RDC : un si triste 20 décembre…
Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020
Le pire, pour une nation, est de devoir subir un médiocre qu’elle n’a pas choisi.
« Un chaos délibérément voulu, planifié pour que Félix Tshisekedi l’emporte dans des élections frauduleuses ! » De lourdes accusations contre Denis Kadima, le président de la Commission électorale de RDC, après ce que beaucoup ont perçu, ce 20 décembre, comme un fiasco électoral. Ce « chaos », contre lequel quelques leaders mettaient en garde, ces derniers temps, aurait-il dû et pu être évité ?
D’aucuns diront que certaines personnes, dans ce pays, sont si prévisibles qu’elles se comporteront toujours de la manière que l’on sait. Pour Denis Kadima, ces élections devaient pourtant être l’occasion d’asseoir une crédibilité malmenée par les suspicions qui avaient surgi de partout, lorsque le président Tshisekedi l’avait proposé, en 2021, pour diriger cette Commission. Ceux qui décriaient alors sa candidature auront, à présent, beau jeu d’affirmer que ce chaos était voulu, pour faciliter la fraude, en faveur du sortant.
Comment les blâmer, dans un environnement politique si souvent fanatisé, où les contempteurs ne voient, dans ce 20 décembre, qu’un fiasco sans nom, tandis que les partisans du pouvoir s’évertuent à tout relativiser, envers et contre des insuffisances patentes ! Même le FCC de l’ancien président Joseph Kabila qui boycottait ces élections s’y est invité, pour exhorter la population à… se prendre en charge, au nom de l’article 64 de la Constitution, au cas où, dit-il, « leur cour Constitutionnelle ne sortirait pas la RDC de l’opprobre, en annulant purement et simplement ces scrutins ». L’on en oublierait, presque la responsabilité du même Kabila dans les choix qui ont plongé le pays dans l’opprobre en question.
Que faire maintenant que cinq candidats de l’opposition demandent une nouvelle élection avec une Céni recomposée ?
Que diraient ces cinq, si la même Céni venait à proclamer l’un d’eux vainqueur ?
Sur ce continent, où le meilleur guette si souvent le pire, nous serions tous admiratifs si, en dépit de cette désespérante organisation, les résultats, dans une transparence convaincante, proclamaient vainqueur un autre que Tshisekedi. Car, les seuls résultats dont ne doute pas l’opinion, dans certains pays d’Afrique, sont ceux qui donnent un président sortant battu. Dans ce pays de foi qu’est la RDC, la charité chrétienne recommanderait d’accorder à cette Céni le bénéfice du doute, tant qu’elle ne se sera pas définitivement compromise.
La confiance des électeurs, essentielle, pour que la victoire d’un sortant soit reconnue et admise sans heurts, est déjà en partie abîmée. Denis Kadima devait, avec des élections impeccables, ce 20 décembre, asseoir définitivement sa crédibilité. Le pari semble perdu.
D’aucuns vous rétorqueront que l’on ne voit des élections impeccables, nulle part. Surtout pas dans un pays aussi vaste…
Il arrive tout de même que l’on organise des élections parfaitement acceptables sur des territoires autrement plus vastes. Après tout, pourquoi avoir accepté cette charge, s’il ne pouvait y faire valablement face ! Le salut de l’Afrique passe aussi par l’aptitude de ses cadres à ne pas voir que les privilèges et autres sources de jouissance dans les fonctions auxquelles ils accèdent. On ne cherche pas à diriger un peuple dont on ne peut résoudre les problèmes. Il est des fonctions dans lesquelles l’on ne peut se contenter de faire de son mieux, le mieux de la médiocrité ne pouvant être guère que médiocre. Ou moyen.
Les responsabilités d’Etat impliquent de savoir faire très bien. Et l’échec guette, lorsque les limites d’un homme deviennent celles d’une entreprise, d’une institution, d’un État. Qu’un peuple se choisisse délibérément un dirigeant moyen, soit ! Il saura ne s’en prendre qu’à lui-même, si ce dernier le faisait végéter à un niveau quelconque. Mais, le pire, pour une nation, est de devoir subir un médiocre qu’elle n’a pas choisi.