Le principe moniste et la souveraineté nationale : Une réflexion sur la République Démocratique du Congo et au-delÃ
(Par le Sénateur Prof Faustin Luanga)
Le principe moniste, qui établit une hiérarchie des normes en plaçant les accords et traités internationaux au-dessus des législations nationales, suscite des débats intenses au sein des États souverains. En République Démocratique du Congo (#RDC), comme dans d'autres régions du monde, cette dynamique soulève des interrogations cruciales concernant la souveraineté nationale. Comment concilier l'engagement d'un pays envers la communauté internationale avec le besoin de préserver son indépendance législative et politique ? Dans cette note, je me propose d'explorer ces questions en examinant le principe moniste, ses implications pour la souveraineté nationale en RDC et les enjeux globaux qui en découlent.
Le principe moniste : définition et implications
Le principe moniste repose sur l'idée que le droit international et le droit national forment un tout intégré. Les traités et accords internationaux, une fois ratifiés, ont force obligatoire au même titre que les lois internes. Cela signifie que, dans les cas de conflits, les normes internationales doivent prévaloir. En théorie, ce principe vise à assurer une cohérence dans le respect des droits humains, de l'environnement et d'autres normes globales. Cependant, cette hiérarchie des normes pose un défi pour les États, notamment en matière de souveraineté.
La situation en République Démocratique du Congo
La Constitution de la RDC contient des dispositions qui déterminent son rang normatif. Il s’agit principalement des articles 215, 216 et 217 de la Constitution. L'article 215 confirme le caractère moniste du droit congolais. Cet article 215 met en exergue l’autorité supérieure des traités sur les lois tandis que l’article 217 conditionne la ratification des traités internationaux à leur conformité à la Constitution. Quant à l’article 216, il prévoit un contrôle préventif de la constitutionnalité qui porte sur tous les traités ou accords internationaux, c'est-à -dire aussi bien sur ceux qui sont soumis à l'approbation parlementaire avant leur ratification.
En RDC, la question de la souveraineté nationale est particulièrement sensible. Le pays, riche en ressources naturelles, a souvent été confronté à des interventions étrangères, tant militaires, politiques qu'économiques. L'application du principe moniste pourrait signifier que des décisions prises à l'échelle internationale, comme celles concernant l'exploitation des ressources ou les droits des peuples autochtones, aient un impact direct sur les lois congolaises. Ainsi, la RDC se retrouve à naviguer entre ses engagements internationaux et la nécessité de protéger ses intérêts nationaux.
Les enjeux globaux
Au-delà de la RDC, d'autres régions du monde partagent des préoccupations similaires. Les États en développement, souvent soumis à des pressions extérieures pour adopter des législations conformes aux normes internationales, craignent une dilution de leur souveraineté. Par ailleurs, la montée du nationalisme dans divers pays remet en question l'adhésion à des traités internationaux, illustrant une tension entre les impératifs globaux et les aspirations locales. La question se pose alors : jusqu'où un État peut-il se conformer à des normes extérieures sans compromettre son autonomie ?
Vers un équilibre entre souveraineté et coopération internationale
Pour la RDC, il est impératif d'envisager des mécanismes qui permettent de concilier les exigences du droit international avec les besoins spécifiques du pays. Cela nécessite une approche proactive, où la RDC pourrait jouer un rôle actif dans la formulation des normes internationales, afin de s'assurer que celles-ci tiennent compte des réalités locales. Pour cela le pays doit se doter d’une législation et de structures sur la normalisation qui n’existent pas en RDC. Je prépare un projet de loi dans ce sens au Sénat.
Renforcement des capacités nationales
Un autre aspect essentiel est le renforcement des capacités institutionnelles et juridiques au sein de la RDC. En investissant dans la formation des juristes et en améliorant le système judiciaire, le pays peut mieux intégrer les normes internationales dans son cadre législatif sans sacrifier son autonomie. Cela passe également par la sensibilisation des acteurs politiques et de la société civile sur les enjeux liés au droit international et à la souveraineté nationale.
La voix des citoyens et des acteurs locaux
Enfin, il est crucial d'inclure la voix des citoyens et des acteurs locaux dans le débat sur le principe moniste et la souveraineté. Les populations congolaises, souvent les premières affectées par les décisions prises à l'échelle internationale, doivent avoir l'opportunité de participer activement aux discussions sur les traités et accords qui les concernent. Une approche participative permettra non seulement de renforcer la légitimité des décisions, mais aussi de garantir que les intérêts locaux soient pris en compte.
Conclusion
Le principe moniste, en plaçant les accords et traités internationaux au sommet de la hiérarchie des normes, offre une vision intégrée du droit qui favorise la coopération entre les Etats.
Le principe moniste représente un couteau à double tranchant pour la RDC. S'il offre des opportunités de coopération et de développement à l'échelle internationale, il pose également des défis significatifs pour la souveraineté nationale.
A l'aube d'une nouvelle ère de relations internationales marquées par l'interconnexion et l'interdépendance, il est crucial que la RDC et d'autres Etats en développement trouvent des solutions innovantes pour naviguer ces tensions. Cela nécessitera une vision stratégique, un engagement sincère envers les droits fondamentaux et un équilibre délicat entre l'adhésion aux normes internationales et la préservation de l'intégrité nationale.
La route à suivre est complexe, mais elle est essentielle pour garantir un avenir où la souveraineté et la coopération peuvent coexister en harmonie.