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Mahagi : la plaque tournante de la fraude douanière

*La lutte contre la fraude sous toutes ses formes en République Démocratique du Congo concerne désormais tous les compatriotes congolais en ce sens qu’il convient de doter l’Etat congolais des moyens financiers nécessaires pour le développement harmonieux et intégral de notre pays.
Pour ce faire, tous les Congolais se sentent mobilisés dans cette lutte. Après le magistral coup de filet opéré dernièrement dans le Sud-Kivu, lequel coup de filet a permis l’arrestation d’un grand nombre d’agents des services publics de l’Etat affectés à nos frontières pour juguler la fraude, il vient d’être signalé malheureusement que la fraude douanière bat son plein à Mahagi, chef-lieu du territoire de Mahagi en Ituri, où tous les services de l’Etat y sont impliqués : de la DGDA à l’OCC en passant par la DGM et autres.
Au regard de ce qui se passe à Mahagi, il est indiqué que l’Etat, à travers l’Inspection Générale des Finances, devra poursuivre sans relâche la traque des agents inciviques disséminés dans tous les services de la lutte contre la fraude, ces fossoyeurs de notre économie.
Sans une répression impitoyable des agents de l’Etat qui s’adonnent à la fraude et leurs parrains, surtout de Kinshasa, la fraude dans tous les secteurs de la vie nationale, aura toujours de beaux jours devant elle.
Mahagi, c’est le Vatican de la fraude douanière dans notre pays. Cette ville frontalière de l’Ouganda se positionne comme la plaque tournante de la fraude en ce qui concerne les marchandises qui entrent et qui sortent du territoire national. Quel incivisme pour nos compatriotes qui ont eu la chance d’œuvrer dans les services étatiques placés à nos frontières !
A Mahagi, c’est connu de tout le monde, les agents de l’Etat de la Direction Provinciale des Douanes et les déclarants en douane spécialisés en produits pétroliers ont constitué une caste des malfaiteurs intouchables qui saignent à blanc le Trésor public congolais.
Spécialistes en fraude douanière, ces ennemis de la République ont mis en place un système qui leur permet de dupliquer les quantités officiellement déclarées. Autrement dit, pour un mètre cube déclaré à travers le système SYDONIA institué par la Direction Générale des Douanes moyennant 5 500 $US par camion-citerne, ces mafieux peuvent faire passer plusieurs camions-citernes hors SYDONIA. A vous de calculer le manque à gagner pour l’Etat congolais !
Malheureusement, selon nos sources généralement bien informées, les déclarants en douane locaux sont aussi encouragés dans cette entreprise criminelle par quelques bonzes de la FEC/Mahagi.
Cette longue chaîne des contrebandiers des temps modernes a été tissée dans toutes les agglomérations d’Ituri : Mahagi, Bunia, Aru, etc. Et les importateurs étrangers installés dans cette partie de la République se lèchent les babines du fait que leurs affaires prospèrent grâce à la fraude soutenue et entretenue par ces agents de l’Etat indélicats. Il est à noter que tous les importateurs et les grossistes des produits pétroliers installés en Ituri sont pratiquement tous impliqués dans cette mafia.
Une fraude savamment étudiée et planifiée
Le système de fraude douanière des produits pétroliers est savamment étudié et planifié. En effet, contrairement à la réglementation en vigueur qui exige que chaque camion-citerne ait sa propre déclaration conforme à sa cargaison et correspondante à son T1, les fraudeurs préfèrent traiter et taxer en volume les camions-citernes n’ayant aucun titre de transport y afférent.
A titre d’exemple, un camion-citerne transporte généralement 30 mètres cube de mazout ou 35 mètres cube d’essence. Curieusement, des déclarations de 1 000 mètres cube ou plus sont établies pour un seul camion-citerne enregistré. Les bordereaux de paiement bancaire en faveur des agences locales de Rawbank ou Equity-BCDC en font foi.
Normalement, la logique du système SYDONIA stipule que le T1 doit être entériné par IM4 avec un numéro d’enregistrement E suivi du numéro L de liquidation avant l’émission du numéro Q de la quittance accompagnée du Bon de sortie, lequel Bon de sortie reprend les numéros E, IM4, L et Q.
Selon la législation, le numéro E du IM4 doit être unique pour chaque Bon de sortie. Et non le contraire qui se fait chaque jour dans notre capitale de la fraude douanière.
Un autre service épinglé est l’Office Congolais de Contrôle dont les agents locaux sont aussi impliqués dans cette mafia. Il est constaté, à Mahagi, que l’agence locale de l’OCC couvre la fraude en acceptant des paiements hors guichet et non conformes à la réglementation. Ainsi, ses agents perçoivent obligatoirement 11 $US par mètre cube de chaque produit pétrolier. Incroyable mais vrai, l’agence locale de l’OCC encaisse au moins 940 $US pour un lot de 25 camions-citernes. L’OCC local n’est pas seul dans la danse. On cite également quelques agents véreux opérant dans d’autres services de l’Etat présents dans cette province.
Qu’attend l’Inspection Générale des Finances ?
A la lumière de tous ces faits graves, l’opinion locale interpelle l’Inspection Générale des Finances qui semble fermer les yeux sur la disparition des droits dus à l’Etat.
Dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, une lutte sans merci devra être déclenchée en Ituri pour arrêter cette hémorragie !
Jean Kabeya Mudiela Ndungu/CP

Mahagi : la plaque tournante de la fraude douanière
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Grogne sur le retrait immédiat de l’EAC : Félix Tshisekedi dissipe les zones d’ombres et maintient la présence de la RDC

Au cours de l'entretien qu'il a eu le vendredi 12 mai 2023, à Gaborone, Capitale du Botswana, avec la communauté congolaise y résidant, Félix-Antoine Tshisekedi, Président de la République, a écarté l'option du retrait de son pays de la Communauté de l'Afrique de l'Est. En expliquant les raisons de son désaveu à la force de la EAC, reprises dans une note provenant de la Présidence de la République, «Il a affirmé que l'adhésion de la RDC à cette communauté était la réponse à une demande pressante des congolais vivant dans la partie Est du pays où s'exercent d'intenses activités commerciales ».
Echanges frontaliers
Pour Félix Tshisekedi, la RDC a adhéré de bonne foi à l'EAC pour faciliter le commerce transfrontalier et faire bénéficier à nos compatriotes les avantages de la libre circulation des biens et personnes au sein de l'espace. « Cette décision a été mûrement réfléchie», a en substance déclaré le Chef de l’Etat qui a dit ne pas regretter cette décision au regard de la position géostratégique de notre pays situé entre deux océans.
Noble Président
«L'actuelle agression de notre pays par le Rwanda est une situation conjoncturelle créée par les dignitaires du régime actuellement au pouvoir», a affirmé le Chef de l'Etat congolais. Dans la suite de son intervention, il a déclaré « garder l'espoir » de voir un jour le Rwanda dirigé par un Président non belliqueux qui entretiendra de relations pacifiques de bon voisinage avec la RDC.
Devant ses compatriotes, il a réitéré ses observations sur la force régionale de l'EAC. Il reste optimiste sur l'engagement des FARDC et l'appui de la force militaire de la SADC pour mettre fin à l'agression rwandaise.
Inauguration
Cet échange entre le président de la république et sa diaspora de Gaborone s'est déroulé dans une effervescence particulière, après l'inauguration de la nouvelle Ambassade de la RDC à Gaborone.
Au nom de la diaspora congolaise, l'Ambassadrice Emilie Mushobekwa a salué la célérité avec laquelle le Président de la République Félix Tshisekedi a répondu favorablement à la demande lui adressée par ses compatriotes en novembre 2020. Ce poste consulaire va faciliter l'intégration des congolais basés au Botswana.
John Ngoyi

Grogne sur le retrait immédiat de l’EAC : Félix Tshisekedi dissipe les zones d’ombres et maintient la présence de la RDC
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Lors de la quatre-vingt-dix-huitième réunion du conseil des ministres IX jeux de la Francophonie : le Premier Ministre en appelle à la responsabilité du Comité de Pilotage face à la nécessité de tenir les délais

Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge a, au nom de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, présidé en visioconférence, la quatre-vingt-dix-huitième réunion du Conseil des Ministres du Gouvernement de la République, ce vendredi 12 mai 2023.
I. COMMUNICATION DU PREMIER MINISTRE
La communication du Premier Ministre, Chef du Gouvernement a porté essentiellement sur cinq (05) points, dont notamment le point 3 qui a porté sur l’organisation des IXèmes Jeux de la Francophonie de Kinshasa.
En sa qualité de superviseur des IXèmes Jeux de la Francophonie de Kinshasa, le Premier Ministre en a appelé à la responsabilité du Comité de Pilotage face à la nécessité de tenir les délais dans l’organisation de cette manifestation de haute portée sportive et culturelle.
A deux mois de la tenue des Jeux, il a, une nouvelle fois, attiré l’attention du Comité de Pilotage, particulièrement celle du Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Etrangères et Francophonie, en sa qualité du Président du Comité de Pilotage, du Ministre d’Etat, Ministre des Infrastructures et Travaux Publics, qui gère le dossier critique des infrastructures, et du Ministre des Finances, en charge du décaissement en faveur des entreprises engagées, chacun en ce qui le concerne, d’accélérer le processus d’aboutissement des objectifs leur assignés.
La réussite des IXèmes Jeux de la Francophonie de Kinshasa constitue un enjeu majeur dans la nouvelle dynamique diplomatique impulsée par le Président de la République, Chef de l’Etat.
Le Président du Comité de Pilotage a été chargé de lui faire rapport, chaque semaine, sur l’état d’avancement des préparatifs.
IKN (titre de La Prospérité)

Lors de la quatre-vingt-dix-huitième réunion du conseil des ministres IX jeux de la Francophonie : le Premier Ministre en appelle à la responsabilité du Comité de Pilotage face à la nécessité de tenir les délais
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Ecrire le récit du destin collectif de l’Afrique à travers la Zlecaf : est-ce possible ?

(Chronique de Christian Gambotti)

 

 

Agrégé de l’Université – Président du Think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) - Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
La ZLECAF, Zone de Libre-Echange Continentale Africaine, est un projet lancé par l’Union Africaine (UA) en janvier 2012, signé à Kigali, au Rwanda, le 21 mars 2018, par 44 Etats, lors du Sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA) et entré en vigueur le 1er janvier 2021. Ce projet vise à créer un grand marché unique, le plus grand du monde notamment, en supprimant les droits de douane entre les 55 Etats africains sur 90 % des biens que le continent produit et en garantissant la libre circulation des personnes. La force de l’Union Africaine est d’anticiper en écrivant, depuis toujours, le récit du destin collectif de l’Afrique. La ZLECAL est l’un des chapitres de ce destin collectif. Cette Zone de Libre Echange continentale est indispensable pour accélérer et consolider le développement de l’Afrique et construire sur tout le continent une « paix africaine ».
Quelle est la difficulté ? L’Afrique n’existe pas, mais il existe 55 Etats souverains qui font des choix idéologiques différents et qui ont des intérêts divergents, des priorités nationales et des urgences qui leur sont propres. Dans le contexte actuel qui voit se profiler un affrontement entre l’Occident collectif et le Sud pluriel depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Etats africains ne se tournent pas vers les mêmes « amis ».
L’Erythrée, l’un des pays les plus fermés au monde, et le Mali, dont les liens avec Moscou se sont renforcés, ont voté, le 23 février 2023, lors de l’Assemblée général de l’ONU, contre la résolution condamnant la Russie. De nombreux pays africains se sont abstenus. S’ils ne soutiennent pas la Russie, ces pays cherchent à se maintenir sur la ligne de crête du Mouvement des pays non-alignés : le Sénégal, l’Ethiopie, la République centrafricaine, le Soudan, la République Démocratique du Congo, l’Ouganda, le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud. Beaucoup de ces pays dépendent du soutien militaire du Kremlin. L’arithmétique géopolitique peut se résumer ainsi : sur 193 Etats membres de l’ONU, 141 pays ont voté pour la résolution condamnant la Russie, 7 (Russie, Bélarus, Syrie, Corée du Nord, Mali, Erythrée (1) et Nicaragua) ont voté contre, 32 se sont abstenus ; mais, si l’on regarde de près, c’est la moitié de l’humanité qui s’est abstenue, dont la Chine et l’Inde.
La mise en œuvre de la ZLECAF peut-elle être retardée dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles ? Des causes endogènes, car elles prennent naissance à l’intérieur même de l’Afrique, constituent des obstacles plus difficiles à surmonter. Ces causes endogènes concernent la sécurité en Afrique. Quel est le pont commun entre le Soudan, l’Ethiopie, le Nigeria, la République Centrafricaine, le Mali, le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, la RDC, le Sénégal, le Soudan du Sud, le Cameroun, le Mozambique ? Et la liste pourrait s’allonger. Tous ces pays voient, soit des forces gouvernementales qui affrontent des milices armées ou des mouvements séparatistes, soit des forces gouvernementales qui combattent, depuis des années, sans parvenir à les vaincre, des groupes terroristes djihadistes. Les forces gouvernementales maliennes combattent dans le nord du pays à la fois des groupes terroristes armés et des mouvements séparatistes. Comment faire fonctionner la ZLECAF dans la bande sahélienne ?
La Banque Mondiale et le FMI en soutien de la ZLECAF
Le commerce intra-africain ne représente que 15 % des échanges totaux du continent, ce qui est un non-sens économique, social et humain, mais aussi politique. Les échanges intra-Union Européenne représentent, selon les pays, entre 55 % et 84 % des échanges totaux du continent. La mise en place de la ZLECAf pourrait permettre une hausse de plus de 50 % des échanges commerciaux entre les pays du continent. La volonté politique existe au sein de l’Union Africaine pour réaliser la ZLECAF. Mais, un appui financier est nécessaire ; or, les flux financiers vers l’Afrique se sont considérablement réduits depuis trois ans. Les prises de position de la Banque Mondiale et du FMI constituent, pour l’Union Africaine, une bonne nouvelle : le groupe de la Banque Mondiale et le FMI se portent en soutien de cette zone de libre-échange continentale. Plusieurs raisons à cela : d’abord, la Banque mondiale a indiqué que la ZLECAF représente une formidable opportunité pour stimuler la croissance, créer des emplois et augmenter les revenus ; ensuite, la ZLECAF est un formidable outil pour lutter contre la pauvreté. ; enfin, ce grand marché unique continental est un facteur de stabilité politique. Dès sa mise en œuvre, la ZLECAF pourrait accroître le revenu continental de 450 milliards de dollars, soit 7 %. ; les femmes pourraient mieux intégrer l’économie formelle et bénéficier d’une meilleure rémunération ; 30 millions de personnes pourraient sortir de l'extrême précarité d’ici 2035. Il est donc urgent d'élargir l'inclusion économique à l’échelle du continent, afin de corriger plus rapidement et efficacement les conséquences économiques désastreuses de la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine. Les effets négatifs de ce contexte compliqué depuis 2019, avec des crises successives, sont largement documentés : ralentissement des échanges commerciaux, inflation, perturbations dans la fourniture des biens essentiels, risque de crise alimentaire et de famines, instabilité accrue, etc.
Réussir la mise en œuvre de la ZLECAf contribuerait à amortir les effets négatifs des crises successives sur la croissance économique, en soutenant le commerce régional et en permettant, grâce à la réduction du coût des échanges, la création des chaînes de valeur. Les inclusions régionales, à travers les CER (Communautés Economiques Régionales) qui existent, ont permis des avancées majeures en matière de commerce à l’intérieur d’une région, mais leur mosaïque, - il existe 8 CER -, freine la compétitivité de l’Afrique. La ZLECAf apparaît aussi comme un outil efficace dans le renforcement de la résilience de l’économie africaine face aux futures crises économiques. Pour le FMI, la ZLECAf est, incontestablement, la clé pour réduire l'impact des chocs économiques mondiaux. Dans un document intitulé « Intégration commerciale en Afrique – Libérer le potentiel du continent dans un monde en mutation », publié par le FMI, on peut lire : « Un commerce plus diversifié et plus large réduirait l'impact des perturbations sur des marchés et des produits spécifiques qui pourraient résulter de changements dans les modèles commerciaux mondiaux. » Le FMI aborde aussi la question du changement climatique : « Une plus grande ouverture commerciale aiderait les pays à s'adapter au changement climatique et à renforcer la sécurité alimentaire, notamment en améliorant la disponibilité et l'abordabilité des approvisionnements alimentaires » Pour que l’impact de la ZLECAf soit réel, il ne suffit pas de baisser les droits de douanes et faciliter la circulation des biens et des personnes. Des réformes sont nécessaires, afin d’améliorer le climat des affaires pour attirer les investissements étrangers, moderniser l’administration, libérer les initiatives, créer de nouvelles industries, favoriser l’expansion des secteurs-clefs, stimuler la concurrence et accélérer la formation du capital humain.
Maximiser les points positifs attendus de la ZLECAf constitue l’objectif que cherche à atteindre l’Union Africaine. Quels sont les risques, notamment pour les pays les plus pauvres, dès l’instant que les législations nationales s’effaceront au profit d’une libre circulation des marchandises, des personnes, des informations et des capitaux ? Pendant la période de mise en œuvre de la ZLECAf, des mécanismes de protection des économies les plus fragiles et de protection sociale pour les populations les plus pauvres et les travailleurs les plus précaires devront être imaginés et, bien sûr, financés. Or, les tensions géoéconomiques et géopolitiques actuelles se traduisent par une réduction des flux financiers vers l’Afrique.

 

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(Chronique de Christian Gambotti)

 

 

Agrégé de l’Université – Président du Think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) - Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
La ZLECAF, Zone de Libre-Echange Continentale Africaine, est un projet lancé par l’Union Africaine (UA) en janvier 2012, signé à Kigali, au Rwanda, le 21 mars 2018, par 44 Etats, lors du Sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA) et entré en vigueur le 1er janvier 2021. Ce projet vise à créer un grand marché unique, le plus grand du monde notamment, en supprimant les droits de douane entre les 55 Etats africains sur 90 % des biens que le continent produit et en garantissant la libre circulation des personnes. La force de l’Union Africaine est d’anticiper en écrivant, depuis toujours, le récit du destin collectif de l’Afrique. La ZLECAL est l’un des chapitres de ce destin collectif. Cette Zone de Libre Echange continentale est indispensable pour accélérer et consolider le développement de l’Afrique et construire sur tout le continent une « paix africaine ».
Quelle est la difficulté ? L’Afrique n’existe pas, mais il existe 55 Etats souverains qui font des choix idéologiques différents et qui ont des intérêts divergents, des priorités nationales et des urgences qui leur sont propres. Dans le contexte actuel qui voit se profiler un affrontement entre l’Occident collectif et le Sud pluriel depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Etats africains ne se tournent pas vers les mêmes « amis ».
L’Erythrée, l’un des pays les plus fermés au monde, et le Mali, dont les liens avec Moscou se sont renforcés, ont voté, le 23 février 2023, lors de l’Assemblée général de l’ONU, contre la résolution condamnant la Russie. De nombreux pays africains se sont abstenus. S’ils ne soutiennent pas la Russie, ces pays cherchent à se maintenir sur la ligne de crête du Mouvement des pays non-alignés : le Sénégal, l’Ethiopie, la République centrafricaine, le Soudan, la République Démocratique du Congo, l’Ouganda, le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud. Beaucoup de ces pays dépendent du soutien militaire du Kremlin. L’arithmétique géopolitique peut se résumer ainsi : sur 193 Etats membres de l’ONU, 141 pays ont voté pour la résolution condamnant la Russie, 7 (Russie, Bélarus, Syrie, Corée du Nord, Mali, Erythrée (1) et Nicaragua) ont voté contre, 32 se sont abstenus ; mais, si l’on regarde de près, c’est la moitié de l’humanité qui s’est abstenue, dont la Chine et l’Inde.
La mise en œuvre de la ZLECAF peut-elle être retardée dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles ? Des causes endogènes, car elles prennent naissance à l’intérieur même de l’Afrique, constituent des obstacles plus difficiles à surmonter. Ces causes endogènes concernent la sécurité en Afrique. Quel est le pont commun entre le Soudan, l’Ethiopie, le Nigeria, la République Centrafricaine, le Mali, le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, la RDC, le Sénégal, le Soudan du Sud, le Cameroun, le Mozambique ? Et la liste pourrait s’allonger. Tous ces pays voient, soit des forces gouvernementales qui affrontent des milices armées ou des mouvements séparatistes, soit des forces gouvernementales qui combattent, depuis des années, sans parvenir à les vaincre, des groupes terroristes djihadistes. Les forces gouvernementales maliennes combattent dans le nord du pays à la fois des groupes terroristes armés et des mouvements séparatistes. Comment faire fonctionner la ZLECAF dans la bande sahélienne ?
La Banque Mondiale et le FMI en soutien de la ZLECAF
Le commerce intra-africain ne représente que 15 % des échanges totaux du continent, ce qui est un non-sens économique, social et humain, mais aussi politique. Les échanges intra-Union Européenne représentent, selon les pays, entre 55 % et 84 % des échanges totaux du continent. La mise en place de la ZLECAf pourrait permettre une hausse de plus de 50 % des échanges commerciaux entre les pays du continent. La volonté politique existe au sein de l’Union Africaine pour réaliser la ZLECAF. Mais, un appui financier est nécessaire ; or, les flux financiers vers l’Afrique se sont considérablement réduits depuis trois ans. Les prises de position de la Banque Mondiale et du FMI constituent, pour l’Union Africaine, une bonne nouvelle : le groupe de la Banque Mondiale et le FMI se portent en soutien de cette zone de libre-échange continentale. Plusieurs raisons à cela : d’abord, la Banque mondiale a indiqué que la ZLECAF représente une formidable opportunité pour stimuler la croissance, créer des emplois et augmenter les revenus ; ensuite, la ZLECAF est un formidable outil pour lutter contre la pauvreté. ; enfin, ce grand marché unique continental est un facteur de stabilité politique. Dès sa mise en œuvre, la ZLECAF pourrait accroître le revenu continental de 450 milliards de dollars, soit 7 %. ; les femmes pourraient mieux intégrer l’économie formelle et bénéficier d’une meilleure rémunération ; 30 millions de personnes pourraient sortir de l'extrême précarité d’ici 2035. Il est donc urgent d'élargir l'inclusion économique à l’échelle du continent, afin de corriger plus rapidement et efficacement les conséquences économiques désastreuses de la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine. Les effets négatifs de ce contexte compliqué depuis 2019, avec des crises successives, sont largement documentés : ralentissement des échanges commerciaux, inflation, perturbations dans la fourniture des biens essentiels, risque de crise alimentaire et de famines, instabilité accrue, etc.
Réussir la mise en œuvre de la ZLECAf contribuerait à amortir les effets négatifs des crises successives sur la croissance économique, en soutenant le commerce régional et en permettant, grâce à la réduction du coût des échanges, la création des chaînes de valeur. Les inclusions régionales, à travers les CER (Communautés Economiques Régionales) qui existent, ont permis des avancées majeures en matière de commerce à l’intérieur d’une région, mais leur mosaïque, - il existe 8 CER -, freine la compétitivité de l’Afrique. La ZLECAf apparaît aussi comme un outil efficace dans le renforcement de la résilience de l’économie africaine face aux futures crises économiques. Pour le FMI, la ZLECAf est, incontestablement, la clé pour réduire l'impact des chocs économiques mondiaux. Dans un document intitulé « Intégration commerciale en Afrique – Libérer le potentiel du continent dans un monde en mutation », publié par le FMI, on peut lire : « Un commerce plus diversifié et plus large réduirait l'impact des perturbations sur des marchés et des produits spécifiques qui pourraient résulter de changements dans les modèles commerciaux mondiaux. » Le FMI aborde aussi la question du changement climatique : « Une plus grande ouverture commerciale aiderait les pays à s'adapter au changement climatique et à renforcer la sécurité alimentaire, notamment en améliorant la disponibilité et l'abordabilité des approvisionnements alimentaires » Pour que l’impact de la ZLECAf soit réel, il ne suffit pas de baisser les droits de douanes et faciliter la circulation des biens et des personnes. Des réformes sont nécessaires, afin d’améliorer le climat des affaires pour attirer les investissements étrangers, moderniser l’administration, libérer les initiatives, créer de nouvelles industries, favoriser l’expansion des secteurs-clefs, stimuler la concurrence et accélérer la formation du capital humain.
Maximiser les points positifs attendus de la ZLECAf constitue l’objectif que cherche à atteindre l’Union Africaine. Quels sont les risques, notamment pour les pays les plus pauvres, dès l’instant que les législations nationales s’effaceront au profit d’une libre circulation des marchandises, des personnes, des informations et des capitaux ? Pendant la période de mise en œuvre de la ZLECAf, des mécanismes de protection des économies les plus fragiles et de protection sociale pour les populations les plus pauvres et les travailleurs les plus précaires devront être imaginés et, bien sûr, financés. Or, les tensions géoéconomiques et géopolitiques actuelles se traduisent par une réduction des flux financiers vers l’Afrique.

 

 

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