Kagame, fossoyeur du panafricanisme
(Par Jean Pierre Kambila Kankwende)
En ce premier quart du XXIème siècle, la pratique politique respective de deux leaders africains attire l’attention des penseurs en ce qui concerne l’avenir de l’idéal panafricain. J’évoque ici, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et Paul Kagame, présidents, respectivement de la RDC et du Rwanda. Ces deux leaders s’affrontent dans une guerre réelle et sanglante, mais non déclarée officiellement, car sournoisement présentée comme une rébellion interne par l’agresseur.
Un précieux héritage saboté
Nos deux pays, comme tant d’autres pays africains, ont hérité de l’histoire des peuples noirs en général et africains en particulier, une charge précieuse qu’il convient de préserver et de ne pas trahir. Il s’agit du panafricanisme. Dans quel état cette idéologie qui suscita tant d’espoirs et qui continue d’être portée comme un objectif majeur des nouvelles générations sortira-t-elle de l’agression actuelle de la RDC par le Rwanda ?
Qu’est-ce que le panafricanisme ?
Le panafricanisme se définit comme un courant de pensée ou un mouvement intellectuel qui plonge ses racines dans l’histoire des peuples noirs depuis le XVIIIème siècle à travers les luttes contre l’esclavage, notamment en Amérique du Nord. C'est autour de cet idéal que les milieux politico-intellectuels des anciens esclaves noirs de la diaspora des Amériques prêchaient un éventuel retour vers une Afrique que ces pionniers imaginaient unifiée, indépendante, libre et prospère. Aux sources de cet idéal, l’histoire retient les noms de l’antillais Ŵ.E.B. Dubois, George Padmore originaire de Trinidad et Tobago ainsi que Marcus Garvey de la Jamaïque.
Ce mouvement de rédemption, de modernisation et d’unité de l’Afrique tiendra son premier congrès à Londres, à l’initiative de Henry Sylvestre Williams en 1900, avec comme thèmes centraux la lutte contre les discriminations, le retour volontaire en Afrique, l’indépendance des nations africaines et leurs développements.
Panafricanisme, souveraineté et unité africaine
Le mouvement atteindra les consciences des élites africaines qui s’éveillaient aux réalités du monde dès la sortie de la seconde guerre mondiale. Le congrès panafricain de Manchester en 1945 - auquel prendront part notamment Nkwame Nkrumah et Jomo Kenyatta - aura un impact considérable dans la propagation des idéaux et des mouvements indépendantistes en Afrique. La conférence de Bandung de 1958, représentera également un moment important dans l’affermissement de l’idéal de liberté tant de l’ensemble des colonies de l’époque que des pays africains.
La vague des indépendances des années 1950 à 1960, en Afrique, puisera son énergie dans les idéaux du panafricanisme, c’est ainsi que tous les grands leaders de la lutte anticoloniale du continent placeront le combat de l’émancipation sous l’égide des valeurs panafricanistes.
Les personnalités historiques de grande envergure telles que Nkwame Nkrumah, Ahmed Sékou Touré, Jomo Kenyatta, Félix Roland Moumié, Milton Oboté, Patrice Lumumba, Julius Nyerere et bien d’autres ont rejoint le panthéon des pères fondateurs de ce grand mouvement de recherche de la dignité de l’homme noir.
Sans les idéaux du panafricanisme, les colonies portugaises d’Afrique n’auraient pas connu le destin de gloire qui a été le leur. La figure emblématique de Nelson Mandela doit également son essor aux idéaux de ce mouvement politique.
L’Organisation pour l’Unité Africaine, créée en 1963 à Addis-Abeba, dont est née l’Union Africaine actuelle, avait été conçue et organisée au départ des valeurs et idéaux du panafricanisme originel. C’est ainsi qu’on trouve - dans la Charte de cette organisation et en bonne place - les notions d’indépendance, de liberté, de paix, de solidarité, de coopération et d’unité entre les États africains.
C’est surtout sur le principe de l’inviolabilité des frontières héritées de la colonisation et la coopération entre les Etats naissants que le panafricanisme à réellement marqué de son empreinte l’Afrique contemporaine.
Remise en cause de l’idéal panafricaniste
Voilà que, par sa déclaration intempestive et ses actes de 1994, sur la possibilité de revoir le tracé des frontières de Berlin de 1885, le FPR de Kagame remettait en cause une des assises/pilier du panafricanisme : la coexistence pacifique entre les nations africaines. De plus, à dater de cette époque, en contradiction flagrante avec les valeurs et principes du panafricanisme, Paul Kagame n’a cessé de piller sauvagement les ressources naturelles de la République démocratique du Congo. Par différentes méthodes, le dictateur ne se lasse pas de dévaluer l’image de son voisin sur la scène internationale. Suivant le modèle guerrier du Moyen-âge européen, il s’acharne à modifier la démographie du Kivu par le génocide des autochtones et leur remplacement par des populations d’origine rwandaise pour pouvoir ainsi justifier sa prochaine remise en cause de la règle panafricaine de l’intangibilité des frontières de 1963.
Par sa politique agressive, le président rwandais a foulé aux pieds toutes les valeurs du panafricanisme et prend le risque de dévaluer définitivement cette idéologie dans l’esprit des africains. L’unité africaine, globale ou régionale, doit se concrétiser par des voies volontaires et pacifiques ; non par la violence, sous le couvert des puissances étrangères.
Face à cette politique négative pour le panafricanisme, Felix Tshisekedi a eu une attitude radicalement différente en se montrant très ouvert à l’égard de tous les voisins et notamment du Rwanda. Souvenons-nous que, malgré le passé que Felix Tshisekedi n’ignorait pas, Kagame avait été visité de nombreuses fois, accueilli en ami à Kinshasa et qualifié de frère ; et dans cet ordre d’idée des propositions de collaboration étroite et équilibrées lui avaient été faite. Malheureusement, enfermé dans sa bulle agressive, l’homme de Kigali persévère toujours dans sa volonté expansionniste contraire aux intérêts du panafricanisme.
Pour que le panafricanisme survive et que triomphent un jour les idéaux de dignité des pères fondateurs de l’Afrique indépendante, il faut que Paul Kagame abandonne son projet expansionniste, retire ses troupes de la RDC et renonce à son rôle de chien de garde des intérêts impérialistes en Afrique.
Ainsi, notre continent retrouvera la route tracée par Nkwame Nkrumah, Sékou Touré, Gamal Abdel Nasser, Patrice Emery Lumumba, Julius Nyerere, Jomo Kenyatta, Kenneth Kaunda, Nelson Mandela et tant d’autres illustres leaders panafricanistes.
Merci.