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A propos de fêtes nationales en RD. Congo

A propos de fêtes nationales en RD. Congo

(Par Jean-Marie K. Mutamba Makombo, Professeur Emérite à l’Université de Kinshasa)

Nous avons pris connaissance de l’Ordonnance numéro 23/042 du 30 mars 2023 fixant la liste des Jours fériés légaux en République Démocratique du Congo.
Du temps colonial, nous partagions avec la Belgique les jours fériés : le 1er janvier (jour de l’An, Bwanana), Pâques (la résurrection de Jésus-Christ ) et le lundi de Pâques, le 1er mai (fête du Travail), l’Ascension (montée au ciel de Jésus-Christ célébré le 6ème jeudi après Pâques), la Pentecôte (descente du Saint-Esprit sur les Apôtres) et le lundi de la Pentecôte (7ème dimanche et lundi après Pâques), le 15 août (Assomption de la Vierge Marie), le 1er novembre (Toussaint, Fête de tous les Saints ), le 11 novembre (Armistice de la Première Guerre Mondiale), le 25 décembre (Noël, naissance de Jésus-Christ, Mbotama).
Toutefois, la fête nationale du Congo belge tombait le 1er juillet, rappelant la lettre adressée de Vivi, la première capitale, en 1885, par Sir Francis de Winton, colonel et premier administrateur général de l’Etat Indépendant du Congo à toutes les stations des missions, aux postes et maisons de commerce pour leur signifier la constitution de l’Etat Indépendant du Congo et l’avènement du roi Léopold II à la souveraineté ; la métropole célébrait sa fête nationale le 21 juillet, et la fête du Roi le 15 novembre.
On aura observé que la plupart de ces jours fériés étaient calqués sur le calendrier religieux chrétien que la France respecte aussi. Toutefois, le pays de Marianne place sa fête nationale le 14 juillet pour évoquer la prise de la Bastille et le début de la Révolution française. La France célèbre aussi le 8 mai, date-anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre Mondiale. Par contre, les vaincus de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne et le Japon, ne célèbrent pas le 8 mai ; et le 11 novembre n’est pas un jour férié en Allemagne.
Dès l’accession à l’indépendance, la R.D.Congo adopte deux jours fériés : le 4 janvier, pour honorer la mémoire de nombreux Congolais morts (47 officiellement, mais 200 à 500 vraisemblablement) tombés à Kinshasa lors de l’insurrection populaire des 4-5-6 janvier 1959 pour réclamer l’indépendance. Le 4 janvier est une date-tournant qui a contraint l’autorité coloniale à reconnaître la vocation du Congo à l’indépendance le 13 janvier 1959. Le deuxième jour férié, le 30 juin, commémore la date de l’indépendance arrachée par le Front Commun des délégués congolais à la Table Ronde politique belgo-congolaise. Cette date continue d’être célébrée, même « dans la morosité et la méditation » certaines années. Depuis le 30 juin 1960, que de désillusions les Congolais n’ont-ils pas connues ! Ce qui fait dire à certains : « Ce pays n’a pas de chance ! ». N’a-t-on pas entendu certains déclarer : « Quand se terminera cette indépendance ? », pour dire « Quand se termineront les souffrances amenées par cette indépendance ? ». D’autres ont été à la recherche de « la seconde indépendance » en menant la rébellion en 1963-1964. D’autres encore, excédés, ont déclaré à la tribune de la Conférence Nationale Souveraine (1992) : « Toteka pe mbok’ango ; tomiteka pe biso moko ! », « Vendons donc ce pays ; et vendons-nous nous-même aussi ». Et aujourd’hui les jeunes gens qui ont une vingtaine d’années interpellent leurs parents en leur demandant pourquoi ils ont réclamé l’indépendance si tôt, et n’ont pas attendu trente ans pour la préparation des dirigeants du pays. C’est une réflexion ahurissante entendue dans plusieurs campus.
Et le Maréchal Président Mobutu vint. Sous le prétexte de l’authenticité, il a mis sous éteignoir les fêtes calquées sur le calendrier religieux chrétien. Les fêtes nationales de la Deuxième République sont liées étroitement à la personne et à l’action de Mobutu : le 20 mai (Publication du Manifeste du Parti M.P.R. à N’Sele), le 24 juin (Promulgation de la Constitution de 1967, et Journée du Poisson), le 14 octobre (Naissance du « Guide éclairé » Mobutu, et Journée de la Jeunesse ), le 27 octobre (Journée des 3 Z : le nom de Zaïre fut imposé par le « Président Fondateur » au pays, au fleuve, et à la monnaie), le 17 novembre (Journée des Forces Armées), le 24 novembre (Proclamation du Haut Commandement Militaire, pour ne pas dire célébration de son propre coup d’Etat réussi). A ces dates, il faut ajouter d’autres dates : le 1er janvier (Nouvel An), le 1er mai (Journée du Travail), le 1er août (Journée des Parents vivants et des Morts). Notre pays ne connaît pas, comme en Europe, la Journée des Pères, des Mères, et des Grands Parents ; aussi cette journée du 1er août fut-elle une bonne innovation.
Avec l’accession au pouvoir de Mzee Laurent Désiré Kabila, « le tombeur de Mobutu », il était inimaginable de maintenir les journées liées à Mobutu. Mzee Kabila a introduit à son tour le 17 janvier pour perpétuer la mémoire de l’emblématique premier Premier Ministre du Congo indépendant, Patrice Emery Lumumba, assassiné en 1961, et dissout dans l’acide sulfurique avec ses deux compagnons quelque peu oubliés, Joseph Okito, premier vice-président du Sénat, et le ministre de la Jeunesse et des Sports, Maurice Mpolo, présenté comme le challenger de Mobutu à la tête de l’Armée, chose que ce dernier n’a jamais appréciée. Mobutu avait proclamé Patrice Lumumba « Héros National » par démagogie ; il n’y a jamais cru lui-même. Mzee Laurent Désiré Kabila a institué aussi le 17 mai pour commémorer sa prise du pouvoir d’Etat comme l’avait fait Mobutu pour le 24 novembre.
En 2002, pour la première fois, sous la présidence de Joseph Kabila Kabange, la RD. Congo a célébré le 16 janvier le souvenir de son père Mzee Kabila assassiné un an auparavant. La date de la mort de Mzee a été du reste corrigée ; le gouvernement avait parlé en 2001 du 18 janvier. Imputé à son garde du corps, cet assassinat ignoble ne dévoilera tous ses arcanes qu’avec le temps, avec la déclassification des archives des chancelleries, comme cela a été le cas avec l’assassinat de Patrice Lumumba. Le Président Mobutu qui savait très bien de quoi il parlait avait prédit que Laurent Kabila était un patriote, et qu’ « ils » se débarrasseraient de lui quand « ils » n’en auraient plus besoin.
Les Etats-Unis tiennent à célébrer la mémoire de leurs grands hommes disparus. Le Martin Luther King Day est une fête nationale depuis 1986 ; il est commémoré le troisième lundi de janvier. Martin Luther King Jr., pasteur afro-américain, assassiné en 1968, est honoré à cause de sa lutte courageuse afin d'obtenir par des moyens pacifiques la reconnaissance des droits civiques pour tous.
Le Presidents'Day, fixé au troisième lundi de février, célèbre aujourd’hui tous les anciens présidents des États-Unis. Auparavant, jusqu'en 1975, il y avait deux jours fériés : le 22 février, date-anniversaire de George Washington, héros de la guerre d'Indépendance et premier président des Etats-Unis, et le 12 février, anniversaire d'Abraham Lincoln, président pendant la guerre de Sécession. Ces deux dates ont fusionné.
Le Memorial Day, célébré le quatrième lundi de mai, honore les morts. Créé après la guerre de Sécession, il est devenu le jour où l'on se souvient des morts de toutes les guerres et des défunts en général, au cours de cérémonies qui se déroulent dans les cimetières, les églises et autres lieux publics comme notre 1er août.
Le Columbus Day, fixé au deuxième lundi d'octobre, célèbre le 12 octobre 1492, date à laquelle le navigateur génois Christophe Colomb a atteint le Nouveau Monde. Christophe Colomb prend sa revanche sur Americo Vespucci qui a donné son nom au continent.
Appelé au départ Armistice Day, le Veterans’ Day fut institué pour honorer les Américains qui avaient servi pendant la Première Guerre mondiale. Il est fixé au 11 novembre, date de la fin de la guerre en 1918, mais il honore désormais les anciens combattants de toutes les guerres auxquelles les États-Unis prennent part.
Comme d’autres pays dans le monde, les Américains fêtent aussi la Pâques et le lundi de Pâques, la Noël et le Jour de l'An. La fête du travail, le Labor Day, est célébrée… le premier lundi de septembre ; elle est marquée comme ailleurs par de nombreux défilés. La fête nationale se déroule le 4 Juillet, date commémorant la naissance de la nation, la signature de la Déclaration d'Indépendance, le 4 juillet 1776.
Une fête est proprement américaine : c’est le Thanksgiving (journée d'action de grâces) qui se fête le quatrième jeudi de novembre, mais de nombreux Américains prennent un jour de congé le lendemain afin de disposer d'un long week-end de quatre jours. La fête remonte à 1621, soit un an après l'arrivée au Massachusetts des puritains décidés de pratiquer librement leur religion. Après un hiver très rude qui décima la moitié d'entre eux, ils se tournèrent vers les Indiens qui leur apprirent à cultiver le maïs et d'autres plantes. À l'automne suivant, une récolte abondante leur donna l'idée d'exprimer leur reconnaissance à Dieu en organisant une fête, qui est devenue une tradition nationale. Les Américains célèbrent ce jour les sacrifices consentis par les Pères pèlerins au nom de la liberté, ainsi que la prospérité de beaucoup d’entre eux.
Au regard de notre histoire, nous suggérons d’instituer trois nouvelles journées nationales fériées. Le dernier mot appartient à nos honorables parlementaires. A côté des jours retenus : le 1er janvier (Nouvel An), le 4 janvier (Journée des Martyrs de l’Indépendance), le 16 janvier (Journée du Héros National Laurent Désiré Kabila), le 17 janvier (Journée du Héros National Patrice Emery Lumumba), le 6 avril (Journée du combat de Simon Kimbangu et de la conscience africaine), le 1er mai (Fête des Travailleurs), le 17 mai (Journée des Forces Armées), le 30 juin (Fête de l’Indépendance), le 1er août (Fête des Parents et des Morts), le 25 décembre (Noël), nous suggérons :
• le 16 février pour perpétuer le souvenir des compatriotes fauchés parce qu’ils ont manifesté dans les rues de la capitale pour demander la réouverture de la Conférence Nationale en 1992 (Marche de l’Espoir, Marche des Chrétiens). Il est fort dommage que Mzee Laurent Désiré Kabila ait balayé d’un revers de la main tout ce qui rappelait la Conférence Nationale parce que l’on avait commis l’erreur de lui en avoir fermé les portes.
• le 4 juin pour commémorer le souvenir des étudiants abattus à Kinshasa alors qu’ils ne demandaient tout simplement au gouvernement que d’honorer ses propres engagements : la cogestion se pratique désormais dans les universités et instituts supérieurs. Cette date du 4 juin pourrait devenir « La Journée de la Jeunesse ». Il est fort dommage que les gouvernements qui ont succédé à la dictature et la Commission Vérité et Réconciliation n’aient pas songé à éclairer ce pan de l’histoire, et à exhumer les restes de ces étudiants jetés dans une ou plusieurs fosses communes au Cimetière de la Gombe. Les fossoyeurs de 1969 ne sont pas tous disparus, et peuvent témoigner. Le gouvernement a déclaré treize morts, mais il y a eu en réalité une cinquantaine de morts.
• le 1er novembre pour honorer le courage des parlementaires qui ont osé se dresser contre la dictature en 1980 en rédigeant une lettre ouverte au Président de la République au faîte de sa puissance ; cette lettre n’appartient plus aux seuls treize parlementaires. Elle fait partie du patrimoine de la lutte contre l’arbitraire. Grâce à eux, « Nul ne peut instituer sous quelque forme que ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire national » (Art.7 de la Constitution) ; « Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques et des bonnes mœurs » (Article 28 de la Constitution).
Au-delà des treize parlementaires, le souvenir s’étendrait à tous ceux - connus et anonymes - qui ont souffert dans leur corps et leur sang, et qui ont payé de leur vie pour s’opposer à la dictature.
Treize fêtes nationales, nous sommes dans des limites raisonnables que l’on retrouve dans beaucoup de pays (USA et France : 11), (Belgique : 13), (Japon :15), (Chine : 13).

 

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