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Est-ce que les professeurs d’université travaillent ? Non, répond le FMI, ils dépensent de l’argent public

(Par le Professeur Patience Kabamba)

 

Le travail représente une composante de l'activité humaine impliquant la mobilisation des connaissances scientifiques, des technologies et des structures organisationnelles. Compte tenu de cette réponse, il serait surprenant que le Fonds Monétaire International (FMI) considère que les enseignants n'exercent aucune activité professionnelle. Cependant, il convient de noter que, selon la perspective du Fonds Monétaire International (FMI), le travail doit générer de la valeur économique.

Le travail capitaliste se caractérise par deux dimensions essentielles, dont l'une est l'exploitation du travailleur. Il est constaté une production de valeur par l'individu, dont une fraction substantielle est appropriée par le détenteur des moyens de production. Telle est l’origine de la profitabilité. La collaboration s'avère nécessaire à la création du profit. À titre d'illustration, on peut mentionner le propriétaire du véhicule et le chauffeur de taxi. Le premier individu tire un avantage économique du travail effectué par le second. Il convient de noter que le profit diffère du bénéfice. Le cultivateur ou l’artisan qui commercialisent respectivement leurs légumes ou leurs masques réalisent des bénéfices, et non un profit.

La seconde dimension du travail se caractérise par l'aliénation. Le contenu du travail n'est pas déterminé par le travailleur. Il en résulte une aliénation. Le travailleur ne détermine ni la nature de sa production, ni sa pertinence sociale. L'implantation verticale du système Licence-Master-Doctorat (LMD) engendre une certaine aliénation chez les professeurs.

Il est communément admis que la société contemporaine adhère aux principes fondamentaux du capitalisme avec une ferveur comparable à une adhésion religieuse. Il existe une certaine acceptation des idées véhiculées par le capitalisme. L’énonciation « je cherche du travail » ou « je ne travaille plus » n’implique pas nécessairement l’absence de toute activité chez l’individu concerné. Néanmoins, le capitalisme ne prend en compte le travail que dans la mesure où il est validé socialement en tant que producteur de valeurs économiques. Le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale et l'ensemble des institutions des Nations Unies sont appréhendés comme des entités néolibérales pour lesquelles le travail constitue le facteur de production de valeur économique. Le néolibéralisme se définit comme une modalité du capitalisme dans laquelle l'État est entièrement dédié aux intérêts des entités économiques dominantes. D’après ces institutions, les enseignants universitaires produisent des biens non marchands, lesquels ne possèdent pas de valeur économique. La formation des étudiants ne représente pas une valeur économique. La rémunération des professeurs est assurée par des prélèvements fiscaux effectués auprès des entreprises générant de la valeur économique. Dans cette perspective, les enseignants représentent une charge financière pour l’État. De surcroît, lorsque le Fonds monétaire international (FMI) préconise une diminution des dépenses publiques, il implique également une réduction de la rémunération des enseignants, lesquels contribuent à la production non marchande. Au cours des années 1980, le programme d’ajustement structurel (PAS) imposé par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale a entraîné une réduction drastique des salaires des producteurs du secteur non marchand. Il est estimé que la rémunération mensuelle d’un enseignant à cette période n’excédait pas cent dollars américains. Cela marqua l'amorce du déclin des économies africaines.

Le travail concret se définit comme l'activité productrice de richesses, lesquelles se manifestent sous forme de biens et de services contribuant à l'utilité sociétale. Les professeurs contribuent à l’enseignement, à la recherche et au service à la communauté, autant d’atouts précieux pour la nation. Néanmoins, la richesse ne saurait être assimilée à une valeur économique selon les institutions néolibérales exerçant un contrôle sur notre balance des paiements. Il apparaît donc nécessaire de remporter une confrontation d’idées à ce niveau, afin d’établir que la valeur économique ne saurait constituer la mesure exclusive de l’utilité sociale. Les professeurs contribuent à la production de valeur, certes non marchande, mais indispensable à la constitution de la valeur marchande telle qu’elle est. La religion capitaliste a induit la conviction que le travail concret est le vecteur de la production de richesse, c’est-à-dire des biens et services utiles à la société. Le capitalisme n’a aucune considération significative pour la valeur d’usage. L'élément prépondérant réside dans le travail abstrait qui génère de la valeur économique. Dans ces circonstances, la rémunération constitue la contrepartie de la force de travail.

La création de valeur économique requiert une rémunération, représentant une avance monétaire sujette à remboursement ultérieur. Dans l'éventualité de la création d'une entreprise de menuiserie, il est envisageable de solliciter un prêt bancaire afin d'acquérir l'outillage nécessaire à son fonctionnement. Il est attendu que mes employés contribuent, par leur travail, au remboursement du prêt bancaire, intérêts compris. Il s'agit là de la manière dont la réalité d'un investissement est communément appréhendée. Dans cette perspective, la rémunération salariale est conceptualisée comme le coût de la force de travail. Il est impératif de répondre à mes besoins afin de valoriser le capital. La rémunération capitaliste satisfait les nécessités des travailleurs afin de maintenir la production de biens économiques. Dans cette optique, il n'existe aucune justification à l'augmentation des rémunérations des professeurs qui ne produisent pas de biens économiques.

Afin de procéder à la rénovation des bâtiments de l’Université Pédagogique Nationale (UPN), il avait été contracté, il y a quelques années, un emprunt auprès d’Afriland Bank par le recteur de l’époque. Le dogme fondamental du capitalisme réside dans la nécessité d'emprunter pour investir. Nous adhérons à cette pratique avec une conviction inébranlable, en d'autres termes, nous appréhendons de la remettre en question. À cette période, la réhabilitation des bâtiments de l’Université Pédagogique Nationale (UPN) s’avérait être un insuccès complet, caractérisée par des constructions non achevées et un endettement considérable de l’université envers la Banque Afriland. Les comptes de l’université ont même été bloqués en raison de litiges avec la banque Afriland. Il convient de noter que cette situation a évolué il y a deux ans, la réhabilitation des bâtiments de l’Université Pédagogique Nationale (UPN) ayant été financée par une subvention gouvernementale congolaise. Il s'agit donc d'un investissement réalisé par le biais d'une subvention. L’Université Pédagogique Nationale (UPN) constitue un bien patrimonial de l’État ainsi qu’un instrument de formation dont les professeurs et les administrateurs détiennent un droit d’usage. Suite à sa rénovation, l'Université Pédagogique Nationale (UPN) ne présente aucune obligation de remboursement de dette, contrairement aux approches initiales d'investissement fondées sur un modèle capitaliste. Le communisme se caractérise par un investissement réalisé par le biais de subventions plutôt que par l'intermédiaire de prêts bancaires. La rémunération des professeurs ne résulte pas d'une action économique entreprise par ces derniers. Leur rémunération est assurée indépendamment du sujet d'enseignement. Les professeurs perçoivent une rémunération correspondant à une qualification spécifique et ce, jusqu'à leur décès. Durant la pandémie de COVID-19, par exemple, les enseignants ont continué à recevoir leur rémunération. Il s'agit d'une subversion au sein du système capitaliste et de son idéologie dominante. Il convient donc de considérer le salaire comme un droit fondamental de la personne, indépendant de la performance relative à la production de biens et services. La rémunération de l'enseignant est corrélée à son niveau de qualification jusqu'à son décès. La rémunération des professeurs ne se trouve pas soumise à la subordination envers un exploiteur.

Mon engagement vise à assurer que l'ensemble de la population congolaise puisse bénéficier de cette conception communiste du travail et de la rémunération. Le capitalisme ne constitue une structure de domination qu'en cas d'adhésion à ce système. La révolution implique, par conséquent, une modification de notre perception du travail. La rémunération salariale constitue un droit inhérent et préalable à l'exécution d'une prestation de travail, et ne saurait être considérée comme une conséquence d'une transaction économique. La révolution se manifeste moins initialement par l'altération du régime politique que par une transformation dans la conception du travail. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les enseignants effectuent des dépenses, mais en réalité, ils génèrent une valeur non marchande. La notion de révolution implique un déplacement de l'objet des mobilisations ainsi qu'une généralisation à l'échelle nationale des pratiques observées dans le modèle professoral communiste, caractérisé par un salaire viager individualisé et un investissement fondé sur la subvention plutôt que sur l'emprunt. Actuellement, il apparaît que le Fonds monétaire international (FMI) a remporté la prééminence dans le domaine conceptuel. Il est impératif de se mobiliser afin de reprendre l’ascendant. Nous ne consommons pas de ressources financières ; nous engendrons des valeurs qui ne sont pas soumises au marché. La valeur économique ne saurait être considérée comme un indicateur de l’utilité sociale.

 

Est-ce que les professeurs d’université travaillent ? Non, répond le FMI, ils dépensent de l’argent public
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Révolution de la conscience révoltée(38), Examens d’Etat en RDC : Quand l’échec se transforme en pillage, où se trouve la responsabilité ?

(Par  Jonas Tshiombela)

Kinshasa, 20 août 2025.La publication récente des résultats des Examens d’État en République Démocratique du Congo a été marquée par des scènes de violences inquiétantes : des écoles pillées, du matériel détruit, des infrastructures saccagées par des élèves frustrés par leur échec. Un tel spectacle, choquant et révoltant, ne peut laisser indifférent quiconque aspire à une éducation de qualité dans notre pays. Mais au-delà de l’acte de vandalisme qu’il faut fermement condamner, une question cruciale s’impose : qu’est-ce qui pousse ces jeunes à s’attaquer à leurs propres écoles ? Des témoignages récurrents pointent du doigt certains responsables d’établissements scolaires qui auraient exigé des frais illégaux, pudiquement appelés « frais de suivi », auprès des élèves finalistes. En clair, ces jeunes auraient payé dans l’espoir d’un « accompagnement » vers la réussite, et se sentent aujourd’hui trahis. Si ces allégations sont confirmées, il s’agirait d’une pratique scandaleuse, contraire à toute éthique éducative, qui ternit la crédibilité du système scolaire congolais.

La responsabilité ne doit pas être diluée :

1. Les élèves doivent comprendre que l’échec fait partie du parcours et ne justifie en aucun cas la violence ni la destruction de biens publics.

2. Les autorités scolaires doivent répondre de leurs actes si elles se sont livrées à des pratiques mafieuses, monnayant la réussite des examens.

3. Le ministère de l’Éducation doit impérativement ouvrir une enquête sérieuse, sanctionner les responsables, et mettre en place des mécanismes transparents pour éradiquer ces dérives.

La complaisance et l’impunité dans le secteur éducatif sont un poison qui détruit l’avenir de la jeunesse congolaise. L’école doit redevenir un sanctuaire du savoir, et non une machine à rançonner les parents et les élèves. Il est urgent que le gouvernement prenne des mesures exemplaires :

1. interdiction et contrôle strict des frais scolaires parallèles, audits réguliers des établissements,

2. sanctions publiques contre les chefs d’établissements indélicats, campagnes de sensibilisation sur la valeur de l’effort et du mérite.

La RDC ne peut prétendre à l’émergence si ses écoles deviennent des foyers de corruption et de frustration. Les dirigeants du secteur éducatif doivent se lever avec courage, car chaque école détruite, chaque élève humilié par un système injuste, est une pierre arrachée au socle de notre avenir commun. Il est temps de réaffirmer haut et fort : l’éducation n’est pas une marchandise. La réussite scolaire ne s’achète pas, elle se mérite.

Révolution de la conscience révoltée(38), Examens d’Etat en RDC : Quand l’échec se transforme en pillage, où se trouve la responsabilité ?
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Trente-deuxième réflexion du Professeur Jean-Denis Kasese, Gouvernement d'union nationale et gouvernement issu de l’union nationale : la Constitution contre la primature à l'opposition ou à la Société civile

Tout semble être prêt. Le décor semble être planté comme l'attestent nombre de déclarations. Le Gouvernement Suminwa II, issu de l'Union nationale, semble se profiler, et serait bientôt publié. Ce serait donc un Gouvernement remanié et transformé en un Gouvernement issu de l’Union nationale, qui entrerait incessamment en fonction. Toutefois, une préoccupation majeure traverse les esprits, et complique la lecture de nombre d'analystes, d'observateurs, d'acteurs et de témoins de la vie politique de la RD Congo.

Elle pourrait se résumer en une question centrale, qui est celle de savoir : pourquoi, le Président de la République, Félix Tshisekedi, tout en recherchant la Cohésion nationale afin de rassembler tous les Congolais autour d’une cause noble, n'aurait mieux fait de nommer un nouveau Gouvernement dirigé par une figure de l'opposition ou de la Société civile ?

Même si cette question semble être légitime, cependant, le Président de la République, en tant que le Garant de la Constitution, est appelé au strict respect de celle-ci, et de surcroît, la Constitution demeure au sommet de la hiérarchie des normes.

Aux non-initiés, tout en le soulignant avec force, sachez que, même en cas de formation d'un Gouvernement d'Union nationale et de  nomination d'un Gouvernement issu de l’Union nationale, la Constitution ne donne pas au Président de la République, la possibilité de nommer un Premier Ministre venu de l'Opposition politique ou de la Société civile.

Dans notre cas de figure, le Président de la République réélu, Félix Tshisekedi, n'a pas de marge de manœuvre, car, il est à mi-parcours de son deuxième mandat, et que faute de Majorité parlementaire après la proclamation des résultats des élections législatives du 20 décembre 2023, et comme l'exige la Constitution, il avait déjà désigné une Personnalité, en l'occurrence, l'Honorable Augustin Kabuya, à qui il avait confié une mission d'information qui était celle d'identifier une coalition, et que cette Coalition majoritaire existe déjà bel et bien, et continue à soutenir par ailleurs, l'action, le Projet de société du Président de la République, Félix Tshisekedi.

C'est pourquoi, une analyse scientifique basée sur la Neutralité Axiologique, est entrée en lice afin de tenter d'éclairer la lanterne des Congolais.

Ma réflexion

« La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-mêmes, parce que pour elle, se soumettre, ce serait cesser d'être. »

I. Précisions conceptuelles :

Gouvernement d'union nationale et gouvernement issu de l'union nationale

Comme je l'avais souligné et mis en relief dans ma précédente Réflexion, théorisons d'entrée de jeu, ces deux concepts afin d'éclairer la lanterne.

I. 1 Gouvernement d'union nationale

D'entrée de jeu, me semble-t-il, il convient d'enlever l'équivoque en replaçant chaque concept dans son contexte.

On parle du Gouvernement d'union nationale, quand stratégiquement, le pouvoir en place, souhaite intégrer dans la future équipe gouvernementale, un nombre significatif des partis politiques et des leaders politiques de l'Opposition, et des personnes venant de la Société civile, afin de gouverner ensemble d'une manière plus stable, pour des motifs qui pourraient être variés : à titre illustratif, affermir ou raffermir la Cohésion nationale,...

Scientifiquement, on parle donc du Gouvernement d' Union nationale, au moment de sa formation, c'est-à-dire, au moment où le pouvoir en place, en clair, la Majorité présidentielle, est en négociations, en tractations, en consultations, avec des forces politiques de l'Opposition, et la Société civile, afin qu'ils acceptent d'intégrer la future équipe gouvernementale, et cela donc, avant la nomination du futur Gouvernement.

I. 2. Gouvernement issu de l'union nationale

Ce qualificatif convient quand ce Gouvernement d'Union nationale formée, est enfin, nommé par le Président de la République, ensuite publié.

Il est donc impropre de parler du Gouvernement d'Union nationale quand tous les membres du Gouvernement sont nommés et en exercice, car après leur nomination, ils font désormais partie, et cela, automatiquement, du pouvoir en place, c’est-à-dire, de la Majorité présidentielle et de la Coalition majoritaire.

Ce Gouvernement nommé, travaille sur base d'un accord gouvernemental, centré sur le projet de société du Président de la République élu ou réélu, et en fonction, et sur base de certaines orientations délibérées et voulues par des nouveaux partenaires qui ont intégré ledit Gouvernement.

Un Gouvernement issu de l'Union nationale, n'est pas synonyme d'un Gouvernement issu de la cohabitation.

Ici, le Président de la République dont le mandat court toujours, et son Projet de société, priment.

Pour s'en convaincre, dans notre cas de figure, si le Gouvernement Suminwa est remanié, et que le nouveau Gouvernement est formé sur base d'une large ouverture, appelée Union nationale ; on parlera plutôt du Gouvernement  Suminwa II, issu de l’Union nationale, et non du Gouvernement d'Union nationale.

Ii. La nomination du Premier Ministre : l'article 78 de la Constitution à la rescousse

L'alinéa 1 de l'article 78 de la Constitution, nous rappelle que :

 " Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci.

 Il  met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement " (2)

Selon cette disposition constitutionnelle, le Premier Ministre doit donc être nommé au sein de la Majorité parlementaire.

C'est-à-dire, AVANT d'entrer dans ses fonctions de Premier Ministre, en clair, AVANT d'être nommé Premier Ministre, celui-ci DOIT faire partie de la Majorité parlementaire, car c'est là-dedans qu'il sera choisi pour être nommé.

Ici, dans l’esprit du Constituant congolais, la Majorité parlementaire nous renvoie au fait qu’un parti politique a suffisamment des Députés pour constituer, à lui, tout seul, la Majorité au Parlement, plus précisément, à l’Assemblée Nationale, c’est-à-dire, la Majorité absolue ou plus, donc la moitié de Députés +1 = 500/2 + 1 = 251 Députés ( = Majorité absolue) ou plus de 251 députés.

Dans notre cas de figure, cela n'était pas le cas, car  la publication des résultats des élections législatives du 20 décembre 2023 par la CENI, nous a révélés qu'aucun parti politique n'avait à lui, tout seul, la majorité absolue de députés, soit 251 députés, ou plus de la majorité absolue, soit plus de 251 députés, à l'Assemblée nationale ;

C'est pourquoi, le Président de la République, Félix Tshisekedi, s'était appuyé sur l'alinéa 2 de l'article 78 de la Constitution, qui stipule :

" Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition" (3)

Ici, dans l'esprit du Constituant congolais, si aucun Parti politique n’a obtenu, à lui, tout seul, la Majorité absolue de Députés, soit 251 Députés, voire  plus ; ce qui fut le cas après les élections législatives du 20 décembre 2023,le Président de la République confie à une Personnalité la mission d'information afin d’identifier une coalition et de dégager une Majorité absolue ou plus, au niveau de l’Assemblée Nationale, au motif de permettre au Gouvernement de gouverner d’une manière plus stable.

C'était ainsi que l'Honorable Augustin Kabuya, avait été désigné par le Président de la République, pour remplir cette mission.

C'est ce qu'il avait d'ailleurs fait.

Force est donc de constater qu'à l'époque, aucun parti politique de l'Opposition n'avait rallié la Majorité présidentielle AVANT la nomination du Premier Ministre, pour qu'il soit identifié par l'Honorable Augustin Kabuya, l'Informateur, aux fins de faire partie de la Coalition majoritaire, et peut-être de voir un leader venu de l'Opposition, avoir l'opportunité d'être nommé Premier Ministre.

C'était ainsi que Madame Judith Suminwa Tuluka, faisant partie de la Coalition majoritaire, avait été choisie au sein cette Coalition, et a été nommée Première Ministre.

Cela dit, et de surcroît, l'alinéa 3 de l'article 78 de la Constitution nous rappelle que :

" La mission d’information est de trente jours renouvelable une seule fois."  (4)

Pour rappel, l'Honorable Augustin Kabuya a été désigné " Informateur"  par le Président de la République, Félix Tshisekedi, le 7 février 2024. (5)

Aujourd'hui, nous sommes en début août 2025, donc à une année et demie de sa désignation, et de surcroît, sa mission avait déjà pris fin, et les résultats de celle-ci sont connus, et ont été publiés.

Cela dit, il convient de noter pour les partis politiques de l'Opposition qui auraient accepté de faire partie du Gouvernement qui serait issu de l’Union nationale, et qui serait dirigé par Madame Judith Suminwa Tuluka, même s'ils entreront automatiquement dans la Majoritaire présidentielle et dans la Coalition majoritaire, car ils feront désormais partie du pouvoir, ils ne viendront que se greffer à une Coalition majoritaire qui existe déjà depuis près de deux ans, et qui a été déjà identifiée par " l'Informateur "; une Coalition majoritaire confortable dont le nombre de députés et les noms de députés la composant sont connus, ainsi que les partis politiques auxquels ils appartiennent, identifiés.

Cette Coalition majoritaire confortable, est donc ainsi, la Coalition majoritaire originelle qui accompagne déjà le Président de la République, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi.

Dans ce même ordre d'idées, les conséquences de cette configuration seront tranchantes pour les partis politiques de l'Opposition et les personnes venant de la Société civile, qui auraient accepté d'intégrer ce Gouvernement, vu que le Président de la République ne désignera plus un nouvel Informateur pour qu'il refasse ce qui existe déjà.

Sa mission a déjà pris fin depuis une année et demie.

Refaire cet exercice, est anticonstitutionnel.

En clair, le Premier Ministre de ce Gouvernement qui serait issu de l’Union nationale, ne pouvait pas ou ne peut pas venir de l'Opposition politique ni de la Société civile.

Ce serait une fraude à la Constitution, en d'autres termes, une grave violation de la Constitution.

Iii. De l'espace constitutionnel pour l'intégration des ministrables venus de l'opposition politique et de la société civile : l'alinéa 4 de l'article 78 de la Constitution à la rescousse

Pour s’en convaincre, mettons en relief l’alinéa 4 de l'article 78 de la Constitution. Celui-ci stipule :

 " Le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier Ministre. " (6)

L’alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution est très clair !

Il ne donne aucune indication quant à l’appartenance politique des autres Membres du Gouvernement lors de leur nomination.

Force est donc de constater que, cette disposition constitutionnelle, ne lie aucunement la compétence du Président de la République à une quelconque appartenance politique des autres Membres du Gouvernent lors de leur nomination.

Sous cet angle, c’est donc la compétence discrétionnaire du Président de la République qui agit.

Même si dans les usages du Système Politique congolais, le Premier Ministre est appelé à tenir compte de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire lorsqu’il propose les noms des candidats ministrables au Président de la République, aux fins de leur nomination, et cela, afin d'éviter un blocage persistant ou une crise grave lors de la formation du Gouvernement, mais aussi, par la suite, permettre au Président de la République et à son Gouvernement, de faire passer des lois et des réformes au Parlement.

Cependant, ni le Premier Ministre ni le Président de la République, ne sont contraints par une quelconque disposition législative ou constitutionnelle ; c’est-à-dire, qu’aucune disposition législative ou constitutionnelle ne les oblige de choisir les ministrables et de les nommer, exclusivement, au sein de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.

Même si on peut comprendre que la Majorité parlementaire ou la Coalition majoritaire devra être très bien représentée au sein du Gouvernement pour des motifs techniques susmentionnés ; le Président de la République et le Premier Ministre, sont donc libres, ils ont un réel pouvoir et, un choix réel.

Au finish, le Président de la République peut ainsi, se servir de sa compétence discrétionnaire pour intégrer aussi, dans l’équipe gouvernementale, des personnes non issues de la Majorité parlementaire, de la Coalition majoritaire ou des Partis politiques, car la Constitution lui donne cette possibilité ; et cela, selon les critères que lui et son Premier Ministre, pourraient définir.

S'il le fait, il ne violera aucunement une quelconque disposition législative ou constitutionnelle. C'est ici que le Gouvernement qui serait issu de l’Union nationale, trouve sa légalité.

Scientia Vincere Tenebras (La Science Vaincra les Ténèbres).

Professeur Jean-Denis Kasese Otung Abienda

Professeur à l'Université Pédagogique Nationale (UPN)

Professeur, Chercheur et Collaborateur Scientifique à l'Université Libre de Bruxelles (ULB)

Membre de la Faculté de Philosophie et des Sciences Sociales (ex - Faculté des Sciences Sociales et  Politiques / Solvay Brussels School of Economics and Management) de l'Université Libre de Bruxelles (ULB)

Membre de l'Institut de Sociologie (IS) de l'Université Libre de Bruxelles (ULB)

Membre du Centre d'Études de la Coopération Internationale et du Développement (CECID) de l'Université Libre de Bruxelles (ULB).

NOTES ET RÉFÉRENCES    

1. Henri POINCARÉ, « Discours : Fêtes du 75ème anniversaire de l'Université Libre de Bruxelles (ULB) », ULB, Bruxelles, le 21 novembre 1909.

2. L’alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006

3. L’alinéa 2 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006

4. L’alinéa 3 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006

5. PRÉSIDENCE. CD, " Le Président Tshisekedi s’est entretenu avec Augustin Kabuya, nouvellement nommé informateur", Publié le 7 février 2024

6. L’alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006

7. KASESE OTUNG ABIENDA, Jean-Denis, Droit administratif, UPN, Inédit, Kinshasa,

Trente-deuxième réflexion du Professeur Jean-Denis Kasese, Gouvernement d'union nationale et gouvernement issu de l’union nationale : la Constitution contre la primature à l'opposition ou à la Société civile
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