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Messe d’action de grâce à Kinshasa, Père Rigobert Kyungu : ‘’ Nous gardons du Pape François le souvenir d’un vrai jésuite, un vrai fils de saint Ignace’’

Messe d’action de grâce à Kinshasa, Père Rigobert Kyungu : ‘’ Nous gardons du Pape François le souvenir d’un vrai jésuite, un vrai fils de saint Ignace’’

 La Province d’Afrique Centrale de la Compagnie de Jésus a clôturé le deuil du Pape François hier, mardi 6 mai 2025, par une messe d’action de grâce célébrée à la Paroisse Sacré-CÅ“ur, dans la commune de la Gombe. Présidée par Monseigneur Edouard Nsimba, Evêque auxiliaire de l’Archidiocèse de Kinshasa, cette liturgie solennelle a revêtu un caractère à la fois spirituel et affectif, rassemblant une communauté chrétienne enthousiaste et rendant honneur à celui qui aura été, tout au long de son pontificat, un modèle parfait d’engagement, un fervent défenseur des pauvres et un assoiffé de justice. La célébration de cette eucharistie est intervenue, précisément, la veille du démarrage du conclave devant conduire à l’élection du nouveau Souverain pontife.

Dans son homélie tirée de l’évangile de Saint Matthieu (chapitre 5,1-12), Père Rigobert Kyungu Musenge, Provincial des Jésuites d’Afrique Centrale, a rappelé aux chrétiens la nécessité de vivre selon la parole du Seigneur, mettant en lumière la catéchèse de François sur les béatitudes. ‘’ L’on se souviendra que dans son Exhortation apostolique « Gaudete et Exsultate Â», le Pape François déclare que les Béatitudes sont la carte d’identité du chrétien. Pour lui, elles sont le chemin vers la sainteté. En méditant de près la vie du Pape François, l’on peut bien réaliser qu’il a incarné toutes ces béatitudes. Je préfère ne pas développer le thème des béatitudes pour vous laisser le devoir de le méditer à la maison, à la lumière de la vie du Pape François’’, a soutenu le Révérend Rigobert Kyungu. Pour cet homme de Dieu, toute la vie du Souverain pontife aura incarné la vision de Saint Ignace de Loyola, Fondateur de la Compagnie de Jésus. Il a affirmé avoir retenu du successeur de Benoit XVI le souvenir d’un homme d’église et d’un prophète engagé.

‘’Le Pape François a eu un sens très élevé de l’Eglise. A la suite de saint Ignace, il a cru que l’Eglise était vraiment le corps du Christ. Lors de sa toute première rencontre avec les jésuites à Rome, le 31 juillet 2013, il disait dans son homélie : « nous, jésuites, et l'ensemble de la Compagnie nous ne sommes pas au centre, nous sommes, pour ainsi dire, « déplacés», (nous) sommes au service du Christ et de l'Eglise, l'Epouse du Christ notre Seigneur, qui est notre Sainte Mère l'Église hiérarchique (cf. EE, 353) Â»[1] Et, lors de sa deuxième rencontre officielle avec les Jésuites, en la solennité du Saint Nom de Jésus, fête titulaire de la Compagnie, le 3 janvier 2014, il disait : (nous devons…) « Etre des hommes qui ne doivent pas vivre centrés sur eux-mêmes, parce que le centre de la Compagnie est le Christ et son Eglise… Â».  Nous pouvons donc remarquer que le Pape François a eu un sens très élevé de l’Eglise, le corps du Christ dont Christ est la tête, comme le dit saint Paul dans sa lettre aux Ephésiens. Cet amour et cet attachement envers l’Eglise, sont des marques ignatiennes et jésuites. Mais c’est aussi ce qui est attendu de tout chrétien et de toute chrétienne baptisée au sein de notre Eglise’’, a-t-il démontré. Pour le Père Rigobert Kyungu, les chrétiens doivent prier pour confier entre les mains de Dieu le déroulement du conclave, qui commence déjà ce mercredi 7 avril 2025, en vue de l’élection du successeur de François à la tête de l’Eglise universelle.

Gloire Mfemfere

 

Messe en mémoire du Pape François (le 6 mai 2025)

Paroisse du Sacré-Cœur

Kinshasa - Gombe

(Hb 13, 1-3.6-8 ; Mt 5, 1-12).

Leurs Excellences Mes Seigneurs,

Chers frères et sœurs,

Je commence par vous dire un très grand merci pour votre présence dans cette Eglise aujourd’hui, afin de prier avec nous et faire mémoire du Pape François qui a été membre de la Compagnie de Jésus. Depuis l’annonce de son décès, vous nous avez manifesté votre proximité par vos nombreuses marques d’attention ; ces gestes ne nous ont pas laissés indifférents. Nous avons pensé clôturer ce deuil aujourd’hui avec vous, par cette célébration eucharistique, à la veille de l’ouverture du Conclave. Nos remerciements particuliers à S.E Mgr Edouard NTsimba qui n’a pas hésité un instant à donner sa disponibilité pour cette célébration. Merci et condoléances à son Excellence Monseigneur le Nonce Apostolique en RDC ou à son représentant. Nos remerciements aussi à S.E. Mgr Bafuidinsoni, notre confrère, qui s’est rendu disponible pour se joindre à ses confrères jésuites.

Frères et sœurs, permettez-moi de revenir rapidement sur les lectures, avant de m’étendre sur la figure du Pape François et d’en donner quelques traits caractéristiques.

Les lectures que nous venons d’entendre cadrent bien avec l’événement que nous célébrons. La première lecture nous invite à ne pas oublier ceux qui nous ont dirigés et qui nous ont annoncé la parole ; elle nous invite aussi à méditer sur leur vie pour imiter leur foi. C’est cela que nous faisons : nous rappeler de la figure du Pape François et lui redire que nous ne l’oublierons jamais. La manière dont il a vécu sa foi vaut la peine d’être imitée. Cette lecture nous parle aussi de l’hospitalité, la fraternité, l’attention envers les petits, spécialement les prisonniers. Le Pape François a vécu tout cela à la lettre et il y a beaucoup de faits qu’on pourrait évoquer pour l’illustrer.

Quant à l’évangile, il nous parle des béatitudes. L’on se souviendra que dans son Exhortation apostolique « Gaudete et Exsultate Â», le Pape François déclare que les Béatitudes sont la carte d’identité du chrétien. Pour lui, elles sont le chemin vers la sainteté. En méditant de près la vie du Pape François, l’on peut bien réaliser qu’il a incarné toutes ces béatitudes. Je préfère ne pas développer le thème des béatitudes pour vous laisser le devoir de le méditer à la maison, à la lumière de la vie du Pape François. Vous pourrez répondre à la question de savoir comment le Pape François a incarné les béatitudes dans sa vie ?

Cela étant, permettez que je m’étende sur les trois points suivants : Pape François et le sens de l’Eglise ; Pape François, fils de saint Ignace et enfin Pape François, prophète de notre temps.

  1. Pape François et le sens de l’Eglise

Dans les exercices spirituels, saint Ignace a laissé une série de règles de discernement. Parmi elles, se trouvent les règles dites du « sentire cum Ecclesia Â», c’est-à-dire « pour avoir le sens qui doit être le nôtre dans l’Eglise militante ». Ignace invite ceux qui font les Exercices spirituels à être en accord avec l’Eglise en toutes choses. Dans la Règle 13 il dit : « Pour toucher juste en tout, nous devons toujours tenir ceci : ce que moi je vois blanc, croire que c’est noir si l’Eglise hiérarchique en décide ainsi. Car nous croyons qu’entre le Christ notre Seigneur, l’Epoux, et l’Eglise, son Epouse, c’est le même esprit qui nous gouverne et nous dirige pour le salut de nos âmes. En effet, c’est par le même Esprit et Seigneur qui nous donna les dix commandements, que notre sainte Mère l’Eglise est dirigée et gouvernée Â»[2].

Le Pape François a eu un sens très élevé de l’Eglise. A la suite de saint Ignace, il a cru que l’Eglise était vraiment le corps du Christ. Lors de sa toute première rencontre avec les jésuites à Rome, le 31 juillet 2013, il disait dans son homélie : « nous, jésuites, et l'ensemble de la Compagnie nous ne sommes pas au centre, nous sommes, pour ainsi dire, « déplacés», (nous) sommes au service du Christ et de l'Eglise, l'Epouse du Christ notre Seigneur, qui est notre Sainte Mère l'Église hiérarchique (cf. EE, 353) Â»[3]. Et, lors de sa deuxième rencontre officielle avec les Jésuites, en la solennité du Saint Nom de Jésus, fête titulaire de la Compagnie, le 3 janvier 2014, il disait : (nous devons…) «Etre des hommes qui ne doivent pas vivre centrés sur eux-mêmes, parce que le centre de la Compagnie est le Christ et son Eglise… Â». 

Nous pouvons donc remarquer que le Pape François a eu un sens très élevé de l’Eglise, le corps du Christ dont Christ est la tête, comme le dit saint Paul dans sa lettre aux Ephésiens. Cet amour et cet attachement envers l’Eglise, sont des marques ignatiennes et jésuites. Mais c’est aussi ce qui est attendu de tout chrétien et de toute chrétienne baptisée au sein de notre Eglise.

  1. Pape François, vrai fils de saint Ignace

Nous gardons du pape François le souvenir d’un vrai jésuite, un vrai fils de saint Ignace. Vous aurez remarqué, dans ce que je viens de dire, que lorsqu’il parlait de jésuites, il ne disait pas : « vous Â», mais plutôt « nous Â». A y voir de près, il a vraiment intériorisé la spiritualité ignatienne qu’il a traduite dans son action et dans son enseignement. Je donne ici trois éléments : le discernement spirituel, la liberté intérieure et la cura personalis.

Dès le début de son pontificat, le pape François n’a cessé de parler du discernement. Ce n’est pas étonnant pour un jésuite qui a été maître de novices, recteur et provincial. Dans l’Exhortation apostolique, Amoris Laetitia[4], le pape utilise beaucoup le mot discernement, invitant les Conférences épiscopales à y recourir pour résoudre des problèmes pastoraux liés à famille et au mariage.  Mais, c’est surtout dans l’Exhortation apostolique Gaudete et Exsultate,[5] que le Pape résume très bien ce qu’est le discernement spirituel pour le peuple de Dieu aujourd’hui, et la liberté intérieure qu’il implique[6]. Pour lui, le discernement est un instrument de lutte pour mieux suivre le Seigneur. En même temps, le discernement nous conduit à reconnaître les moyens concrets que le Seigneur prédispose dans son mystérieux plan d’amour, pour que nous n’en restions pas seulement à de bonnes intentions[7].

Ignace de Loyola exhortait ses disciples à accueillir les situations de la vie dans une grande liberté intérieure. Ainsi, vie longue ou vie courte, santé ou maladie, richesse ou pauvreté… doivent être acceptées et vécues conformément à la volonté de Dieu, dans le seul désir de chercher à réaliser ce pourquoi nous avons été créés à savoir : louer, révérer et servir sa Divine majesté et par là sauver son âme (Ex. Sp. 23). Pape François a été un bel exemple de cette liberté intérieure dans la manière de vivre et d’assumer sa maladie et sa mort.

En outre, il y a « la cura personalis Â». C’est le soin de la personne ou le souci à avoir envers notre prochain. En effet, pour Ignace de Loyola, le but de la Compagnie est celui de sanctifier, non seulement le jésuite, mais aussi le prochain (Const. 2). Nous avons tous vu comment le Pape François a veillé à entretenir et à sauvegarder ses relations de manière très personnalisée. On se souviendra qu’il répondait même aux lettres individuelles qu’il recevait ; parfois il pouvait même effectuer des appels téléphoniques pour surprendre ses correspondants. Un cambiste de Kisangani m’avait confié une lettre pour le Pape et il n’en croyait pas ses yeux lorsqu’il a reçu sa réponse. Puis tout récemment, alors qu’il était hospitalisé à Gemelli, nous l’avons vu s’oublier pour appeler le curé de Gaza afin de le réconforter. Les exemples sont légion… J’en viens maintenant à mon troisième point.

  1. Le Pape François, un prophète de notre temps

Pour illustrer ce point, je vais me baser sur la définition du théologien Bruno Chenu, pour qui un prophète est celui qui annonce, dénonce et renonce. Qu’est-ce que le Pape François a annoncé et dénoncé ? A quoi a-t-il renconcé ?

Parmi beaucoup d’autres vertus, le Pape François a principalement annoncé la joie et la miséricorde. Beaucoup de ses documents pontificaux portent le thème de la joie. Pensons à Evangelium Gaudium, Amoris Laetitia, Gaudete et exsultate, Veritatis Gaudium, pour ne citer que ceux-là. Quant à la miséricorde, cela va sans dire. En effet, dès le début de son pontificat, il a d’abord commencé par se présenter lui-même comme un pécheur[8]. Quelle humilité et quel sens de vérité pour celui qui porte le titre de « sa sainteté Â» ? Par la suite, il a décrété une année sainte spéciale, pour célébrer le jubilé extraordinaire de la miséricorde de Dieu. Pour le Pape François, le nom de Dieu est Miséricorde, comme il l’affirme dans une interview avec Andrea Tornelli.

Un prophète est celui dénonce. Le Pape François a dénoncé beaucoup de choses. Il a dénoncé la mauvaise gestion de notre planète, de notre Mère la terre. Laudato Si’ et Laudate Deum en parlent suffisamment. Il a dénoncé la mondialisation de l’indifférence. De Lampesuda à Kinshasa, il a fustigé l’indifférence de la communauté internationale qui, bien qu’informée des tragédies des pauvres exploités par les puissants, reste muette par rapport à leurs situations. De la même manière, il a dénoncé la corruption de nos systèmes politiques. Il a aussi dénoncé la troisième guerre par morceau que le monde ne cesse d’entretenir. Au niveau de l’Eglise, il a dénoncé le cléricalisme au sein de la hiérarchie. Mais il a aussi reconnu l’existence d’un certain cléricalisme au sein du peuple de Dieu en général, dans nos diverses responsabilités, grandes ou petites. Il a dénoncé la mondanité ou le confort mondain qui envahit non seulement le peuple de Dieu, mais aussi la vie consacrée. Et la liste n’est pas exhaustive.

Enfin, le Prophète est celui qui renonce. Pape François a renoncé à sa terre natale, l’Argentine, qu’il n’a plus revue depuis qu’il était allé à Rome pour le Conclave. Il a renoncé aux honneurs dévolus à un Pape au palais apostolique, et il a choisi d’habiter à sainte Marthe, avec d’autres employés du Vatican et des hôtes de passage. Il a renoncé à son rang de chef d’Etat et de chef spirituel, pour s’agenouiller et baiser les pieds des hommes politiques du sud Soudan afin de les inviter à la réconciliation. Et finalement, il a renoncé à sa propre santé pour paitre ses brebis, jusqu’à la fin de sa vie.  Le dernier tour qu’il a effectué à la Place saint Pierre le jour de Pâques alors qu’il était à l’article de la mort, révèle tout le sacrifice auquel il a consenti pour consoler son troupeau. Bref, le Pape François a fait preuve d’audace prophétique à l’instar des apôtres qui ont témoigné d’un courage extraordinaire après la résurrection de Jésus. C’est cela que lui-même a souvent appelé la « parrêsia Â»[9].

Frères et sœurs, rendons grâce à Dieu de nous avoir donné l’homme qu’il fallait au siège de Pierre. Et à la veille du Conclave pour élire son successeur, prions encore plus intensément, afin que l’Esprit Saint inspire les Cardinaux pour élire et donner à l’Eglise un Pape selon le cœur de Dieu. Amen.

Rigobert Kyungu, Musenge, SJ

Provincial ACE

 

 

[8]

 

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