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La dictature démocratique de l’argent dans notre quotidien

La dictature démocratique de l’argent dans notre quotidien

(Par le Prof. Patience Kabamba)

J’étais à moitié endormi lorsque Madame dans son monologue disait que tout était à acheter aujourd’hui. Pour avoir de l’eau, il faut payer la REGIDESO, pour chauffer de l’eau, il faut payer la SNEL. Pour toute chose, il faut sortir de l’argent dans la vie quotidienne des Kinois. Il y a quelques années, nous allions puiser de l’eau à la rivière, nous ramenions du bois de la forêt, nous dépensions zéro dollar pour avoir de l’eau chaude. Un des mes interlocuteurs à Butembo me disait un jour que la seule chose qu’il achète, c’est du sucre car le reste provient de son champ. Kamungele, pour ne pas citer son nom, est parmi les millionnaires Nande mais, pour se nourrir, son champ lui fournit tout ce dont il a besoin. Dans le village de Toma au Burkina Faso, les bœufs tirant les charrues dans les champs et les êtres humains fournissaient, eux-mêmes, la grande partie d’énergie dont ils avaient besoin.
La plupart des choses était fait maison jusqu’à ce que l’argent s’est imposé. Aujourd’hui, l’impératif financier a pris le dessus sur tout. En plus, le conflit qui existait jadis entre le pouvoir et l’argent a été complètement résolu vers les années 1960s-1970s.
Aujourd’hui, surtout au Congo, nous vivons une fusion despotique entre le pouvoir et l’argent. Les deux classes n’en font désormais qu’une. L’argent est roi.
Tout doit être acheté, la nourriture, les habits, la maison, le transport, les boisons, tout ce que l’on fabriquait jadis à la maison est devenu objet d’achat.
Le souci principal du marché est la croissance économique et non l’existence d’une société humaine où il fait beau vivre. Le marché s’impose à nous aujourd’hui. Il est aidé par la police, la prison, l’Etat qui contrôle les foules.
L’observation historique d’un anthropologue versé dans l’évolution du capitalisme est que celui-ci a permis d’abolir l’isolement dont souffrait plusieurs villages. En construisant les routes le capital a permis aux endroits isolés de sortir de l’obscurité.
Le capitalisme a aussi permis d’apporter aux populations des marchandises bon marché. Ceux qui avaient de l’argent mangeaient du pain régulièrement au village, même à Kinshasa, on peut trouver des œufs bon marché. Cependant, ce même capitalisme a généré beaucoup de pauvreté ; il a créé un monde où il est impossible de vivre sans argent alors même que la grande partie des africains sont désargentés. Le capitalisme a aussi exporté dans les colonies des chômeurs de la métropole.
L’Etat-nation qui est le modèle dont la colonie a hérité a su mettre ensemble la politique, le territorial, le monétaire de manière extrêmement solide. Ce modèle s’impose aux Congolais même s’il ne leur apporte que misère surtout a une grande majorité de la population. Pourquoi s’y attacher alors que ce modèle d’Etat-nation est source de misère, de détournement des deniers publiques et surtout de la fusion entre l’argent et le pouvoir. Est-ce le seul modèle qui existe pour construire notre société surtout aujourd’hui où nous voyons devant nos yeux l’apothéose de l’argent qui n’a plus rien à avoir avec l’histoire des hommes, leur géographie et surtout leurs besoins réels.
Depuis le 18ème siècle le monde a connu deux types de dynamiques, d’une part le capitalisme industriel occidental et d’autre par le capitalisme colonial dans les pays d’Asie et d’Afrique.
La dialectique entre les deux était similaire. Ils ont tous les deux créé un stratagème social essential au fonctionnement du système. Le capitalisme industriel a créé des travailleurs subordonnés et vivant parfois de salaire minimum, alors que le capitalisme colonial a créé l’intelligentsia colonial fait d’abord des évolués et aujourd’hui des personnes pleinement instruites, occidentalisées et aliénées qui servent tous la même cause celui d’être des auxiliaires du système colonial.
On ne peut pas nier que le capitalisme industriel a apporté des avancées considérables en termes de style de vie, de longévité, de démocratie, de la liberté, de l’émancipation de la femme et même de la décolonisation. A la fin du 20eme siècle, nous avons assisté au replacement du capitalisme industriel qui produisait des biens de consommation (chaussures, voitures, navires ou autres commodités) par le capitalisme financier.
Le néolibéralisme s’est introduit dans toutes les sphères de la vie, même là où on ne l’attendait pas comme la capitalisation de l’éducation, de la santé et des services publiques. Le 21eme siècle est celui du capitalisme financier combiné à la révolution technologique qui s’accompagne de l’addiction à l’Internet. La caractéristique du capitalisme du 21eme siècle est qu’il n’a pas bénéficié aux populations.
Alors que le monde est interconnecté par la toile numérique - les choses qui se passent à des milliers de kilomètres sont instantanément connu grâce aux médias numériques - on vit en même temps une situation d’inégalité jamais attente auparavant.
La première démarche intellectuelle à faire, comme le stipule Perry Anderson est de parvenir à “un constat lucide d’une défaite historique”. En république démocratique du Congo, plus de la moitié de la population vit dans une précarité généralisée.
Pour dire cela autrement, le 21ème siècle est caractérisé par la catastrophe climatique, une géopolitique impérialiste, et surtout une grande inégalité économique entre les populations interconnectées, et entre le pouvoir et la population sur laquelle il s’exerce (le peuple).
Le 21ème siècle n’a pas apporté l’espoir attendu. Les Etats postcoloniaux ne sont jamais devenus des lieux populaires de liberté, de justice et d’égalité. Au contraire, la vie quotidienne s’est financiarisée, aucune sphère de la vie n’échappe plus à l’argent.
Le marché a pénétré tous les espaces de la vie.
Après avoir constaté cet échec de l’épanouissement de l’humain au 21ème siècle, échec dû à l’invasion de l’argent dans tous les secteurs de la vie, que devons -nous faire ?
Le monde et les sociétés changent à travers les dialectiques de conflits et d’affrontements. Il est peut-être temps d’y penser.

 

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