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Identité des races ou identité des classes ?

Identité des races ou identité des classes ?

 

(Par le Prof. Patience Kabamba)

Les journalistes Van Jones de CNN et Joy Reid de MSNBC ont dit, à peu de choses près, ceci: “Si vous êtes un noir, vous devez voter pour Kamala Harris.” Pour ces journalistes, la question est celle de l’identité des races, mais pas de l’identité des classes dans un rapport des classes. Ces professionnels de médias afro-américains ne posent pas non plus la question du retour de la lutte des classes. Pourquoi ne le font-ils pas? 

Pendant près d’un siècle, le prolétariat a été encaserné à la gauche et, grâce à l’idéologie anti-raciste, on a enfermé la conscience des classes dans une simple question identitaire. Aujourd’hui, on a un nouveau théâtre d’intégration mondiale, qui nous montre que ce n’est pas un problème racial, mais plutôt un rapport de mode de production. La carte est le produit d’une histoire qui découle de la lutte des classes. Le vecteur principal de l’histoire d’aujourd’hui que les deux journalistes semblent ignorer est le mode d’être de la vie du prolétaire américain ; ils ne font sans doute pas partie d’électeurs qui vivent au jour le jour.  Ils font partie du gauchisme de la marchandise. 

Le gauchisme de la marchandise est l’expression supérieure de l’abrutissement total de l’homme dans la réification du village planétaire marchand. Aujourd’hui tout ce qui organise le crédit est déstructuré. Or, une société qui est déstructurée dans son infrastructure est déstructurée politiquement. La seule personne qui l’a remarqué est l’actuel candidat à l’élection présidentielle américaine, Robert F. Kennedy Junior. Kennedy veut devenir président pour s’attaquer à la dette publique de plusieurs milliers des milliards. La dette américaine bénéficie aux grandes corporations, notamment les compagnies pharmaceutiques, le complexe militaro-industriel ou les compagnies du pétrole et de charbon, etc… RFK souligne que le coût des maladies chroniques dépassent les centaines des milliards des dollars ; il est même supérieur au budget de l’armée américaine. RFK nous rappelle qu’il y a trente ans il n’était pas impossible qu’un pédiatre ne rencontre au cours de sa carrière qu’un seul ou deux cas d’enfants diabétiques. Aujourd’hui, un enfant sur trois est déclaré prédiabétique. Les usines pharmaceutiques s’enrichissent sur nos maladies. RFK a épinglé le réel combat qui doit être insurrectionnel. L’insurrection vient quand la cartographie des malaises de lutte des classes a produit une solidification de l’instinct des classes qui s’est structuré et suffisamment organisé pour produire à partir de cet en-soi du territoire un pour-soi de l’advenir qui fait mouvement et contestation. 

La prolétarisation de la population afro-américaine est renfoncée ces dernières années par une immigration incontrôlée. La question de l’immigration est devenue la question sociale et centrale pour le prolétariat. J’aimerais préfacer cette dernière partie du MDW par le fait que la géographie, c’est l’histoire qui s’incarne dans l’espace et l’histoire est la géographie qui fait mouvement dans le temps. La question de l’immigration est une question de lutte des classes ; cela se manifeste à travers le vote dans le Midwest américain où le prolétariat ressent le poids d’une organisation politique à la merci des corporations marchandes.  Le Capital de Marx, dans sa 7ème section du chapitre 5, parle de l’armée de réserve qui a pour but de réduire non seulement le coût de la production mais aussi la reproduction du prolétariat insurrectionnel. L’armée de réserve est une temporalité en mouvement. RFK est le seul à avoir compris effectivement que le véritable danger pour l’Amérique, ce sont les corporations multinationales qui, comme des sangsues, vivent du sang de leurs victimes que nous sommes. Le fond de la compagne de RFK, c’est l’appel à l’insurrection du prolétariat contre les causes majeures de son maintien dans la pauvreté. De trois dangers que Jefferson a dénoncés contre la “démocratie” – le gouvernement, la religion organisée et le monopole des corporations – ce  dernier a avalé tout le reste. Les corporations dominent les gouvernements dont elles financent les élections ; les gouvernements modernes  ne sont que des comités qui gèrent les affaires communes de la classe bourgeoise toute entière. Les corporations ont aussi avalé les religions organisées. Elles sont restées les seules ennemies du prolétariat. Nos deux journalistes afro-américains accompagnent le pouvoir qui lui-même est l’émanation des conditions économiques imposées par les corporations. L’appel à voter Kamala Harris par le seul fait d’avoir la peau noire reflète exactement ce que sont ceux qui font cet appel, en ce qu’ils coïncident avec leur production, aussi bien ce qu’ils produisent sur le plan médiatique qu’avec la façon dont ils le produisent. Comme le soutient Marx, ce que sont les individus dépend des conditions matérielles de leur production. 

RFK est l’intelligence sociale de l’Amérique contemporaine. Il cherche le pouvoir pour s’attaquer aux grandes firmes pharmaceutiques qui, à travers nos maladies, s’enrichissent sur un prolétariat qui ne cesse de grandir. Ce prolétariat est appelé à devenir insurrectionnelle dans la ligne des jacqueries paysannes qui ont lutté pour la survie de ce que nous avons d’inaliénable, d’inappropriable et de non-monnayable. Il ne s’agit plus d’améliorer le salaire, cette prison de la catégorie marchande, mais d’abolir le salariat. Comme le disait Marx, le salariat est pire que l’esclavage ; car l’esclave est vendu une fois pour toutes alors que le salarié se vend chaque jour de sa vie ad vitam æternam. Une société résiste mieux quand s’incruste de l’intérieur un instinct de solidarité et non un réflexe d’identité raciale ou raciste. L’action politique ne vaut rien sans une pensée politique claire. Sans théorie, il n’y a pas d’action. RFK a compris les mécanismes qui unissent le capitalisme quotidien à la catastrophe qui s’annonce sur l’humanité. La théorie critique des races selon laquelle le problème majeur de l’Amérique est l’homme blanc et ses privilèges reste encore au niveau identitaire et nous distrait par rapport à la lutte des classes. Les questions sociétales de race, de transgenre ou de LGBT sont des questions que le capitalisme utilise pour nous éloigner de la question sociale cruciale de la lutte des classes. Le monde académique américaine est simplement crétinisé par la marchandise réifiante et aliénante. C’est d’ailleurs pourquoi l’université est éloignée de la lutte prolétarienne. Elle est protégée dans un bunker théorique chimérique.

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