Radioscopie sommaire de l’émission Pie Tshibanda-Bob Kabamba sur la situation politico-sécuritaire à l’Est
(Par l’Ambassadeur André-Alain Atundu Liongo)
La notoriété du Prof Kabamba, son rôle dans l’élaboration de la Constitution de 2006 et l’intérêt ainsi que l’actualité ont donné un relief particulier à sa prestation. Aucun Acteur politique et Patriote ne peut rester indifférent aux propos du Prof Kabamba, en réponse aux questions de Pie Tshibanda. C’est dans ce cadre que j’interviens pour noter les observations suivantes :
- Dans ses déclarations, le Prof Kabamba semble minimiser, voire banaliser la place de l’état psychologique des populations congolaises dans l’élaboration de la Constitution.
En effet, les explications et la rationalisation de certains faits traumatisants vécus dans leurs chairs par les populations de l’Est ne peuvent éliminer dans l’âme et l’esprit des congolais les inquiétudes vis-à -vis de Kigali ni les appréhensions de balkanisation projetée par la Communauté Internationale.
En tant que Garant de la Nation, le Président Tshisekedi se doit, comme il l’a fait à Kisangani et à Lubumbashi, de rassurer l’opinion nationale en annonçant et en prenant des dispositions adéquates pour apaiser les congolais.
- Une interprétation sociologique confuse et douteuse. En établissant une équation surprenante entre le comportement des familles régnantes coutumières et le comportement de l’ethnie tutsi, le Professeur fait une regrettable confusion des genres qui ne contribue nullement à la connaissance et à la solution des rapports entre l’ethnie tutsi et les tribus environnantes au Kivu.
La réalité que vivent les populations est simple : les Autorités de Kigali instrumentalisent la présence des tutsi pour réaliser leurs visées prédatrices et hégémoniques sous le couvert d’une intervention humanitaire en faveur des tutsi du Congo qu’elles décrètent comme la seule et unique population minoritaire du Congo.
- L’argumentation selon laquelle il suffit de répliquer aux prétentions territoriales au Congo qu’à une date donnée, le Rwanda et l’Ouganda faisaient partie du Congo manque de pertinence dès lors que ce sont les Dirigeants rwandais qui sont à la base de cette psychose en RDC par le souvenir des raids contre Kitona, Kinshasa (Tshangu) et des massacres à répétition à travers leurs hommes liges notamment après leur expulsion par M’zee.
Ne dit-on pas que contre les faits, les arguments ne valent rien ! Les exemples de l’Erythrée et du Sud Soudan devraient inciter le Président Tshisekedi à plus de vigilance et d’ardeur – la balkanisation est une option qui risque de se réaliser si nous sommes distraits.
De toutes les façons, la prudence n’est pas un vice surtout au niveau des responsabilités Du Chef de l’Etat.
- L’équation établie entre Nouvelle Constitution et Coup d’Etat est aléatoire à la lumière de notre Histoire : la Constitution de Luluabourg n’a pas nécessité un coup d’Etat pour sa légitimation et celle de 1967 d’ailleurs.
Il n’est pas exact d’affirmer qu’un coup d’Etat crée un vide juridico-constitutionnel, alors que la première déclaration des auteurs des coups d’Etat, c’est de rassurer sur la continuité de l’Etat tant sur le plan interne qu’externe.
A ce propos, il conviendrait de déterminer la notion de coup d’Etat.
Du point de vue sociologique et juridique, un coup d’Etat est une interruption brusque et brutale du processus de gouvernance sous la légalité constitutionnelle ancienne ou la neutralisation par un organe dirigeant des autres organes qui participent au pouvoir de décision.
Dans tous les cas, l’adoption d’une nouvelle Constitution ne signifie ni coup d’Etat ni vide juridico-institutionnel puisqu’il y est déterminé sa date d’entrée en vigueur.
- De toute évidence, la Constitution en vigueur fait partie d’un plan de mise sous tutelle de la RDC et du Peuple congolais.
- Les propos du Prof Kabamba poussent malignement par mimétisme vers la voie de l’Union Européenne par sa lecture de l’article consacré à l’abandon de souveraineté… alors que le Rwanda mène une guerre en RDC. Etait-il pensable d’envisager l’Union Européenne lorsque l’Allemagne occupait l’Alsace ?
Dans ces circonstances, il n’est pas judicieux de condamner le Président Tshisekedi à cause de sa méfiance légitime vis-à -vis de cet article pour la protection du Territoire national.
- Pour le reste et pour l’Histoire, le Prof Kabamba ne peut que se battre bec et ongles pour sauver sa Constitution.
Bref, le mimétisme constitutionnel et le droit comparé comme motivation ultime et profonde n’est pas un argument massue qui enlève au Président Tshisekedi et aux Congolais toutes raisons à réfléchir sur l’efficacité de sa Constitution, à l’épreuve des faits pour concevoir une réponse crédible à leurs inquiétudes et à leurs aspirations concernant la République Démocratique du Congo, d’après leur génie propre.
Fait à Kinshasa, le 25 Juillet 2024
Ambassadeur André-Alain ATUNDU LIONGO
Président National de la CDR