Le Communisme expliqué à un jeune de 16 ans

(Par le Prof. Patience Kabamba)
Pendant les vacances de Noël, au cours d’une promenade, Ryan, mon garçon de 16 ans qui a remarqué que le seul livre que j’avais sur ma table de travail était le premier volume du Capital de Karl Marx me posa la question de savoir qui était Karl Marx. Ma réponse était aussi spontanée que la question de Ryan.
Marx était un communiste. La seconde question ne s’est pas faite attendre : c’est quoi un communiste ? J’en ai profité pour tenter de lui expliquer ce que c’est que le communisme. J’ai commencé par un constat : nous sommes restés en Pennsylvanie alors que beaucoup de nos voisins sont partis en vacances en Floride où il fait moins froid. Nous sommes pourtant mieux que la plupart de nos voisins à Kinshasa au Congo. Bref, les inégalités sociales opposent les hommes les uns aux autres. Le constat de Marx en 1840 était que l’ouvrier souffrait dans son existence et le capitaliste souffrait dans son veau d’or du profit.
Au plus haut niveau de la richesse, il y a une pauvreté stationnaire. Le travailleur est toujours perdant. Dans le capitalisme l’accord entre l’ouvrier et le patron est supposé être un accord entre des égaux. Marx réfute cette assertion car la seule issue pour le travailleur est d’accepter le salaire le plus bas possible. Il définit ainsi le capital comme du travail accumulé, stocké en réserve, du travail volé et rémunéré. Le profit vient du fait qu’au lieu de payer un ouvrier pour 10 heures de travail, on le paye pour seulement 5h. C’est la seule façon de faire le profit. Alors qu’une machine qui vous a couté 100$ utilise 100$ jusqu'à son usure. Il ne produit rien. La clé dans la compréhension de Marx dans ce contrat est que le profit provient essentiellement de l’exploitation du travailleur et jamais des machines.
En déclarant cela, Karl Marx s’oppose aux idées des économistes de son temps comme Adam Smith. Pour Smith, si chacun poursuivait son propre intérêt, les choses iraient mieux car il existe une harmonie préétablie entre les intérêts individuels. Les vices privés sont une bénédiction commune.
La prostitué qui doit envoyer ses enfants à l’école devrait leur acheter des nouveaux habits, ce qui va donner du travail aux tailleurs.
Les conflits sociaux vont donner du travail aux juristes, etc… Bernard Mandeville explique cela dans la fable des abeilles. Des abeilles vivent une vie communautaire prospère, mais dans le péché et le désordre. Cependant lorsque la niche d’abeilles se décide de devenir vertueux, elle s’écroule. C’est l’égoïsme postulé dans la nature humaine où la moralité de l’économie politique fait l’économie de la moralité.
L’économie politique d’Adam Smith et Ricardo font de l’homme une monade isolée et repliée sur elle-même. L’économie politique ne reconnaît pas l’aliénation dans le travail. Le travailleur est une machine à produire. Pas de travail, pas de salaire, pas d’importance sauf entant qu’ouvrier. Le salaire paie la main d’œuvre et non la personne humaine. Dans la Richesse des Nations Adam Smith fait allusion à une loterie où 20 personnes échouent pour chaque personne qui gagne. L’économie politique repose sur la propriété privée. Pour Karl Marx, l’argent transforme les désirs de son propriétaire. Il est le seul entremetteur qui rassemble les opposés : l’argent rend le noir blanc, il rend le laid beau .
C’est un métal maudit…c’est la prolifération anarchique des besoins. Marx lie l’argent a un développement historique et aux idéologies qui l’expriment. Seule la lutte des classes permet à faire bouger l’histoire.
Ryan me reprend gentiment en me disant, papa, c’est beau tout ce que tu dis mais, le communisme c’est quoi ?
Et je lui répondis alors. Notre attachement à la communauté, c’est-à-dire, le désir de vivre avec les autres, avec ton frère ou tes parents n’est pas quelque chose d’extérieur, c’est enraciner en nous, c’est notre naturalité première. Un singe de deux mois saute déjà d’un arbre à un autre.
Le petit de singe devient Independent en très peu de temps. Le petit enfant né-inachevé. La relation sociale est le noyau. Sans relation à l’autre, on n’est pas viable. Le collectif n’est pas un bricolage ultérieur, ce n’est pas une construction, mais une fondation première de la communion initiale. Un homme est un sujet historique de communauté obligatoire. L’homme tout seul ne produit rien, c’est la communauté qui produit. En tant qu’humanisme, un naturalisme achevé, en tant qu’abolition possible de l’antagonisme entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’homme, le communisme est la vraie solution de la lutte entre l’existence et l’essence, entre objectification et affirmation de soi, entre liberté et nécessité, entre individu et genre. Il est l’énigme résolu de l’histoire, et il se connait comme solution. (Marx, Manuscrit de 1844). Le désir infini qui brille dans les yeux des hommes et des femmes, c’est le désir du communisme ; notre désir profond, c’est la relation communiste à la réalité de l’histoire.
Dans la vie communautaire, dans le communisme, il n’y a pas d’économie car l’économie sert à produire pour le marché et non pour les besoins de la communauté. Dans le communisme, il n’y a pas de politique car la politique réarrange des espaces de docilités après la dislocation des communautés de l’être et l’introduction des sociétés de l’avoir propres au capitalisme qui dévore tout sur sa route. Le capitalisme a confisqué notre vie car désormais nous n’avons de vie que pour l’argent. Le capitalisme est la course a un argent que nous ne contrôlons plus, mais qui nous contrôle. Dans le capitalisme on ne prend pas le pouvoir, c’est le pouvoir qui vous prend.
Cependant, pour Marx, mon cher Ryan, Le capital peut tout bouffer, il peut tout dévorer. Il a dévoré les espaces, les forêts, les corps, les sexualités. C’est le grand vampire, le grand cannibale. Il a tout mangé, mais il n’est pas invalidable. Le capital peut tout avaler, peut nous écraser dans le narcissisme, dans la marchandisation. Un jour dans la rue, un homme, avec ses yeux, regarde une femme et il sent dans ses yeux briller une lumière d’éternité. Le capital ne peut pas dévorer ça ! Le capital ne peut pas digérer ça !
L’amour est la mesure de notre relation à l’autre. C’est la vielle taupe qui surgit encore et toujours comme nous dit Marx. L’amour est notre rempart contre la marchandisation de nos vies et la dictature démocratique de l’avoir.
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