culturelle » ou « culturaliste » (selon mon vocabulaire pour insister sur l’état d’action permanent dans lequel devrait s’aligner l’état d’esprit des pays d’Afrique noire face à l’impérialisme culturel occidental) : « Depuis l’échec dans la plupart des pays des pays de la transposition des modèles de l’Ouest et de l’Est, on a vu se développer la tendance que j’appelle « culturaliste » qui consiste à faire des valeurs culturelles la « clé » du développement. En ce sens, elle s’oppose à l’économisme selon lequel il faut d’abord les forces productives pour que tout le reste suive ». Qu’ à l’image de l’économisme qui se rencontre dans le capitalisme et le socialisme, il y a lieu de distinguer plusieurs courants du culturalisme, dont le culturalisme intégriste, le culturalisme révolutionnaire (Mao), le culturalisme authentique ou identitaire (Mobutu) ou encore le « culturalisme racial négrier de Senghor.
Lê Thanh Khoi explique ces trois tendances ou courants de la manière suivante : Premièrement il indique que le « culturalisme intégriste « cherche dans la tradition et en réaction à l’invasion occidentale, les normes morales et spirituelles propres à fonder un progrès qui se veut d’abord humain et social. Ce courant est complexe : on ne peut le réduire au masque idéologique que prendraient des classes » féodales » ou « bourgeoises » pour mieux perpétuer leurs privilèges (ce qui ne veut pas dire que cette situation n’existe pas) ». Deuxièmement le culturalisme révolutionnaire maoïste où en s’appuyant sur l’histoire et la fondation de la Chine populaire, Lê Thân Khoi montre que le courant maoïste est «lié au nom de Mao Zedong et à la « révolution culturelle » qu’il a déclenchée. Le projet se situait à l’exact opposé du premier. Il fut une gigantesque entreprise de mobilisation des masses pour critiquer la tradition, y compris la tradition communiste « orthodoxe » et pour transformer les esprits en vue de faire dominer une conception véritablement collectiviste de la société ». Troisièmement, enfin, le culturalisme authentique ou identitaire mobutiste en tant que troisième courant, intermédiaire entre les précédents, tourne autour des idées d’ « authenticité » et « d’identité culturelle » sur lesquelles il veut axer, sans refuser les « apports extérieurs, un « développement endogène ».
Reste que pour Lê Thânh Khoi il est impérieux de relativiser ces trois courants « culturalistes ». Car aucun des trois courants n’est meilleur en cent pour cent : « Tous ces mouvements se caractérisent par une méconnaissance ou une sous-estimation des contraintes économiques et, pour certains d’entre eux, par une occultation des dominations internes. Mais il importe de commencer par une critique des concepts, car les deux premiers courants que j’ai mentionnés se réclament eux aussi de l’ « authenticité » et de l’ « endogénéité » même si ces termes ne sont pas utilisés ». Si je suis d’accord avec lui c’est au sujet de la Négritude d’Aimé Césaire, Léon Damas et Léopold Senghor et de l’Authenticité de Mobutu qui ont ignoré la nécessité et l’importance d’obtenir avant tout l’indépendance ou la souveraineté politique. De telle sorte que tous leurs discours sont restés des simples vœux, qu’ils n’ont que théorisé, sans rien mettre en pratique.
En effet, Lê Thanh Khôi dans « Culture, créativité et développement » montre comment « Les luttes qui ont eu lieu contre la colonisation en Asie et en Afrique ont revêtu une forme plus politique que culturelle. Pour beaucoup de lettrés vietnamiens du début du XXè siècle, la culture autochtone était périmée ou dépassée. N’était-elle pas responsable de la décadence de leur pays et donc, au moins en partie, de la conquête européenne ? Il fallait, comme le Japon de Meiji, emprunter à l’Occident ses propres armes _ la science et la technologie – pour vaincre ». Pour Lê Tàanh Khôi, « On retrouve cette attitude chez des intellectuels africains d’aujourd’hui. Marcien Towa préconise même une complète acculturation (européenne) – déculturation (africaine). « S’emparer du secret de l’Occident », écrit-il, « doit consister à connaître à fond la civilisation occidentale, à identifier la raison de sa puissance et à introduire dans notre propre culture. Seulement cette introduction n’est pas à concevoir comme une simple addition qui laisserait intacts les anciens éléments cultures, ni comme une paisible greffe devant opérer sans heurts les transformations désirées : elle implique que la culture indigène soit révolutionnée de fond en comble, elle implique la rupture avec cette culture, avec notre passé, c’est-à-dire avec nous-mêmes. On pourrait multiplier les exemples montrant que tous les pays qui ont pu échapper à l’impérialisme européen ont dû nier pour s’approprier le secret de la puissance occidentale ».
A telle enseigne que le philosophe camerounais Marcien Towa développe ici une argumentation que nous appelons une herméneutique sodomisante, qui consiste à montrer qu’en dehors de l’Occident point de salut. Il pense exactement comme les politiciens africains pour qui la France, les USA, tout l’Occident sont incontournables, ils ne peuvent ni créer ni produire ni encore moins inventer d’eux-mêmes, sans se référer au génie (ce qu’il appelle ridiculement « secret ») occidental européen. Quelle hérésie et quelle défaite ? Si l’Afrique ne peut se porter jamais mieux, c’est à cause de ce genre d’intellectuel d’acabit de Towa. Pourtant la leçon qui lui est donnée par Lê Thanh Khôi est tout sauf anecdotique, en montrant comment « Malheureusement pour Towa, l’exemple qu’on cite toujours du pays qui non seulement a su échapper à l’impérialisme européen mais encore devenir son égal, est précisément le Japon qui ne rejeta nullement son passé et sa culture. Arrêtons-nous un moment sur ce cas souvent magnifié. Le Japon a, dit-on, trouvé dans sa forte identité culturelle, le ressort qui lui a permis à la fois de s’ouvrir et de résister à l’Occident. Ce phénomène est réel, mais il faut constater que d’autres peuples ont une identité aussi forte que celle du Japon – les Chinois, les Coréens, les Vietnamiens – ils n’en ont pas moins succombé ». Lê Thanh Khoi dit alors que : « La première forme qu’a prise cette notion est celle de « négritude » que Senghor a définie dans les années trente comme « ensemble des valeurs culturelles du monde noir telles qu’elles s’expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. C’était une affirmation de la personnalité négro-africaine, une revendication de la dignité de l’homme noir face au colonialisme. Le mot « authenticité » a été utilisé également comme une expression de sa volonté d’indépendance ».
C’est ainsi, poursuit Lê Thanh Khoi que « Dans son discours aux Nations unies le 4 octobre 1973, le président Mobutu du Zaïre définit l’ « authenticité » comme « une prise de conscience du peuple zaïrois de recourir à ses sources propres, de chercher les valeurs de ses ancêtres afin d’en apprécier celles qui contribuent à son développement harmonieux et naturel. C’est le refus du peuple zaïrois d’épouser aveuglément les idéologies importées. C’est l’affirmation de l’homme zaïrois ou de l’homme tout court, là où il est, tel qu’il est avec ses structures mentales et sociales propres. Le recours à l’authenticité n’est pas un nationalisme étroit, un retour aveugle au passé, mais il est au contraire, un instrument de paix entre les nations, une condition d’existence entre les peuples, une plate-forme pour la coopération entre les Etats. Car l’authenticité est non seulement une connaissance approfondie de sa propre culture, mais aussi un respect du patrimoine culturel d’autrui ». Le Thanh Khoi est d’accord mais « Sauf sur un point fondamental sur lequel on revendra, on ne peut qu’etre d’accord avec cette conception de l’authenticité. Elle met l’accent sur l’activité propre du peuple qui cherrche dans les valeurs de ses ancêtres celles qui contribuent à son développement tout en étant ouvert à la culture d’autrui. Elle est comme conforme au sens originel du mot. « Authentes » en grec signifie « qui agit de lui-même ». Il implique l’autonomie de la pensée et de l’action. Cette caractéristique est liée à la provenance. Une œuvre est authentique lorsqu’elle émane réellement de l’auteur auquel on l’attribue : l’authentique s’oppose au faux. De là dérive une autre connotation, celle de vérité : l’authenticité d’un événement s’impose parce qu’elle est conforme à la vérité ».
S’agissant de « La « négritude » accédant au pouvoir au Sénégal avec Senghor, elle ne s’avéra pas capable d’impulser le développement économique et social. Outre les difficultés objectives, elle est en soit contradictoire avec le développement lui-même. Définir la négritude comme « l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vuie, les institutions et les œuvres des Noirs », n’est-ce pas supposer les valeurs « éternelles », une vie et des institutions qui n’ont pas changé depuis des siècles ? De même peut-on parler, comme Mobutu, de « l’homme tout court », sans considération de son statut, sans distinguer entre le riche et le pauvre, l’exploiteur et l’exploité ? Et parler de « l’homme là où il est, tel qu’il est avec ses structures mentales et sociales propres », c’est admettre le règne de la tradition, le non-changement ». D’où son constat selon lequel, « Ces conceptions souffrent d’un défaut majeur : le fixisme. En insistant sur la sensibilité, la puissance d’émotion et d’intuition du Noir, la négritude fait croire qu’il n’est pas capable de rivaliser avec le Blanc sur le terrain de la raison (qui est « hellène » et de la science ». Pour Le Thanh Khoi, « Le risque le plus grave de l’authenticité est dans le passéisme. Alors que le modernisme se fonde sur une argumentation essentiellement économique, le courant qui s’y oppose le fait au nom de valeurs morales, spirituelles et culturelles, à préserver. Ses forment varient selon les pays bien qu’on puisse y relever un trait commun : l’influence dominante d’une religion ou d’une idéologie. Dans les pays qui commencent à s’industrialiser, le passéisme peut etre le fait d’une petite- bourgeoisie qui craint la nouveauté et s’allie avec l’Eglise elle-même attachée à la conservation d’un ordre social qui favorise ses intérêts »
Une autre voie pour l’Afrique, en dehors de la négritude et de l’authenticité, était l’endogénéité. Lê Thanh Khoi écrit : « Proche de l’authenticité, la notion d’endogénéité est de plus en plus fréquemment utilisée. Le mot vient aussi du grec et signifie « qui nait de l’intérieur » ou « à l’intérieur ». L’Unesco définit le « développement endogène » comme un « processus autonome par lequel une société choisit consciemment et librement le modèle de ce qu’elle entend devenir ; il se concrétise, pour toute communauté, dans l’ensemble des moyens et des efforts qui sont appelés par la réalisation de sa vocation propre à un niveau toujours plus élevé. Il implique, donc, et il doit en même temps favoriser la prise de conscience de ces ressorts profonds, et la fidélité à leur évolution vivante, en réponse au surgissement continu de problèmes et de possibilités nouveaux ». Donc, « Seule une connaissance approfondie de ces valorisations et de ses aspirations, conjointe à une perception lucide des nécessités et des perspectives de développement, peut contribuer utilement, en explorant sur une base continue les convenances et les incompatibilités, à accorder celui-ci aux besoins profonds des hommes, sans compromettre sa réussite ». «En outre, l’association active et responsable des populations concernées à la détermination concrète et à la mise en œuvre effective des projets de développement les concernant est nécessaire pour garantir l’équilibre et l’harmonie du développement aussi bien que pour réaliser sa signification et sa portée du point de vue de la promotion de l’homme. Une œuvre d’information et d’éducation s’impose, dans la recherche des moyens de s’assurer des aspirations authentiques du public, par-delà le plan des réactions stéréotypées ou épidermiques ».
Or pour Le Than Khoi, « Cette déclaration, très humaniste et abstraite, est centrée sur l’origine plutôt que la destination du développement : « la société choisit consciemment et librement le modèle de ce qu’elle entend devenir ». Mais peut-on parler de la société lorsqu’elle est divisée en classes aux intérêts antagonistes ? Qui choisit dans cette société ? est-ce le peuple ou les dirigeants ? Même lorsque ces derniers sont élus (c’est-à-dire en excluant le cas des militaires arrivés au pouvoir par la force), l’élection n’est pas toujours une garantie de démocratie là où persistent des rapports de type féodal ou tribal ou bien lorsque le vote est acquis par l’argent ou par la contrainte.
Dans des nombreux pays, le mode de production a été choisi « consciemment et librement » par les gouvernements : il s’agit bien d’un processus « autonome » ou « endogènne ». La question est de savoir si la croissance profite à la masse de la population ou seulement à une minorité, si elle a atténué ou, au contraire, accentué les différenciations économiques et sociales. A la question « pour qui », la notion de « développement endogène » ne répond pas. Il ne suffit pas de dire en effet que le bénéficiaire doit etre « l’homme total ». L’« homme » n’existe pas, il n’y a que des groupes sociaux des classes, es ethnies ». Le Thanh Khoi indique alors comment « dans le cas de l’endogénéité comme de l’authenticité, ce qui est mis en valeur, c’est l’origine, la provenance, et non le contenu de l’action. C’est là la grande insuffisance des deux concepts lorsqu’on les applique au développement. Car le développement, tout le monde en convient, doit se faire au bénéfice de la population et non d’une minorité quelle qu’elle soit. Or ni l’authenticité ni l’endogénéité ne la garantissent. De même qu’un individu peut être « authentiquement » démocrate ou réactionnaire, de même un développement « endogène », s’il n’est que cela, est susceptible d’orientations opposées »
Reste que « Le développement endogène, écrit Le Thanh Khoi, ne signifie pas authentiquement plus de justice et d’égalité (…) L’endogénéité peut même signifier que des classes exploitées refusent, pour des raisons tenant à la tradition, une amélioration de leur sort en se rangeant d’elles-mêmes du côté des exploiteurs. A. Rudra cite l’exemple de tenanciers du Bengale occidental à qui le gouvernement de gauche de cet Etat a demandé de faire acte d’enregistrement afin d’acquérir des droits sur la terre à ceux à qui elle appartient ?
Après tout, ils ont été bons pour nous depuis des générations. Si nous agissons traitreusement aujourd’hui, à qui ferons-nous appel le jour où nous aurons besoin d’aide ? Le dharma, concept clé de la culture indienne, la « loi de l’ordre naturel », est interprété dans un sens conservateur par ceux-là mêmes qui en sont victimes ». D’où pour Le Thanh Khoi, « l’insuffisance des concepts d’authenticité et d’endogénéité au regard du développement est qu’ils réfèrent à l’origine et non au contenu de l’action. Or, le contenu d’une politique dépend de la nature du pouvoir et donc de la classe ou de l’alliance de classes dominante qui tend à perpétuer les structures socio-économiques existantes à son avantage. Quand le président Mobutu définit l’authenticité comme « l’affirmation de l’homme là où il est, tel qu’il est avec ses structures mentales et sociales propres », il assume que ces structures contribuent à son « développement harmonieux et naturel ». L’exemple indien (parmi d’autres) montre que les structures sociales peuvent au contraire opprimer certaines catégories et qu’elles agissent sur leurs « structures mentales » pour qu’elles acceptent leur sort tel qu’il est depuis des siècles. On y observe l’emprise d’une idéologie conservatrice perpétuée par une classe sociale qui a intérêt à son maintien et par une classe sociale exploitée qui n’est pas arrivée à la conscience critique de sa situation »
2. Le Culturalisme souverainiste
Nous faisons ici allusion à la composition et la formation des gouvernements des Etats. En ce qui nous concerne et selon notre compréhension et motivation propres, nous distinguons les ministères de souveraineté suivants : Affaires étrangères, Intérieure et sécurité du territoire, Défense nationale et Anciens combattants, Communication et médias, Enseignement Supérieur et universitaire.
-Le ministère de l’Agriculture, c’est la priorité des priorités, il est le grenier et le ventre d’un pays, d’un Etat, d’une nation.
-Le ministère de la Culture et Arts est l’âme de tout un peuple, c’est dans ce ministère qu’on réhabilite la mémoire civilisationnelle, traditionnelle, historique d’un peuple ; c’est le ministère de la mentalité par où l’on transmet des valeurs, des mœurs, des us et coutumes on les crée, les recrée, les produit, les reproduit, les invente, les réinvente, les transforme, les retransforme ; c’est le plus important ministère pour un peuple tenant à se tracer une voie propre pour sa transformation et son développement (tel est l’exemple de la Chine). C’est lui qui provoque, invente, crée, produit, invente la transformation et le développement d’un Etat, d’un peuple, d’un homme.
-Le ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire est culturellement parlant la clé de voûte de toute une nation. C’est lui qui engage les formateurs des formés, levains de la nation, qui distribue la recherche scientifique; bref une politique académique et scientifique créatrice, productrice, inventrice, participatrice à la fois autonome et ouverte au monde pour créer et se recréer, se produire et se reproduire, s’inventer et se réinventer ; l’autarcie n’étant ni une chance ni une nécessité en cette matière ; un ministère qui a une importance stratégique, malheureusement dans un continent sous la direction des incultes, d’autodidactes et des « diplômés » analphabètes, il reste un ministère négligé, inutile, sénile et donc totalement improductif.
-Le ministère de la Défense nationale a pour objectif de défendre l’intégrité jusqu’au sacrifice suprême le sol et le sous-sol du territoire national, met en place une armée organisée, conquérante, nationaliste et patriotique qui ne recule devant rien et ne négocie jamais la souveraineté nationale, car aucun autre sacrifice n’est au-dessus, toute trahison de l’espace national vital vaut la peine de mort car la terre nationale est sacrée.
-Le ministère des Affaires étrangères se forge à positionner ce que nous appelons une « diplomatie de la responsabilité » et dont la tâche consiste à se remémorer le passé, non pas en tant que mémoire poétique voire poétisante, mais plutôt création, production, invention, transformation, c’est-à-dire préparation du présent d’un peuple en tant que garant et projet d’un futur-être-passé du présent-futur de ce qui a donc été, est, et sera.
-Le ministère de l’Intérieure et sécurité du territoire engage une politique intérieure orientée sur la quête, la défense, la sauvegarde des frontières nationales non négociables ; il met en place ce que j’ai nommé un « Nationalisme pragmatico-révolutionnaire » inspiré, formaté du « Nationalisme zaïrois authentique » prôné par le mythique Maréchal Mobutu Sese Seko à travers le désir d’être-soi-même, sans évidemment sombrer dans le mépris des autres, sinon au respect de l’adage biblique selon lequel « la charité bien ordonnée commence toujours par soi-même". Ce ministère devrait encourager le nationalisme et le patriotisme quoique l’Occident impérialiste les voit d’un mauvais œil quand, craignant pour ses intérêts majeurs et égoïstes, ces deux sentiments sont exacerbés dans le Tiers-Monde et en Afrique noire plus particulièrement.
Pourtant par patriotisme, la France entend l’amour de la patrie, et par opposition au nationalisme qu’elle considère comme une doctrine agressive, cultivant un amour exalté de la patrie. Le patriotisme, notion méliorative, serait selon ces lieux communs l’amour de son pays, une conception ouverte de sa patrie, la volonté désintéressée de la servir et de la promouvoir. Le patriotisme serait ouvert et inclusif.
A contrario, le nationalisme, notion péjorative, serait selon ces mêmes lieux communs une doctrine agressive, un amour exalté de la patrie qui dégénérerait en impérialisme, en volonté d’exclure les étrangers à l’intérieur, et de dominer les ennemis à l’extérieur. Il est honni comme la cause principale des conflits qui ont ensanglanté l’Europe au XXe siècle. Le nationalisme serait par définition fermé et exclusif.
Mais, au final, pour quelle idéologie devrait-on militer en Afrique noire ? Pour les deux : le nationalisme et le patriotisme. Dans les conditions actuelles précaires de l’Afrique noire l’une ne va jamais sans l’autre et vice-versa. Le Congo-Kinshasa comme tant d’autres pays d’Afrique noire qui subissent en plein cul l’occidentalisme agressif et dévastateur ne peuvent pas se permettre d’ignorer le nationalisme et le patriotisme. Chaque « …isme », on le sait, a effectivement ses points forts et faibles, clairs et obscurs. Mais en tant que peuple dominé, exploité, néo-colonisé, je peux aussi ajouter délibérément et volontairement assimilé et acculturé, il y a lieu, en plus d’être patriote, de militer pour plus de nationalisme en Afrique noire. L’homme euro-occidental fait pareil quand il définit des fait pareil quand il définit des lois plus que restrictives voire contraignantes en matière d’immigration sur ses territoires. Ce ne sera plus jamais une désobligeance ni culturelle ni politique ni encore moins morale ou éthique mais une obligation destinale de l’Afrique subsaharienne.
-Le ministère de la Communication et médias s’engage dans une politique de communication souveraine chaque fois adaptée à la situation et à l’évolution des événements.
-Le ministère de la Justice et Garde des sceaux est fondamental pour l’égalisation des droits citoyens ; égalisation sans laquelle l’anarchie et d’autres anti-valeurs prendraient de la place dans toute la société.
3. Le « Grand remplacement culturel » transformateur et développeur
C’est d’un article de presse paru dans le journal La Prospérité consacré au président Félix Tshisekedi que pour la première fois cet idéologisme a été rendu public et donc officiel. Même si le mot nous l’avons employé pour la toute première fois dans le cours de « Philosophie de la culture » que nous avons dispensé aux étudiants de Master 1&2 de la faculté de Philosophie de l’Université Saint Augustin de Kinshasa, inscrits pour l’année académique 2022-2023. Donc c’est récent.
Alors maintenant d’où nous est venu le besoin, et c’est la question du jour, de forger voire de proposer ce Grand remplacement culturel, mieux, Remplicisme culturel transformateur et développeur ? C’est au regard des crises et humiliations politiques subies par la République Démocratique du Congo depuis plus de trois décennies de la part de ses voisins et du Rwanda de Paul Kagamé plus particulièrement, que nous avons proposé à nos étudiants de Master en philosophie de l’USAKIN de réfléchir sur la politique du « Grand remplacement culturel tout d’abord au plan afro-subsaharien en général et ensuite pour la République Démocratique du Congo en particulier. Par Grand Remplacement culturel, nous entendions un nouveau positionnement dans la manière de penser, de réfléchir, de parler mais surtout d’agir, de faire par rapport à l’homme euro-occidental. Pour y arriver effectivement, nous prévîmes nos étudiants qu’il ne s’agissait ni de jeter l’acquis culturel euro-occidental, non seulement qui nous porte et nous marque à la culotte comme une partie essentielle de notre ontologie et anthropologie, mais de le réévaluer pour, par exemple, faire la politique autrement, gouverner autrement, faire les choses autrement à l’instar des Chinois, des Indiens, des Japonais, des Israéliens, des Iraniens, des Brésiliens, des Turcs et tant d’autres nations favorables à un dialogue responsable avec l’Occident.
Notre constat, nous venons de le dire, il y a un moment, est que le bilan d’un tel dialogue entre l’Afrique subsaharienne noire et l’Occident est plutôt contreproductif, c’est-à-dire inutile, futile, ridicule. Il n’y a pas de progrès ni d’avancée dans la transformation et le développement de l’Afrique noire. La tristesse, la misère, la sinistrose sont son pain quotidien. D’où l’appel à un sursaut, non du rejet brutal ou soft occidental, mais de nous interroger si l’Afrique subsaharienne ne pouvait pas ouvrir des nouvelles portes. Il semble, selon nos étudiants en Master 1&2 de Philosophie de l’USAKIN, que les Cinq colonels Maliens avec à leur tête Assimi Goïta ; le Capitaine Malien Ibrahim Traoré, et tout récemment le Général Nigérien Abdourane Tsiani, auraient entendu notre appel ; eux qui ont demandé le départ des troupes militaires françaises de leurs pays respectifs, dont pourtant la mission était officiellement sécuritaire, mais en réalité pour assurer la sécurité économique, technologique de la France et des pays de l’OTAN et de l’UE, pour s’approcher prioritairement de la Russie et de la Chine dans une moindre mesure.
De cette intention est advenue cette question consistant à savoir si Félix TSHISEKEDI devait ou pouvait, lui aussi, se fédérer, comme ses collègues chefs d’Etats, au « remplacisme » culturel et/ou social que nous proposons comme une solution idoine face aux exploitations et humiliations multiformes subies tant de la part de l’Occident que de ceux par lesquels il agit indirectement pour déstabiliser son pays ? Pour nous, la réponse y était plutôt positive. La RDC, locomotive économique, minière, et riche en ressources naturelles, se trouvait, elle également, en ligne du remplicisme culturel. C’est ce que, du reste, nous avons conseillé au président de la république, de changer de politique, d’idéologie, de doctrine politique afin de gouverner autrement. Encore une fois, il ne s’agit pas de chasser l’Occident d’Afrique subsaharienne, mais de nous mettre culturellement à son diapason ; et pour s’y mettre, l’homme afro-subsaharien devait coûte que coûte son comportement façonné depuis l’esclavage et le colonialisme « passifiste », « inertiste », récipientisme, « copier-colliste » au lieu de créationniste, productionniste, inventionniste, transformiste ».
Le développement n’est pas une intention, mais au contraire une intention. Savoir que dans toute culture, chaque morceau de terre compte, et en prendre conscience et la mesure fait partie essentielle des actes créateurs, producteurs, inventeurs, transformateurs. Les chefs d’Etats afro-subsahariens y sont-ils conscients et responsables ? Ic est nunc c’est la question et non de moindre au regard des fourvoiements et dysfonctionnements nombreux auxquels nous assistons. Les gens, en Afrique, du moins ceux qui sont en Troisième Guerre Mondiale (qui ne s’annonce pas officiellement), ont-ils compris qu’aucun abandon d’une quelconque souveraineté même sur un 1 mètre carré du territoire national n’est envisageable ? Certes, l’humanisme, l’éthique, la morale ontologico-anthropologiques africains ostensiblement culturalistes et sociologiques où les frontières entre les peuples ne sont ni totalement ni radicalement rigides, fait que tout africain se sent d’emblée chez lui sur n’importe quel lopin de terre où il vit ou il passe, ne permet pas non plus ni l’insécurisation ni la bestialisation des peuples hôtes, autochtones.
D’où viennent alors tous les conflits frontaliers en cours ou des personnes en Afrique subsaharienne noire ? De la seule volonté voire culture mentale de la stratégie de la terre brûlée dont est tributaire l’homme euro-occidental. Depuis des millénaires, sa stratégie est sécessionniste. Le monde est tranché, divisé entre deux camps les bons et les méchants. Les bons sont ceux qu’ils dominent ou tout au moins qui acceptent les yeux fermés et oreilles bouchées son impérialisme, son hégémonisme, son eugénisme, son capitalisme ; bref son « occidentalisme » et de l’autre côté les méchants, ceux qui lui contestent tous ces « …ismes » et menacent de quitter son giron. Désormais, il décrète que tous ceux qui ne sont pas avec lui, sont contre lui, que les amis de leurs ennemis devenus dans l’entre-temps les amis de leurs amis, sont aussi devenus leurs amis et que d’anciens amis ayant fait acte d’infidélité, ne sont plus amis mais plutôt des ennemis et cela ainsi de suite, sans fin.
Ainsi malgré Emmanuel Kant, auteur du magistral ouvrage « Critique de la raison pratique », l’homme européen blanc, implique dans son rapport avec le monde et l’Afrique subsaharienne noire en particulier ce que ce philosophe allemand, l’un des plus pertinents de l’histoire de la philosophie, l’acte éthico-morale qu’il appelle l’impératif hypothétique, qui soumet le bien au désir personnel (fais ceci pour obtenir cela). Représente « la nécessité pratique d’une action possible, considérée comme moyen d’arriver à quelque autre chose que l’on veut ». L’impératif hypothétique comprend tantôt de simples règles de l’habileté : il faut faire ceci pour obtenir cela ; tantôt des conseils de prudence : il faut agir ainsi pour être heureux. Cet impératif, pour Kant, est immoral, car il est plutôt stratégique, machiavélique, « intériste », plutôt que l’impératif catégorique, soumet le bien au devoir (fais ce que tu as à faire).
Alors que pour Kant, seul l’impératif catégorique, qui fait de l’intention, et non des conséquences de l’acte, le principe de sa bonté, a un contenu moral. Cet impératif, pour Kant, est un impératif moral ; communicationnel, car il n’émet aucune conditionnalité, ni aucun calcul, ni non plus aucun intérêt. L’impératif catégorique n’a, par définition, aucun objectif déterminé. Il commande d’agir selon la loi, mais sans considérer les fins de l’action. Son contenu est donc réductible à la simple forme de toute loi : l’universalité.
L’impératif catégorique kantienne repose sur trois maximes morales, mais dont je me limite pour le moment à la première maxime ou le premier commandement vise l’universalisation de l’action : agir moralement, c’est alors fonder le principe de son action sur la possibilité de son universalisation : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ». Chez Kant, le devoir est appréhendé par des exemples d’actions, dont on se demande si elles sont simplement conformes au devoir ou si elles sont accomplies par devoir. Seule cette dernière action a véritablement une valeur morale. Ainsi, la bienveillance à l’égard d’autrui n’a une valeur morale identifiable que dans le cas où la personne qui la manifeste n’a pas spontanément un tel sentiment, et est au contraire plutôt froide et indifférente envers autrui. Kant ne condamne pas ici les sentiments altruistes, il n’exige pas de l’action morale qu’elle soit faite avec répulsion. Il affirme simplement que, d’un point de vue méthodologique, on reconnaît plus facilement la valeur morale d’une action quand celle-ci n’est accomplie que par devoir, à l’exécution de tout autre motif.
Kant apporte une précision supplémentaire à la détermination du devoir : « une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d’après laquelle elle est décidée ». La fin poursuivie ou obtenue par une action ne peut lui conférer aucune moralité particulière. Seule importe ce pour quoi on la fait, c’est-à-dire le principe de la volonté. Kant en déduit immédiatement une troisième proposition qui est aussi sa définition du devoir : « le devoir est la nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi ». Reste à présent à définir le contenu de cette loi. Il est en réalité déjà défini par l’exclusion du principe de la volonté de toutes les inclinations et de tous les effets possibles de l’acte. La loi, n’ayant plus d’objet particulier, ne peut être caractérisée que par ce qui fait d’elle une loi, à savoir son universalité : « en d’autres termes, je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle ».
L’homme euro-occidental fait également du philosophe allemand J. Habermas l’auteur de « La théorie de l’agir communicationnel (1981) où il y a distingué deux types d’agir, où entre l’« agir stratégique » et l’«agir communicationnel », il s’avère que l’homme euro-occidental privilégie dans son rapport avec le monde et l’Afrique noire en particulier, « l’agir stratégique où l’on cherche à exercer une certaine influence sur l’autre (par la publicité ou le discours de la propagande), plutôt que l’agir communicationnel » où l’on cherche simplement à s’entendre avec l’autre, de façon à interpréter ensemble la situation et s’accorder mutuellement sur la conduite à tenir : c’est delà que surgit l’éthique de la discussion, qui lui est très chère ; pour garantir entre le locuteur et l’auditeur une authentique compréhension mutuelle.
Contextuellement donc, ce n’est pas le citoyen rwandais ou ougandais voisin à la frontière congolaise-kinoise qui cherche noise à son voisin congolais de l’autre côté de la frontière, mais plutôt les stratégistes occidentaux euro-blancs vampires et sangsues. Autrement dit si une politique de remplacement en RDC y était envisagée, c’est bel et bien contre ces suceurs du sang africain et congolais, plutôt que contre les citoyens rwandais, ougandais, burundais, entre autres, eux-mêmes, comme les congolais, otages, esclaves, néocolonisés à la fois de l’OTAN, de l’UE, de l’ONU, du FMI voire de la BM.
L’idéologie ou la politique du « Grand remplacement culturel » en Afrique et au Congo-Kinshasa plus précisément, si elle a lieu, ne sera pas non plus dirigée contre les citoyens européens, chinois, indiens, arabes, qui ont choisi les terres africaines comme les leurs, sinon contre l’hypothétisme et le stratégisme euro-occidental.
Remplacer culturellement l’Occident, ce n’est donc pas seulement « remplacer » tout ce qui est ou ce qu’il en reste de l’empreinte politique européenne occidentale sur le continent africain, mais aiguiser l’homme afro-noir à devenir la racine créatrice, productrice, inventrice, transformatrice. En attendant que le projet mûrisse complètement, nous avons conseillé au Président de la république de s’y imprégner, malheureusement nous n’en avions eu le moindre retour sinon un ou deux échanges téléphoniques avec son entourage, qui nous a félicité et remercié. Et pourtant c’était, selon nous, une proposition de dernière chance pour pouvoir l’aider à capitaliser ses mandats politiques à la tête de son pays.
En réalité, il s’agit également de savoir comment évaluer, comment impliquer les chances de réussite permettant la supplantation effective de la culture étrangère structurellement envahissante (nous entendons la culture euro-occidentale) par la culture d’origine reprenant en mains ses droits les plus inaliénables pour y arriver. C’est notre combat. Et le combat théoriquement et pratiquement de tous les hommes subsahariens noirs tant d’Afrique que du monde entier.
La souveraineté culturelle ne doit pas être obsessionnellement restrictive. Car ce combat n’est pas une simple déclaration d’intention ni un simple vouloir avoir une chose d’un enfant qui désire manger un biscuit et après arrête de pleurer une fois qu’il l’a reçu. Non c’est plutôt un combat constant et dure sur l’homme en face. Combattre, c’est chercher à savoir si nous avons -, les peuples noirs, anciennement esclavagisés et colonisés -, ont une âme, un esprit, un corps, une culture voire davantage encore une mentalité de progrès, que nous appelons mentalité créatrice-productrice-inventrice-transformatrice.
Ce « nouvel » homme africain subsaharien noir est foncièrement authentiquement un « homme révolté » voire un « homme suicidé », en empruntant les mots d’Albert Camus qui indique donc comment, « Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. Le Code pénal les distingue, assez commodément, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmés qui invoquaient l’excuse de l’amour. Ils sont adultes, au contraire, et leur alibi est irréfutable : c’est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges ». Pour A. Camus, penser, c’est se révolter, d’où son « Je me révolte, donc je suis ». Parce que pour Camus, la révolte est le seul moyen de dépasser l’absurde. Mais le véritable sujet de l’homme révolté est comment l’homme, au nom de la révolte, s’accommode du crime, comment la révolte a eu pour aboutissement les Etats policiers et concentrationnaires du 20e siècle. Comment l’orgueil humain a-t-il dévié ? Comment les Etats noirs subsahariens noirs ont-ils accepté, sans broncher la domination postcoloniale, hégémoniste, impérialiste, capitaliste des Etats euro-occidentaux ? Nous répondons que parce qu’en manque de dignité voire de personnalité plusieurs dirigeants des pays africains noirs ont accepté de brader leur souveraineté pour leurs petits intérêts personnels, faisant d’eux non de partenaires respectés, mais au contraire des caniches à la solde des pouvoirs euro-occidentaux qui ont fait d’eux des chefs d’Etat à vie.
Dans ce que nous voyons et savons desdits chefs d’Etats adoubés par l’Occident, ce sont des fœtus, plutôt que des guides, des révolutionnaires, mieux des combattants pour la quête d’une souveraineté décidée en Afrique subsaharienne noire. Ceux des leaders, qui en ont osé, ont été violemment assassinés ou neutralisés : Simon Kimbangu, Ahmed Sékou Touré, Patrice-Emery Lumumba, Martin Luther-King, Frantz Fanon, Amical Cabral, Marien Ngouabi, Barthélemy Boganda, Thomas Sankara, Modibo Keita, Mouammar Kadhafi, Nelson Mandela, etc.). Pour y échapper, la peur au ventre, les « rois » et « empereurs » intronisés par l’occidentalisme, ont choisi le costume des traitres. Ces traîtres d’un certain idéal africain ne connaissent jamais la révolte. Or, se révolter, c’est s’affranchir de la compromission, de la lassitude, de l’indifférence face au mal.
TROISIEME SECTION
Contenu théorique et pratique du « remplacement culturel » transformateur
D’entrée de jeu, nous nous attendons à ce qu’on nous reproche de tant de choses, dont celle de donner un contenu culturel étranger (euro-occidental, donc) à notre projet africain consistant dans le remplacement pourtant de cette même culture (euro-occidentale) dont nous conseillons son remplacement par la culture africaine subsaharienne noire. Evidemment vu de la sorte, le reproche ne peut qu’être fondé, validé voire consommé. Mais pas si vite que cela. Car, nous ne serions quand même pas tombé sur la tête pour nous égarer dans notre argumentation.
C’est pourquoi nos détracteurs potentiels devaient avant tout se demander de quelle culture africaine subsaharienne s’agit-il et qui est concernée par le « Remplacisme culturel » ? Est-ce l’Afrique avant l’esclavage et la colonisation ou celle d’après ? Sans nous cacher dans une hypocrisie romantique dont plusieurs théoriciens en la matière se sont rendus complices et donc tous coupables, nous avons constaté comment -, au regard des deux blessures ontologiques l’esclavage et la colonisation, le « retour aux sources essentielles, intimes » de cette Afrique jadis « berceau de l’humanité » et les dégâts y occasionnés -, l’impossibilité dudit retour est drastiquement impossible.
L’éloignement culturel de cette Afrique-Là s’il est impossible temporellement et spatialement, ne peut en réalité qu’y être évoqué, pensé, désiré, aimé, recherché, qu’à y être vécu au regard des modifications ontologico-anthropologiques, biologico-anatomiques subis. On se doit donc d’être réalistes. Refaire l’histoire est toujours possible. Nous ne parlons pas d’abandonner l’histoire mais de l’assumer, comme d’autres peuples, races, la Chine, l’Inde, le Brésil, Israël, le Japon (bombardé deux fois Hiroshima et Nagasaki, qui n’a jamais ni rompu ni plier) rompre ni plier), qui en ont également été victimes l’ont fait.
Donc, la partie de l’Afrique qui est visée par le vœu d’un « Remplicisme » culturel est la partie post-esclavage et post-coloniale. Parce que c’est la plus inconséquente, la plus médiocre, plus irréfléchie et totalement marquée par l’inertie, le copier-coller. Cette Afrique n’a rien à voir avec l’Afrique marquée par celle des épopées pharaoniques qu’évoque brillamment l’afrocentriste Cheikh Anta Diop. C’est ainsi que dans l’impossibilité de revenir à cette Afrique-Là, nous proposons le plus simple à l’Afrique d’aujourd’hui, de se rappeler que n’étant qu’une copie-collée de ses anciens esclavagistes et colonialistes, dont il a adopté sans rechigner la culture, que si elle veut vraiment exister, cesser d’être le grand comique au centre de l’humanité, d’accepter voire d’adopter l’esprit sacrificiel de l’homme euro-occidental, son modèle, qui passe inévitablement par la capacité créatrice, productrice, inventitrice, transformatrice.
Nous ne croyons plus aux discours romantiques, poétisants en appelant à la haine contre l’homme euro-occidental blanc comme seul remède pour sortir l’Afrique noire de cette déchéance culturelle qui le marque ontologiquement, anthropologiquement. Nous ne disons pas que celui-ci n’y est pour rien. Nous disons tout simplement qu’au regard d’autres peuples qui en l’ont subi et s’y sont libérés, les pleurs, les rancœurs, les haines, les cris de détresse sans fin contre l’Occident ne suffisent plus et nullement acceptables. Les Occidentaux ont du respect pour les peuples qui rivalisent avec eux en ingéniosité, en intelligence, en capacité créatrice, productrice, inventrice, transformatrice, plutôt que pour les pleurnichards.
Néanmoins s’il est vrai que nous ne faisons pas une récension des contributions en Afrique ou en Occident sur le « dialogue » interculturel entre l’homme africain subsaharien noir et l’homme euro-occidental blanc, dont tout de même les idées et combats, nous ont permis de forger ce « Remplicisme transformateur », il n’en demeure pas moins que nous en restons franchement redevables et très reconnaissants.
TROISIEME CHAPITRE
LES FIGURES DU « REMPLACEUR-TRANSFORMATEUR CULTUREL » EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE NOIRE
Nous venons, il y a un moment, de mettre en lumière les idées ayant mis en évidence l’esprit de la lutte, de la contestation des Africains subsahariens noirs pour la re-conquête de leur identité, de leur essence culturelle, dont ils accusent, mieux, rendent responsables les euro-occidentaux blancs sur leur déracinement à la suite de leur acculturation, leur aliénation ! Nous n’allons plus nous redire, car nous l’avons déjà stigmatisé, tout en pointant du doigt le fait que si la démarche n’était pas sans importance, que du contraire, elle nous paraissait certainement loufoque, impertinente, amusante, mieux, inutile, futile, sénile voire ridicule, ne-fût-ce que, à titre d’exemple, que toutes ces accusations et contestations se passent tranquillement en langue des anciens esclavagistes et colonialistes qu’ils accusent pourtant de soumission, d’imposition, d’exploitation de l’homme par l’homme, autrement dit d’impérialisme, de capitalisme, d’hégémonisme, d’eugénisme ; bref d’« occidentalisme » en tant que « mondialisme » des valeurs culturelles imposées de manière coercitive au reste des peuples du monde.
Alors puisqu’il n’est pas encore possible de nous défaire de l’occidentalisme culturel, la preuve les afro-noirs que nous sommes faisons encore usage de ses langues, notamment le français et l‘anglais, c’est encore en Occident que nous estimons trouver les modèles de créateurs, de producteurs, d’inventeurs, de transformateurs culturels dont nous nous en référerions pour la transformation et le développement holistique de l’Afrique subsaharienne noire. Ce n’est ni une contradiction ni une pétition des principes ni encore moins une autodestruction pragmatique que de nous en référer, alors que nous prétendons de mettre en place un système de pensée et d’action pour la désacculturation, de désaliénation de l’homme africain noir eu égard à l’homme euro-occidental noir.
Notre démarche et cela depuis le début se veut claire, limpide et sans la moindre ambiguïté. Nous refusons toutes les formes des discours de protestations, de dénonciations contre l’Occident, qui ne soient accompagnés par l’action et donc parce que nous appelons la capacité créatrice, productrice, inventrice, transformatrice caractéristique en tout être humain. C’est ainsi que, sans relativiser, nous ne le répéterons jamais assez, les efforts déployés, dans ce sens, par la négritude, l’afrocentrisme, le consciencisme, le panafricanisme, l’authenticisme, dont le seul tort est justement d’y être resté simplement au niveau contemplatif, théoritiste, poétiste, romantiste, nous en sommes-nous donné à examiner justement dans l’anthropologie philosophique occidentale (que nous récusons pourtant, mais parfois, à tort, puisque la seule volonté d’être soi-même ne suffit jamais pour se l’y accorder, une bonne théorie n’est efficace, comme nous l’a montré Marx n’est efficiente qu’assise sur une bonne infrastructure, c’est-à-dire sur une pratique dynamique, créatrice, productrice, inventrice, transformatrice), les idées, théories, exemples, modèles aiguisés, qui ont marqué, contre toute proportion gardée, l’histoire de l’humanité et qui nous ont particulièrement, non seulement marqué mais également impressionné voire absolument convaincu.
Entre plusieurs figures en Afrique subsaharienne noire qui pleurnichent une antériorité civilisationnelle perdue ou chiffonnée, comme si l’histoire était définitive et reposée, nous avons, curieusement, choisi des visages en Occident, dont nous pourrions nous servir pour rétablir l’homme subsaharien noir dans son essence, non poétique, romantique, légendaire, mais au contraire d’être sans repos, c’est-à-dire créatrice, productrice, inventrice, transformatrice. Et ces figures sont des trois ordres suivants.
1. Le révolté
Justement Albert Camus avait cette réflexion magnifique dans Le mythe de Sisyphe : « Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l’action. Cela s’appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. Mais pour un cœur fier, il ne peut y avoir de milieu. Il y a Dieu ou le temps, cette croix ou cette épée. Ce monde a un sens plus haut qui surpasse ses agitations ou rien n’est vrai que ces agitations. Il faut vivre avec le temps et mourir avec lui ou s’y soustraire pour une plus grande vie. Je sais qu’on peut transiger et qu’on peut vivre dans le siècle et croire à l’éternel. Cela s’appelle accepter. Mais je répugne à ce terme et je veux tout ou rien. Si je choisis l’action, ne croyez pas que la contemplation me soit comme une terre inconnue. Mais elle ne peut tout me donner, et privé de l’éternel, je veux m’allier au temps. Je ne veux faire tenir dans mon compte ni nostalgie ni amertume et je veux seulement y voir clair. Je vous le dis, demains vous serez mobilisé. Pour vous et pour moi, cela est une libération. L’individu ne peut rien et pourtant il peut tout ».
Si je comprends très bien Camus, le droit d’ingérence reste toujours possible. Tout homme pouvait ou devait l’exercer, évidemment, pour ne pas être accusé de « non-assistance » à personne en danger », vaine rhétorique hélas, car sans jamais le considérer pour une fin en soi, sinon une alternative dans un monde dominé et planifié par l’éloquence subjective, celui où chacun a à choisir et à se choisir. Concernant à titre d’exemple, l’église, elle devrait laisser s’écrire l’Histoire. Oswald Spengler l’un des allemands le plus friand de la philosophie de l’histoire, n’a jamais cessé d’affirmer que ce qu’on appelle histoire est une histoire consciente, plutôt qu’une somme des biographies. Car c’est à chacun de l’écrire et de la réécrire, de la lire et de la relire, de l’orienter et de la réorienter, de la produire et de la reproduire, de la créer et de la recréer, de l’inventer et de la réinventer à chaque fois sans cesse. C’est pourquoi, l’église n’avait pas à la canaliser ni à l’orienter dans un sens comme dans un autre sens ; elle devait la laisser s’éclater, en se disant comme l’avait vu Héraclite d’Ephèse que du conflit jaillit toujours l’harmonie…
Il n’y en a aucun secret, car en effet « Les conquérants savent que l’action est en elle-même inutile. Il n’y a qu’une action utile, celle qui referait l’homme et la terre. Je ne referai jamais les hommes. Mais il faut faire « comme si ». Car le chemin de la lutte me fait rencontrer la chair. Même humiliée, la chair est ma seule certitude. Je ne puis vivre que d’elle. La créature est ma patrie. Voilà pourquoi j’ai choisi cet effort absurde et sans portée. Voilà pourquoi je suis du côté de la lutte. L’époque s’y prête, je l’ai dit. Jusqu’ici la grandeur d’un conquérant était géographique. Elle se mesurait à l'’tendue des territoires vaincus. Ce n’est pas pour rien que le mot a changé de sens et ne désigne plus le général vainqueur. La grandeur a changé de camp. Elle est dans la protestation et le sacrifice sans avenir. Là encore, ce n’est point par goût de la défaite. La victoire serait souhaitable. Mais il n’y a qu’une victoire et elle est éternelle. C’est celle que je n’aurai jamais. Voilà où je bute et je m’accroche ».
A. Camus explique qu’« Une révolution s’accomplit toujours contre les dieux, à commencer par celle de Prométhée, le premier des conquérants modernes. C’est une revendication de l’homme contre son destin : la revendication du pauvre n’est qu’un prétexte. Mais je ne puis saisir cet esprit que dans son acte historique et c’est là que je le rejoins : en face de la contradiction essentielle, je soutiens mon humaine contradiction. J’installe ma lucidité au milieu de ce qui la nie. J’exalte l’homme devant ce qui l’écrase et ma liberté, ma révolte et ma passion se rejoignent alors dans cette tension, cette clairvoyance et cette répétition démesurée ».
2. Le créationniste phénoménologiste-ontologiste-herméneute
Si Heidegger différencie l’acte de simple transmission dans la tradition et celle de création, c’est justement parce qu’il a refusé d’être un simple lecteur de la tradition, c’est-à-dire un simple héritier de sa propre tradition et par rapport auquel on demeure passif, inactif. On ferait, ainsi, tort à Heidegger si on ne se limitait qu’aux seuls paragraphes 6 et 67 de Sein und Zeit. C’est d’ailleurs là le principal tort de J. Taminiaux et de ceux nombreux qui pensent comme lui. Quant au « traditionnaliste-transmetteur », il est chez Heidegger, l’être de l’homme qui reçoit tout de la tradition, mais ne fait rien pour rentabiliser, créer, produire, inventer, transformer ; lui c’est tout juste un simple consommateur. Pour Heidegger, le véritable homme-traditionnaliste est un créateur, un producteur, un inventeur, un transformateur plutôt qu’un récepteur, un récipient, un puits d’eau, un tonneau, une assiette ou une casserole. Et c’est bien malheureusement l’image que donne l’homme africain subsaharien noir.
C’est ainsi que chez Heidegger, la tradition comme « création » est donc une instance créatrice en tant que de cette critique de la “ tradition transmission ” à la volonté de “ création ”, se dessine lentement mais sûrement une nouvelle image de la tradition “ à la Heidegger ”, c’est-à-dire sa “ re-prise herméneutique ”. S’adressant aux étudiants de son “ auditoire ” de l’Université de Fribourg, Heidegger déclare : “ Ce peuple (le peuple allemand) ne se fera un destin que si d’abord, il crée en lui-même une résonance, une possibilité de résonance pour ce destin, et s’il comprend sa tradition d’une façon créatrice ”. Comprendre sa tradition d’une façon créatrice, c’est la soumettre à un double langage d’interprétation et de transformation, c’est-à-dire au travail de l’herméneutique. Alors, le sens de la “ re-prise herméneutique ” veut que chaque peuple assume sa situation, la connaisse, mieux, en prenne conscience. Et c’est seulement de la lecture de cette situation herméneutique qu’un peuple pourra se faire un destin. Dans ce contexte, la lecture, contrairement à ce qu’on a toujours cru être vrai, devient plutôt une instance véritable de “ création ”.
Dans “ Chemins d’explication ”, Heidegger explique que “ La Véritable compréhension mutuelle des peuples ne peut commencer et s’accomplir que par une méditation, menée réciproquement au sein d’un dialogue de créateurs, sur l’héritage et la tâche que leur donne l’Histoire. Dans cette méditation, les peuples s’attachent à ce qui leur est propre et s’y arrêtent avec une lucidité et une résolution accrues. Car ce qu’un peuple a de plus propre, est cette œuvre de création qui lui a été assignée et par laquelle il se pénètre de sa mission historiale, tout en se dépassant : c’est ainsi, et ainsi seulement, qu’il accède à lui-même ”.
Cet extrait présente à notre attention deux thèses. La première est celle qui nous indique que l’acte de “ création ” permet une meilleure compréhension entre les peuples. La deuxième, affirme, quant à elle, que l’acte de “ création ” est ce qui permet à un peuple de s’assumer en tant que peuple authentique. En tant que peuple authentique, il est donc absolument appelé à “ créer ” à partir de ce qui lui a été légué par l’histoire; d’où la notion d’ “ héritage ” que nous avons déjà décrite précédemment. En fait, Heidegger est convaincu qu’il n’existe jamais d’acte de “ création ” absolu et qui ait pour fondement le néant. Le “ créateur ” s’appuie toujours sur les faits et œuvres de sa tradition, de son histoire et donc de sa culture, dans lesquels il est lui-même aussi partie prenante. C’est uniquement de cette façon qu’un être-là peut être capable de reprendre critiquement son “ historialité ” faite de futur, de passé et de présent.
C’est de ce point de vue, celui de la “ tradition création ” que Heidegger est, à notre avis, le penseur du destin et du déclin . Pour lui, il n’y a que l’acte de création, en fait, qui peut “ sauver ” l’Europe du déclin. D’où, le sens de cette longue interpellation heideggérienne : “ A l’heure actuelle, la mission de ces peuples occidentaux faiseurs d’histoire, consiste pour l’essentiel, à sauver l’Occident. Sauver, explique Heidegger, ne veut pas dire ici simplement conserver ce qui existe encore, mais signifie originairement une justification novatrice de sa propre histoire passée et à venir. C’est pourquoi, la compréhension mutuelle des peuples voisins dans ce qu’ils ont de plus propre, implique de savoir se donner la nécessité de cette salvation comme tâche propre à chacun. Le savoir de cette nécessité vient surtout de l’expérience de la détresse née de la menace qui atteint l’Occident au plus profond de lui-même, ainsi que de la force capable d’un projet qui transfigure les possibilités les plus hautes de l’être-là occidental. Mais de la même manière que la menace subie par l’Occident risque de mener à un déracinement complet et à un chaos général, il faut que, dans le sens contraire, des décisions radicales guident cette volonté de rénovation de fond en comble ”. Il poursuit : “ L’entente, dans son sens authentique c’est, à partir d’une nécessité réciproque, le courage souverain de reconnaître ce que l’autre a de propre. Une entente historialement créatrice n’est jamais un sentiment de gêne issu de la faiblesse, mais présuppose bien au contraire la fierté véritable des peuples. La fierté, qui est fondamentalement différente de la vanité, est la résolution mûrie de se maintenir à son propre rang essentiel, qui procède de la tâche que l’on s’est fixée ”.
Pour Heidegger, l’être humain est de la sorte une œuvre créatrice non-sacralisée, car créer, c’est penser différemment. Mais c’est aussi tolérer et accepter la différence. Différence est source d’innovation et de création. C’est le progrès au bout de la pensée. C’est la plume et le fusil. Héraclite fut le premier à l’avoir saisi et porté en place publique ; et il n’avait pas du tout tort notamment lorsqu’il détermina le conflit comme sens et essence de l’être. N’est-ce pas lui qui parla d’« harmonie » des contraires ? Le problème de l’Afrique c’est l’approbation de l’approche différentielle des conceptions. Ainsi toute opposition voire toute contestation est aperçue comme subversion. L’autre en face n’est jamais autrement conçu que comme négation de mon affirmation. Ce n’est plus une richesse mais un appauvrissement; ce n’est plus une totalité de la non-totalité mais absence de totalité ou de globalité. Ainsi, la création est-elle mise en mal. Or l’action n’est possible qu’avec l’autre et pour l’autre. Car l’action n’est possible qu’à deux. L’action est un ensemble des subjectivités : « Toute action est création. Création du monde, de moi-même et de l’homme. ». C’est pour cette raison que Sartre dit : « J’agis pour m’enliser dans l’autre et pour me retrouver autre dans l’autre. Naturellement je puis décider ensuite du sens que prend pour moi cet autre que je suis, à moi-même ennemi. Mais cela signifie que je suis devenu situation pour moi-même. Ainsi suis-je dans mon caractère et dans mon œuvre. ».
3. L’existententialiste-humaniste
Pour Sartre, le mot humanisme à côté de celui d’existentialisme ne serait donc pas, pour Sartre, ni un jeu de mot ni un mot de jeu, mais en revanche véritablement la consécration d’une renaissance de l’homme désormais placé au centre de l’humanité : « nous entendons par existentialisme une doctrine qui rend la vie humaine possible et qui, par ailleurs, déclare que toute vérité et toute action impliquent un milieu et une subjectivité humaine. ».
De même Sartre est convaincu que l’homme n’a pas à se réfugier dans la sagesse des nations. Ce qui signifie qu’il n’est pas là pour se poser dans des coins ou prétextes de conscience relevant de la morale humaine globale du genre « la charité bien ordonnée commence par soi-même » ou « oignez vilain il vous plaindra, poignez vilain il vous oindra ». Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Pour Sartre cette dernière fameuse expression signifie : « il ne faut pas lutter contre les pouvoirs établis, il ne faut pas lutter contre la force, il ne faut pas entreprendre au-dessus de sa condition, toute action qui ne s’insère pas dans une tradition est un romantisme, toute tentative qui ne s’appuie pas sur une expérience éprouvée est vouée à l’échec ; et l’expérience montre que les hommes vont toujours vers le bas, qu’il faut des corps solides pour les tenir, sinon c’est l’anarchie. ». C’est une telle tradition, se dit Sartre, qu’il faut condamner ou récuser ou d’accuser de pessimiste et non l’existentialisme qui est, en fait selon lui, une doctrine très optimiste.
L’existentialisme n’est pas quiétisme. Car c’est le pire de la vie d’un être humain. Puisque, donc, les choses seront telles que l’homme aura décidé qu’elles soient, cela signifie-t-il qu’il faut, interroge Sartre, se désengager de toute participation à l’activité politique ou à autre activité susceptible d’émanciper la communauté ? Autrement dit, faut-il s’abandonner au quiétisme ? Evidemment la réponse est non car, pour Sartre, il vaut mieux s’engager d’abord et puis agir ensuite selon la vieille formule « il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre ». Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas appartenir à un parti, mais qu’il faut être sans illusion et faire ce qu’on peut faire. A la question y aura-t-il « l’eschatologie du samedi soir », la réponse est incertaine car on en sait rien, on sait seulement que tout ce qui sera en son pouvoir pour la faire arriver, il faut le faire, en dehors de cela, il ne faut compter sur rien.
En cela, interroge de nouveau Sartre, l’existentialisme favoriserait-il le quiétisme ? La réponse, pour Sartre, est doublement négative dans la mesure où « Le quiétisme c’est l’attitude des gens qui disent : les autres peuvent faire ce que je ne peux pas faire. La doctrine que je vous présente (c’est Sartre qui parle) est justement à l’opposé du quiétisme, puisqu’elle déclare : il n’y a de réalité que dans l’action ; elle va plus loin d’ailleurs puisqu’elle ajoute : l’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie. ».
Pour Sartre, l’existentialisme n’incite pas à regretter sa vie passée, c’est-à-dire ce qu’on aurait pu ou du accomplir, par exemple : « Les circonstances ont été contre moi, je valais beaucoup mieux que ce que j’ai été ; bien sûr, je n’ai pas eu de grand amour, ou de grande amitié, mais c’est parce que je n’ai pas rencontré un homme ou une femme qui en fussent dignes, je n’ai pas écrit de très bons livres, c’est parce que je n’ai pas eu de loisirs pour le faire, je n’ai pas eu d’enfants à qui me dévouer, c’est parce que je n’ai pas trouvé l’homme avec lequel j’aurais pu faire ma vie. Sont restées donc, chez moi, inemployées, et entièrement viables une foule de dispositions, d’inclinations, de possibilités qui me donnent une valeur que la simple série de mes actes ne permet pas d’inférer. ».
Voilà des remords ou des regrets, dit Sartre, qui n’intéressent guère l’existentialiste pour qui « le véritable amour est celui qui se construit »; qu’il n’y a pas de possibilité d’amour autre que celle qui se manifeste dans un amour; qu’il n’y a pas de génie autre que celui qui s’exprime dans des œuvres d’art : le génie de Proust c’est la totalité des œuvres de Proust ; le génie de Racine c’est la série de ses tragédies, en dehors de cela il n’y a rien, pourquoi attribuer à Racine la possibilité d’écrire une nouvelle tragédie, puisque précisément il ne l’a pas écrite ?
Un homme s’engage dans sa vie, poursuit Sartre, dessine sa figure, et en dehors de cette figure il n’y a rien.
Les conséquences d’une telle doctrine – l’existentialisme justement – peuvent paraître complètement négatives à l’égard de quelqu’un qui n’a pas réussi sa vie. En revanche, son plus grand avantage, dit Sartre, c’est qu’« elle dispose les gens à comprendre que seule compte la réalité, que les rêves, les attentes, les espoirs permettent seulement de définir un homme comme rêve déçu, comme espoirs avortés, comme attentes inutiles ; c’est-à-dire que ça les définit en négatif et non en positif ; cependant quand on dit « tu n’es rien d’autre que ta vie », cela n’implique pas que l’artiste sera jugé uniquement d’après ses œuvres d’art ; mille autres choses contribuent également à le définir. Ce que nous voulons dire, c’est qu’un homme n’est rien d’autre qu’une série d’entreprises, qu’il est la somme, l’organisation, l’ensemble des relations qui constituent ces entreprises».
Pour Sartre, l’homme n’est rien d’autre que sa vie. Autrement dit, il est comme il a vécu. Pour Sartre, cette façon de voir le vécu humain n’est pas du tout pessimiste mais au contraire ce qu’il appelle « dureté optimiste ». Donnons-lui la parole : « Les autres nous reprochent nos œuvres romanesques dans lesquelles nous décrivons des êtres veules, faibles, lâches et quelquefois même franchement mauvais, ce n’est pas uniquement parce que ces êtres sont veules, faibles, lâches ou mauvais : car si, comme Zola, nous déclarions qu’ils sont ainsi à cause de l’action du milieu, de la société, à cause d’un déterminisme organique ou psychologique, les gens seraient rassurés, ils diraient : voilà, nous sommes comme ça, personne ne peut rien y faire ; mais l’existentialiste, lorsqu’il décrit un lâche, dit que ce lâche est responsable de sa lâcheté ».
POUR CONCLURE SANS CONCLURE
Il n’y a de philosophie que par et pour un peuple. La vérité philosophique est plurielle, imprévisible, multiple, et donc circonstancielle ; elle n’est pas définitive, parce qu’au lieu d’être linéaire, elle est foncièrement dialectique, c’est-à-dire discontinue. La philosophie procède par avance et recule, par bons et bondissements, par continuités et discontinuités, par petits pas et grands pas … Il en va de son contenu « révolutionnaire » (j’entends par révolutionnaire plutôt quelque chose qui est sans cesse en mouvement). Voilà pourquoi il n’est plus ni possible, ni simplement décent d’introduire à la philosophie comme au IVème siècle, au Moyen-âge, au XVIIème siècle, au XVIII siècle, au XIXème siècle, ou encore au XXème siècle. Pourquoi ? Parce qu’autant il n’y a pas de problèmes éternels dont s’occupe un homme, autant concevoir une philosophie éternelle n’est pas qu’une aberration, mais aussi une folie de grandeur.
Bien sûr, le but ici ne consiste pas à prêcher la rupture ou à en faire le culte. Car, s’il y a une différence d’honorabilité entre la philosophie et le reste de disciplines scientifiques, c’est sa spécificité dialectique y consistant dans une marche dialectique où le passé est tout autant important que le présent et le futur. Pour le dire clairement, le philosophe n’est philosophe que dans sa capacité à lier les trois extases constitutives du Dasein heideggérien : avenir, passé, présent. Ceci précisé, introduire à la philosophie, à mon avis, c’est tout autant faire l’inventaire du passé, du présent, mais également du futur même encore à prospecter. Le plus important ne se limiterait pas nécessairement dans un tel inventaire (telle est ma thèse), mais dans l’actualisation d’un tel inventaire, dont l’intérêt y consistera à déterminer et à préciser les questions existentiales des hommes du moment, ceux du XXIème siècle par exemple : le phénomène du « mariage pour tous » liés à l’homosexualité, à la transsexualité, à la polyandrie, le clonage humain et animal, les dons et/ou trafics d’organes humains, les pratiques d’euthanasie, d’eugénisme, de génocides, etc.
Pour y arriver, la philosophie, toute philosophie comme telle, n’a d’autre meilleure alternative que comprendre et interpréter son espace-temps. Le philosophe est, donc, l’herméneute de son époque. Il dit ce qui se passe, se fait, se dit, se raconte, se récite. C’est le parolier de son époque. Le porte-parole de son passé, de son présent et de son futur.
Un passé peut être vécu, raconté, récité, mais sans que le philosophe s’y éternise, sinon il ne fait plus la philosophie, mais autre chose, que je ne nommerai point pour ne pas réveiller les passions tueuses. Il n’en reste pas moins vrai que pour comprendre le futur et le présent, un philosophe doit se saisir de son passé, non pas pour l’affronter, mais pour l’actualiser, l’humaniser, l’universaliser. Si le philosophe est un homme du passé, c’est à cette SEULE et UNIQUE condition. Sa tâche consiste à réconcilier l’homme avec les questions de son temps, qui l’accablent, le régissent, l’orientent. La philosophie n’a d’autre issue que sociale. C’est sa SEULE fonction. Ainsi, d’une telle fonction sociale à sa capacité thérapeutique consistant dans la philosophie comme médicament de son espace-temps qui l’a produite, il n’y en a qu’un pas à franchir.
Clairement, je veux dire qu’il n’y a de philosophie que salvatrice, mieux, apte à résoudre les problèmes et répondre aux questions de son époque, et non pour entretenir des rêveries ou vendre des illusions.
Le philosophe ne fait pas rêver. Non ! Il n’a pour tâche ni de faire rire, ni de faire rêver, mais au contraire de faire réfléchir, penser, rendre volontaire, libre, responsable. Le philosophe dit ce qu’on doit faire. Mais pas seulement comment doit-on faire ce faire-fait à faire, dont par exemple comment être libre, comment vouloir la volonté du vouloir-vouloir, comment devenir juste, etc. ? Le philosophe n’est pas normalement un homme qui porte la cravate. Car, il est de part en part un charcutier du penser et du faire. Il est sans répit, sans distraction. Sa seule vie est celle de penser, de dire et de faire. « Quand dire, c’est faire, s’écriait Austin » ! avec raison, bien sûr ! Le philosophe est celui qui met la main à la pâte pour faire avancer la société dans laquelle il vit, il existe, il exerce. Les présocratiques, les socratiques grecs pour ne parler que d’eux furent à la fois théoriciens et acteurs, c’est-à-dire penseurs et acteurs.
Heidegger n’eut pas tort de dire, en dépit des critiques qui lui fut faites par ses détracteurs, qu’il voyait « une mission sociale de la philosophie », mais à l’unique condition de tout d’abord se demander « qu’est-ce que la société ? », et songer au fait que la société d’aujourd’hui n’est que l’absolutisation de la subjectivité moderne, et qu’à partir de là, une philosophie qui a dépassé le point de vue de la subjectivité n’a pas du tout le droit de s’exprimer dans le même ton. Quant à savoir jusqu’à quel point on peut vraiment parler d’une transformation de la société, c’est une autre question. La question de l’exigence de la transformation du monde nous ramène à une phrase très citée des Thèses sur Feuerbach de Karl Marx.
Je voudrais la citer exactement et la lire : « Les philosophes ont seulement interprété le monde de différentes manières; il s’agit de le transformer. ». En citant cette phrase et en l’appliquant, on perd de vue qu’une transformation du monde présuppose un changement de la représentation du monde et qu’une représentation du monde ne peut être obtenue qu’au moyen d’une interprétation suffisante du monde. Cela signifie que Marx se fonde sur une interprétation bien déterminée du monde pour exiger sa « transformation » et cela démontre que cette phrase est une phrase non fondée. Elle donne l’impression d’être prononcée résolument contre la philosophie, alors que dans la deuxième partie de la phrase l’exigence d’une philosophie est même, tacitement, présupposée.
Il est entendu que Martin Heidegger ne sacrifia pas la condition humaine, l’être de l’homme en société et en tant que personne au profit d’aucune spéculation ontologique ou métaphysique. Une critique que l’intéressé lui-même jugea comme un grand malentendu ! Car, la question de l’Être et le développement de cette question présupposent même une interprétation de l’être-là, c’est-à-dire une détermination de l’essence de l’homme. Et l’idée qui est à la base de ma pensée est précisément que l’Être ou le pouvoir de manifestation de l’Être a besoin de l’homme et que, vice-versa, l’homme est homme uniquement dans la mesure où il est dans la manifesteté (Offenbarkeit) de l’Être. Par-là devrait être réglée la question de savoir dans quelle mesure je ne m’occupe que de l’Être en oubliant l’homme. On ne peut pas poser la question de l’Être sans poser celle de l’essence de l’homme.
Après tout, est-il normal d’être philosophe, de philosopher et ne pas se demander à quoi on sert vraiment ? Alors qu’« en philosophie plus qu’en d’autres domaines, affirment les professeurs Ngindu Mushete et Mutuza Kabe, notre dépendance du passé pèse de tout son poids sur notre réflexion. La pensée philosophique, en effet, comme tout ce qui est de l’homme, s’est développée dans le temps. Les philosophes ne sortent pas de terre comme des champignons. Ils sont fruits de leur peuple. La philosophie n’est pas extérieure au monde. Elle est solidaire du temps et apporte la vérité du temps. C’est à partir donc de la vie des hommes de son temps que le philosophe doit élaborer son système.
Dans ce contexte, poursuivent Ngindu Mushete et Mutuza Kabe, la culture conçue comme un héritage socio-historique est un ensemble d’expressions humaines permettant à des sujets séparés par le temps et l’espace, d’apprendre les uns des autres, de s’enrichir mutuellement, de retenir le passé et de le livrer, enrichi et transformé, aux générations qui les suivent. Cet ensemble de réactions par lesquelles la nature se trouve transformée en un milieu humain, en une demeure qui porte l’empreinte de l’homme, dans laquelle il se reconnaît parce que s’y trouvant reflété, c’est le monde des valeurs. ». De telle sorte que « Ce monde de la culture et des valeurs ne peut être compris et interprété valablement que par ceux qui observent et vivent de l’intérieur ces valeurs. Ceux qui étudient de l’extérieur la culture d’un autre peuple, ne peuvent juger ce dernier que par rapport à leur propre culture, à leurs propres valeurs. Ils sont donc par conséquent exposés au jugement ethnocentrique. ».

C’est ainsi que l’histoire n’est plus seulement, comme le maître m’avait enseigné au primaire, le récit des événements passés, mais celle dans laquelle et au travers de laquelle un peuple écrit sa mémoire collective, s’approprie sa culture en tant que création, production, invention, transformation. C’est pourquoi O. Spengler considère l’événement humain, dans l’histoire du monde, comme un jeu bref, une courte scène dans un long drame qui a commencé alors que la terre n’existait pas, et se terminera lorsque tout le reste d’elle aura depuis longtemps disparu ».
De telle sorte qu’« Un orage, un tremblement de terre, une coulée de lave qui détruisent la vie au hasard sont parents des événements de l’histoire, élémentaires et désordonnés. Et lors même que des peuples périssent et que les villes anciennes de cultures vieillies flambent ou tombent en ruine, la terre n’en continue pas moins de tourner paisiblement autour du soleil et les étoiles poursuivent leur course ». Il n’existe pas de plan en histoire. Pas un but précis fixé par on ne sait quel créateur du monde. Tout est là comme par hasard. O. Spengler écrit « L’« humanité » n’a ni but, ni idée, ni plan, pas plus que le genre des papillons ou des orchidées n’a de but. L’« humanité » est une notion zoologique ou un mot vide de sens. Qu’on fasse disparaître ce fantôme du cercle des problèmes des formes historiques, et l’on verra émerger une abondance surprenante de formes réelles » A peu près comme dirait Héraclite tout passe, tout coule et rien ne demeure, et à l’infini. « L’histoire – spectacle sublime, sans but, tragique par son enchaînement intime de vie et d’esprit. Un autre mode de vue ne semble pas digne de ce Tout ».
On ne nous sert pas l’histoire sur un plateau d’or, elle est toujours à élaborer, à écrire et à faire sans cesse : « L’histoire signifie que quelque chose arrive, devient autre qu’il n’était : cela veut dire que la contradiction et la résistance se manifestent, demandent à être vaincues et agissent à nouveau. L’histoire est donc lutte, peu importe entre quelles forces. Là où n’est pas la résistance, il ne se passe rien ». Car « La dure nécessité de la guerre dresse des hommes. C’est grâce à des peuples et contre des peuples que des peuples atteignent leur stature de grandeur intérieure ».
On doit se battre. Rien n’est donné. Tout est à prendre, à arracher, la plupart de temps au sacrifice de notre vie. Il ne faut pas attendre. Il n’y a pas de cadeau. Le comprendre, c’est être historien de son histoire d’abord et celle des autres ensuite. Ainsi « Que l’on tienne pour « sens » et « but » de l’histoire le progrès, la technique, la « liberté », le « bonheur du nombre », ou bien l’épanouissement de l’art, de la littérature et de la pensée, cela n’a guère d’importance. Dans un cas comme dans l’autre, on n’a pas perçu que le destin, en histoire, dépend des forces tout autres et plus robustes. L’histoire des hommes est la guerre de la guerre ». Avant d’ajouter : « Celui qui ne vit pas l’histoire telle qu’elle est, c’est-à-dire tragique, secouée par le vent du destin, donc, aux yeux des idolâtres de l’utilité, absurde, sans but ni morale – celui-là n’est pas non plus capable de faire l’histoire … La vie de l’individu n’est importante pour nul autre que lui-même : qu’il veuille fuir hors de l’histoire, qu’il veuille lui sacrifier, c’est cela seulement qui importe ».
En revenant sur la « crise de la culture » énoncée par la philosophe Hannah Arendt et la révolution culturelle prônée par Mao, je crois avoir touché du doigt le point d’origine du vagabondage culturel, historique, traditionnel et civilisationnel de l’homme subsaharien noir. L’université Saint Augustin de Kinshasa (au travers la charge horaire que ses responsables pères recteurs Denis et Faustin, secrétaires généraux académiques pères Michel, Christian et Godefroid ont bien voulu généreusement m’imputer), m’a donné l’occasion de théoriser trois genres de réflexion sur l’homme noir comme « être-histoire » (philosophie de l’histoire), « être-homme » (anthropologie philosophique) et « être-culture » (philosophie de la culture). Ceci me donne un avantage certain sur cette dénonciation dudit vagabondage culturel de l’homme africain noir.
Dans le même ordre d’idées il me revient à dire que si ce que j’ai dit ici ou ailleurs ne suffit pas, je m’apprête à donner un exemple récent qui le justifie amplement.
Mon projet culturel consiste depuis le début jusqu’à ici maintenant à montrer que l’assimilation, l’acculturation, la post-colonisation de l’homme subsaharien noir à l’« occidentalisme » et au « mondialisme » inventés par l’homme euro-occidental ne sont plus forcés, mais au contraire librement choisis et volontairement assumés.
D’où, il faut arrêter de tout jeter sur l’homme euro-occidental. En effet si Dieu a doté chaque créature du libre-arbitre, de la volonté et de la capacité de décision, alors ce qui lui arrive aujourd’hui est de sa propre responsabilité. Alors assez tourner autour du pot, m’objectera-t-on, il faut y aller à l’essentiel et c’est vrai. La dernière ânerie du moment est l’indexation des connaissances et savoirs produits dans ou par les revues africaines aux normes des revues occidentales ! La question évidemment que tout esprit sensé est en droit de se poser est de savoir depuis quand l’imprévisibilité d’un savoir ou d’une connaissance dépend-t-elle des normes d’une revue ou d’une maison d’édition, fût-elle occidentaliste ? Depuis quand la valeur d’une pensée, d’une réflexion est déterminée par un éditeur ou par les normes de sa maison ? Je n’ai pas de réponse, d’autres plus sensés et sans doute plus consensuels que moi répondront.
Mais, en attendant, je constate qu’en Afrique le ridicule ne tue jamais. Encore une fois, on le voit, on est au 21è Siècle, ce n’est pas l’homme euro-occidental qui lui met les barrières dans les roues mais lui-même. L’autre question et non de moindre est de savoir si l’on devrait revenir sur toutes les publications antérieures à l’indexation ou comment pour pouvoir juger de leur recevabilité ? Devra-t-on annuler les promotions liées à l’ensemble relatif au processus ayant conduit à ces nominations ? Plus que jamais la confusion dénoncée par H. Arendt entre culture comme nature, agriculture, gout et art saute aux yeux. Car l’homme africain continue constamment à penser que ce qu’on appelle culture signifie avoir un esprit cultivé ou d’être cultivé alors qu’il n’en est rien. D’où, son fourvoiement et son égarement culturels sans mesure. Vu de la sorte, l’homme africain demeure ainsi un complexé culturel infâme et pitoyable sans fin.
Pourtant, dans le domaine de la recherche il y a ce qu’on appelle l’imprévisibilité, je viens de le rappeler il y a un moment, nul en effet n’est en mesure de prévoir son avenir et son destin. Ainsi ce n’est pas parce qu’une thèse doctorale, hormis effectivement les garanties financières et matérielles, est élaborée en Europe, en Amérique aux USA ou au Canada que la vérité qu’elle prétend apporter est incontestable (au mépris donc du seul principe de falsifiabilité de Karl Popper sur la distinction entre une théorie scientifique de celle qui ne l’est pas). Heidegger est considéré non seulement comme le plus grand penseur de sa génération mais également canonisé comme le plus important philosophe du XXe siècle. Ce qui ne signifie nullement peu de choses. En France les éditions Gallimard de Paris ont pris l’exclusivité de la traduction française de ses œuvres. Gallimard a choisi les traducteurs francophones qu’il croyait les meilleurs et donc incontournables : De Waelhens et surtout François Vezin. Sauf que la traduction aujourd’hui la plus respectée et recommandée est celle offerte par Emmanuel Martineau qui l’a produite et élaborée en compte d’auteur et distribuée mains en mains sous le manteau ! C’est la preuve que la recherche n’est pas prévisible.
Ce n’est pas parce qu’on est affublé du statut de traducteur officiel qu’on approche l’essentiel. Me faut-il répéter combien de fois pour qu’on comprenne en Afrique subsaharienne la nécessité de voler de ses propres ailes, d’arrêter de singer l’Occident, de soumettre son savoir à la délibération et l’aval de l’homme euro-occidental, qui du reste ne lui demande rien ? Cette déclaration de K. Jaspers qui me laisse en même temps perplexe qu’ébahi dit des choses intéressantes sur le complexe irréversible de l’homme subsaharien à l’égard de l’Occident : « La figure du Christ ne saurait être ni universelle ni centrale de l’histoire de l’humanité. L’histoire universelle ne serait pas ainsi sacrée, mais au contraire profane : « Un axe de l’histoire, à supposer qu’il existe, ne pourrait être trouvé que dans l’histoire profane, et là empiriquement, en tant que fait valable comme tel pour tous les hommes, y compris les chrétiens. Il devrait s’imposer pour l’Occident et pour l’Asie, à tous les hommes, sans l’intervention d’une norme issue de tel ou tel credo particulier. On aurait ainsi trouvé pour tous les peuples un cadre commun permettant à chacun de mieux comprendre sa réalité historique. Or cet axe de l’histoire nous paraît se situer dans le développement spirituel qui a eu lieu entre 800 et 200 avant Jésus-Christ. C’est alors qu’à surgi l’homme avec lequel nous vivons encore aujourd’hui. Appelons brièvement cette époque « la période axiale ».
Ainsi puisqu’on ne me comprend pas et pour permettre aux Africains de se remettre la tête à l’endroit, je suis allé chercher un bouquet très intéressant publié pratiquement dans une édition inconnue du grand public se nommant Gricha and his kittens, qui n’est donc ni Gallimard, ni Fayard, ni encore moins Le Monde ou Le Point. On lira, donc, comment dans « Le dieu mortel. Une invitation à la philosophie », Grégoire Celier un occidental pure sucre s’indigne en indiquant comment la société moderne incarnée par l’Occident a dilapidé l’héritage de la civilisation ; comment ce que nous pourrions appeler « le terreau culturel », indispensable pour la germination d’une vie humaine normale, à fortiori pour celle de la philosophie, n’ayant plus été renouvelé durant des siècles, s’est appauvri progressivement et achève de disparaître ; comment nous vivons maintenant dans un désert de poussière où le blé de la pensée meurt de sécheresse presqu’aussitôt germé. Ce désert avance chaque jour davantage, surtout avec le vent brûlant des passions qui, ne trouvant plus d’obstacle en raison de destruction des « barrières », ravage et détruit tout.
Mais également comment aussi ce que nous sommes en train de vivre, c’est une nouvelle barbarie ; comment nos ancêtres (les siens) ont vu déferler, à la fin de l’Empire romain, les invasions barbares qui ont ruiné la civilisation latine ; comment nous voyons sous nos yeux (les siens) s’effondrer la civilisation occidentale sous les coups des nouveaux barbares, les barbares de l’intérieur. Même si, se reprend-t-il, nous voir ravalés (eux les blancs), certes, au rang des barbares est difficile à admettre, gonflés que nous sommes de nos réussites technologiques. Même si, précise-t-il de nouveau, n’oublions pas (lui et ceux qui lui ressemblent), cependant, que les Gots ou les Huns étaient fiers de leur force guerrière, ce qui ne les empêchait pas d’être des barbares. Le fait d’avoir inventé la bombe atomique ou l’ordinateur n’est nullement un obstacle à la barbarie spirituelle tout, et j’ajoute morale, psychologique, politique, économique, sociale, culturelle, biologique, etc.
Il ne s’agit pas de celui qui n’a pas connu la civilisation. Celui-là, on le nommera plutôt un « primitif ». Il s’agit de celui qui a connu la civilisation mais qui s’est trouvé incapable de s’y intégrer. Lorsque les Wisigoths sont arrivés à ses frontières, l’Empire romain existait politiquement, juridiquement, littérairement, artistiquement, mais ils ont été incapables de se mouler dans ce cadre, parce qu’il y avait un hiatus trop grand entre eux et la culture romaine tout.
Pourquoi cette impossibilité à assumer l’héritage ? Parce que la civilisation est une lente et progressive élévation de l’être humain, par l’effort successif et constant des générations. On ne devient un civilisé ni en un seul jour, ni en une seule vie. Ce qui fait un civilisé, c’est qu’il hérite de nombreuses générations précédentes qui lui ont légué le meilleur d’elles-mêmes ….
Si un « primitif », un homme qui n’a pas connu de véritable civilisation, entre dans la culture française, deux solutions sont possibles : ou bien il reconnaît son infériorité et accepte de se laisser former par cette culture, de se laisser modeler par elle et alors, progressivement, lui et surtout ses descendants deviendront à leur tour civilisés ; ou bien il ne reconnaît pas son infériorité et fait irruption avec arrogance dans la civilisation mais, incapable de la comprendre et de l’assumer, il devient en son sein un barbare.
Le barbare est donc un homme inférieur à la civilisation dans laquelle il pénètre. L’homme moderne est un barbare moral, revêtu des oripeaux de la civilisation technologique, comme le roi vandale se pavanait dans la pourpre d’une civilisation moribonde tout.
Quant à la nouvelle barbarie, elle est causée par ce qui est la source de toutes les barbaries, par une rupture de la transmission, opérée principalement par cette destruction des barrières protectrices, cette négligence à renouveler le sol nourricier de l’intelligence et cette exploitation abusive des ressources humaines.
La barbarie historique nous montre des hommes naturellement intelligents, appartenant visiblement à l’élite, qui restèrent pourtant inaptes à comprendre ce que le moins civilisé perçoit sans difficulté. On est étonné de trouver chez les meilleurs barbares une grossièreté intellectuelle de chaque instant. Nous le revivons aujourd’hui : nous rencontrons tous les jours des gens instruits savants dans leur spécialité, mais par ailleurs d’une grossièreté intellectuelle inimaginable.
La civilisation ne surgit pas du néant : elle représente une élévation progressive de l’humanité, grâce à une transmission ininterrompue des richesses de l’esprit humain. Platon, Aristote ou saint Augustin, l’Art roman ou Michel-Ange, Molière, Racine, Palestrina ou Bach ne peuvent germer et venir au jour que dans un sol fertilisé par l’effort des générations successives.
Le génie n’est pas la simple résultante des efforts des générations antérieures, mais il ne tombe pas non plus directement du ciel. On pourrait le définir comme l’éclosion inespérée d’une individualité supérieure qui advient lorsque le sol moral est prêt à le recevoir. J’ai beaucoup aimé quelques extraits de cet ouvrage, surtout ceux relatifs à cette question-ci. Voilà pourquoi l’histoire ne peut se résumer absolument ni au seul récit des événements passés ni encore moins et uniquement à la somme des biographies, mais au contraire et surtout à une histoire consciente créatrice-productrice-inventrice écrite par des hommes seuls, chacun dans son individuelle individualité. Pour Oswald Spengler, « L’histoire universelle est l’histoire consciente : la conscience de buts, de possibilités, de moyens, le souvenir de succès et de défaites, le pressentiment ou l’espérance du bonheur, de la gloire, forme de survie personnelle parmi les personnalités – c’est tout cela qui distingue l’histoire de l’événement, le fait d’avoir une histoire du simple fait de la subir, le faire de l’histoire de simples actes instinctifs. L’histoire implique l’horizon de l’espace et du temps, des lointains, sur lequel tranchent l’activité et la passivité voulues, projetées ou passées ».
OSONGO-LUKADI A-D
NOTICE BIOGRAPHIQUE SELECTIVE
-Chrétien catholique romain, monsieur OSONGO est un ressortissant congolais de père et de mère respectivement chef coutumier et cheffe coutumière, dont il est cadet d’une famille de huit enfants dont 4 filles et quatre garçons ; il a fait ses études maternelles, primaires, secondaires respectivement à Oshing’Untu, à Lusambo, à Kananga Malandi Washinga, Tshumbe Sainte-Marie, à Kisangani.
-Monsieur OSONGO a fait ses études universitaires respectivement à l’Université de Lubumbashi pour l’obtention de sa licence en philosophie, aux Facultés Catholiques de Kinshasa (aujourd’hui Université Catholique du Congo) pour l’obtention de son Diplôme d’Etudes Supérieures, DES (aujourd’hui Diplôme d’Études approfondies, DEA), à Kreutzberg de l’Université de Bonn en Allemagne pour l’obtention du Certificat d’Aptitude en langue allemande, à l’Université Catholique de Louvain de Belgique pour l’obtention tout d’abord de sa Licence Complémentaire Préparatoire au Doctorat et de son doctorat en Philosophie et Lettres, et à l’Université de Poitiers en France pour l’obtention de son Postdoctorat, autrement dit l’Habilitation à Diriger des Recherches (dont il est le premier candidat africain subsaharien admis et reçus depuis la création de la philosophie au IVème Siècle en Grèce avant Jésus-Christ).
-Monsieur est MEMBRE de l’Association des Philosophes Américains (APA), depuis 2007
-Monsieur OSONGO a enseigné respectivement à l’Institut Supérieur du Développement Rural de Mbandaka Ekanga Ngenge Pilipili Libende, à l’Institut Cardijn (Haute Ecole Catholique de Formation Sociale/Université Catholique de Louvain de Belgique, à l’Institut de l’ENFANT-JESUS de Nivelles en Belgique, à l’Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe, à l’Université Catholique du Congo, à l’Université Saint Augustin de Kinshasa ; a été NOMME à l’Université de Bangui et à l’Université Kazavubu (UKAV) de Boma, deux institutions universitaires qu’il n’a jamais rejoint pour raisons personnelles.
-Monsieur OSONGO a occupé plusieurs postes décanales respectivement Assistant du Secrétaire Général Académique de l’ISDR-Mbandaka, DIRCAB du Directeur Général de l’ISDR-Mbandaka, Chef de Section de l’ISDR-Mbandaka ; Secrétaire Scientifique et puis administratif du Centre des Recherches Scientifiques de l’ISP-GOMBE, Chef de Section d’Assurance Qualité de l’ISP-GOMBE, Chef de Section de la Bibliothèque Centrale de l’ISP-GOMBE
-Monsieur OSONGO au plan politique, a été membre du Front Patriotique (FP) dont Me KINKELA VIS KANSY d’heureuse mémoire était Président et où il y a nommé respectivement Secrétaire politique chargé des questions d’études et idéologiques et Représentant extérieur du FP au BENELUX (Belgique-Nederland-Luxembourg), à l’entrée de l’AFDL et l’intronisation du grand Camarade Mzee Laurent-Désiré KABILA, le FP a compté, au regard de sa lutte et son assiduité pour le renversement du Maréchal MOBUTU, trois ministres et un PDG, approché par ses camarades du FP et par le grand un camarade et ami d’enfance via une connaissance qui a fait vingt ans de prison et récemment libéré, Monsieur OSONGO a préféré rester observateur critique, ce qui lui causa quelques embrouilles dans l’entourage du pouvoir, avant que la postérité de ses analyses lui donnent gain de cause auprès de l’acquit de droit. Monsieur OSONGO a connu à l’Université de Lubumbashi ses pires moments en tant qu’étudiant, jusqu’à y être exclu définitivement, relégué dans son village natal avec interdiction de lire et d’écrire à cause d’une grave divergence Félix Vunduawe Te Pemako sur la mobutisation universitaire qu’il ne comprenait et n’acceptait pas ; ce dernier était le recteur de l’époque, qui se voulait aussi puissant que Mobutu, qu’il appelait affectueusement « Maréchal mon grand frère ». Révolutionnaire et inspirateur du marxisme, du guévarisme, de lumumbisme et du sankarisme, Monsieur OSONGO a toujours défendu les causes qui ne sont pas les siennes au nom de son humanisme qu’il tient universaliste et praxiste.
-Monsieur OSONGO est auteur d’une vingtaine de livres, d’une centaine d’articles scientifiques, politiques et de presses, publiés dans des éditions, revues et journaux référenciés et prestigieux.
-Monsieur OSONGO se veut plutôt l’enfant de sa mère, cette femme analphabète du premier degré, car ne sachant ni lire et ni écrire, qu’il affectionne tant, car il reste très attaché, même déjà partie dans l’au-delà, en reconnaissance de l’éducation justificative et opposable qu’elle lui a donnée toute seule, après la mort de son mari, à seulement huit ans, et qui a fait de lui l’homme intègre, honnête, intelligent et savant qu’il est aujourd’hui.
-Enfin Monsieur OSONGO est père fondateur et procréateur de ses enfants tous en Belgique et nés pour régner, créer, produire, inventer, transformer, autrement dit changer le monde, parmi lesquels il y a en formation une avocate, un médecin, une psycho-logopède, un électricien dynamiste, un informaticien et politologue, et enfin la benjamine qui s’inscrit à l’université cette académique 2023-2024.
Ainsi fait à Kinshasa, le 24 août 2023

 

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